Qu'il ne vous manque rien

Par Jonah Haddadle 7 mai 2017

Il y a des chrétiens qui se réunissent dans leurs maisons aujourd’hui parce qu’ils n’ont pas accès à une salle de culte. Pire, il y a des chrétiens qui se cachent pour rendre un culte à Dieu parce qu’ils sont menacés à cause de leur foi. Pire encore, il y a des chrétiens qui souffrent en prison, ou qui ont été obligés de s’enfuir de leur pays parce qu’ils étaient poursuivis par des gouvernements hostiles. Ils ont perdu leur maison, leur travail, leurs biens. Il leur manque les nécessités les plus basiques de la vie.

Heureusement, notre situation en France n’est pas aussi grave que ça. Nous avons de la liberté. Nous avons tous une qualité de vie globalement bonne. Mais est-ce que ça veut dire qu’il n’y a rien qui manque à notre vie, et surtout à notre vie spirituelle ? Il manque toujours quelque chose, n’est-ce pas. Pour ceux qui sont présents et pour ceux qui écoutent (peut-être) sur internet, ce ne sera pas difficile d’identifier certaines choses qui nous manquent, même en France―de l’argent, un logement bien adapté, un emploi convenable, la réconciliation avec un proche, l’affection d’un conjoint, la guérison d’une maladie, la réponse à une prière, etc. Il manque toujours quelque chose. Mais qu’est-ce qui nous manque le plus ?

La Bible ne nous promet pas de faire disparaître tous nos problèmes. Mais en même temps, elle nous promet qu’il ne nous manquera rien. La Bible ne nous promet pas de rendre notre vie facile. Par contre, elle nous promet de faire de nous (les chrétiens) des disciples de Jésus. La Bible promet une croissance en termes de foi et de caractère chrétien, à ceux qui aiment le Seigneur, et afin qu’il ne nous manque rien. C’est ce que nous dit Jacques.

Jacques, le serviteur de Dieu et du Seigneur Jésus-Christ, a écrit son épitre aux douze tribus dans la dispersion. Historiquement, la dispersion faisait référence aux juifs dispersés après que le territoire d’Israël a été conquis par des puissances extérieures. Mais ici, au début de l’épitre de Jacques, je pense que les douze tribus désignent les chrétiens qui se sont enfuis de Jérusalem à cause de la persécution. Jacques, le frère de Jésus, était un apôtre à Jérusalem et une colonne de l’église (selon Galates 2.9). Et donc, quand il s’adresse au peuple de Dieu dispersé, il parle à son assemblée qui a été frappée par la persécution. Il parle aux gens qui ont perdu beaucoup.

À cause de la persécution, les chrétiens de Jérusalem ont perdu leurs maisons ; ils ont perdu leurs moyens de subsistance ; ils ont perdu leurs biens, leurs effets personnels, leurs familles, et leurs positions dans la société. Jacques s’adresse à des gens qui ont tout perdu, et qui ont été tentés de perdre la foi en plus. Mais en sachant qu’il ne peut pas faire grand-chose pour rétablir les biens tangibles, ou matériels, de ces chrétiens, Jacques, en tant que pasteur et berger, se préoccupe de leurs besoins spirituels afin de les encourager dans la foi―il se préoccupe de leur persévérance, de leur sagesse, et de leur humilité devant Dieu.

Il leur rappelle que malgré les circonstances, tout ce que nous avons, nous l’avons par la grâce de Dieu. Jacques écrit à son assemblée pour qu’il ne leur manque rien. Il nous parle aussi, à nous aujourd’hui, pour qu’il ne nous manque rien.

Le livre de Jacques est souvent considéré comme les proverbes du Nouveau Testament. Il est difficile d’identifier des concepts théologiques qui unifient cette épitre. Jésus n’est mentionné que deux fois dans le livre, et Jacques change le sujet de son discours tous les quelques versets. Le texte se lit comme une homélie pratique saupoudrée d’illustrations vivides.

En plus, Jacques est souvent accusé par ses critiques de légalisme (c’est-à-dire quand on met l’accent sur les mérites humains). Son épitre est souvent perçue comme une contradiction à la théologie de la grâce qui domine le Nouveau Testament. Il y a des chrétiens de chaque époque qui hésitent à appliquer l’enseignement de Jacques parce qu’il nous donne l’impression parfois que les œuvres (les actions humaines) comptent plus que la foi et que la grâce de Dieu. Par exemple, l’apôtre Paul nous dit que c’est par la grâce que nous sommes sauvés par le moyen de la foi. Et l’apôtre Jacques réplique que sans les œuvres, la foi est morte.

Mais je pense qu’il faut lire ce livre avec un peu plus d’attention. Il n’y a pas de contradiction, mais une complémentarité. N’oubliez pas que ce livre a été écrit dans un contexte juif, à Jérusalem, indépendamment de la théologie de Paul. Sous l’inspiration du Saint-Esprit, Jacques utilise les circonstances difficiles des chrétiens pour leur faire constater leur besoin de la grâce. Il leur rappelle que Dieu leur donne librement pour qu’il ne leur manque rien.

Le don de la persévérance (v. 1-4)

Dans les premiers versets de Jacques 1, l’apôtre mentionne trois choses en particulier que Dieu nous donne par sa grâce pour qu’il ne nous manque rien. On va étudier ces trois choses aujourd’hui. D’abord, selon les versets 2 à 4, Dieu nous donne le don de la persévérance face aux épreuves. C’est toujours délicat de parler des épreuves. Mais c’est un sujet souvent abordé dans la Bible. Ici, l’apôtre Jacques suit le même raisonnement que l’apôtre Pierre en 1 Pierre 1. L’idée, c’est que les épreuves font partie de la vie. Ici, Jacques corrige l’idée (un peu masochiste) selon laquelle les épreuves seraient des bonnes choses en soi. Et il corrige l’idée selon laquelle Dieu nous enverrait des épreuves par malveillance. L’épitre de Jacques est un livre de sagesse pour les chrétiens. Son but est de nous faire comprendre comment vivre une vie fidèle face aux épreuves qui échappent à notre contrôle. Au lieu de nous donner un traité philosophique sur la souffrance, il nous encourage à développer la sagesse nécessaire pour tenir ferme face à la souffrance quand elle arrive.

Selon Jacques, ce serait fou de maudire Dieu pour les épreuves que nous subissons ; et ce serait fou de faire de nos épreuves une source de joie en soi. En revanche, la joie qu’il nous encourage à avoir, c’est la joie qui vient en sachant que Dieu nous soutient lors des épreuves, et les utilise pour forger notre caractère et notre attitude. On commence à voir l’utilité des épreuves quand on se confie dans le fait que Dieu peut utiliser ces épreuves pour une meilleure fin. Les épreuves, grandes et petites, servent à nous former dans la foi.

J’ai un ami qui est réserviste dans l’armée de terre. Et quand il rentre à Lyon après une semaine d’entrainement dans les Alpes ou un weekend en mission, il est fatigué. Et parfois quand je le vois, je lui demande comment il va dans ses entrainements. Et il me répond toujours : c’était dur mais j’ai appris des choses. C’était dur mais j’ai perfectionné mes compétences. Je suis un meilleur soldat et une meilleure personne qu’avant.

Selon Jacques, nous ne sommes pas censés capituler ou faiblir face aux épreuves, par une sorte de soumission passive. En revanche, les épreuves devraient activer en nous le plaisir de la foi en Jésus-Christ. Dieu est l’objet de notre joie, pas les épreuves en soi. Les épreuves servent à nous former dans la foi. À nous entraîner. Ça me fait penser à la citation célèbre de Friedrich Nietzsche, qui dit :

« Ce qui ne me tue pas me rend plus fort. »

Peut-être qu’il y a un peu de vérité dans cette expression. Ce qui ne me tue pas me rend plus dépendant de la force de Dieu.

Je sais que certaines personnes de cette assemblée ont beaucoup souffert dans la vie (beaucoup plus que moi), et je ne veux pas que mes paroles soient perçues comme faciles ou banales, mais je vous encourage quand même à ne pas voir les difficultés de votre vie comme un signe de mécontentement divin (comme si Dieu ne se souciait pas de vous), mais plutôt comme des opportunités de persévérer dans la foi et dans le service du Seigneur Jésus-Christ. La formation de notre foi à travers les épreuves est une grâce de Dieu pour qu’il ne nous manque rien.

Le don de la sagesse (v. 5-8)

Mais la deuxième chose qui vient par la grâce de Dieu est la sagesse. La sagesse, mentionnée aux versets 5-8, est nécessaire pour produire en nous un bon caractère chrétien. Tout comme le Proverbe 9.10 fait un parallèle entre la sagesse et la foi en Dieu, et comme 1 Corinthiens chapitre 1.18 nous rappelle que la sagesse de Dieu ne peut pas être comprise par le monde déchu, Jacques aussi nous dit que la vraie sagesse est un don de Dieu. C’est une sagesse qui nous aide à mettre en perspective nos épreuves et à voir plus clairement le plan salvateur de Dieu pour son peuple. C’est facile de lire la Bible, mais c’est impossible de la laisser pénétrer dans notre cœur si Dieu ne nous donne pas la sagesse de la comprendre. C’est pourquoi, pour certaines personnes la Bible est un conte de fées ridicule, mais pour d’autres, c’est un trésor qui change la vie. Dans ce monde de l’internet et des réseaux sociaux, l’information est endémique mais la sagesse est rare. Est-ce qu’il nous mangue de la sagesse ? Il faut demander à Dieu qui nous donne la sagesse et le discernement librement, c’est-à-dire, sans limite.

Imaginez que vous êtes en train de négocier un contrat de travail avec votre futur employeur, et que vous demandez un salaire un peu plus haut que ce qu’il vous a proposé. Il hésite, mais finalement il dit, oui d’accord, votre CV est impressionnant, vous le méritez. Mais avant qu’il finisse de vous donner son accord, vous l’interrompez et en demandez encore plus. Alors, s’il est très gentil, très généreux, de très bonne humeur, ou très ivre, ça va peut-être passer. Mais imaginez qu’ensuite vous demandiez quelques semaines de congés supplémentaires, avec une courte semaine de travail, et un véhicule de fonction ? Quel sera le résultat ? Je vous assure que vous serez renvoyé avant même d’avoir signé le contrat.

Ou imaginez, si vous êtes enfant, que vous demandez à vos parents de vous acheter des bonbons ou un nouveau jouet. Peut-être, s’ils sont de bonne humeur, qu’ils vous donneront leur accord. Mais imaginez que vous tiriez sur la corde un peu en demandant encore plus. Vous allez chercher un chariot à remplir, et vous demandez les articles les plus chers.

Il est facile de trop demander aux autres. Nous reconnaissons tous les problèmes potentiels qu’entrainent nos demandes excessives. Mais avec Dieu, nous ne rencontrons jamais d’énervement divin. Dieu nous invite à demander la sagesse, souvent, et dans des quantités importantes, et de le faire sans douter (sans avoir peur que Dieu ne réponde pas à nos besoins).

Le texte nous dit que celui qui doute est irrésolu. Littéralement, Jacques dit que ceux qui doutent ont deux âmes. Ils sont divisés entre Dieu et le monde. Ceux qui doutent, c’est comme s’ils disaient : « Je crois en Dieu, mais c’est ridicule de penser que Dieu répond vraiment aux prières. Je crois en Dieu, mais c’est ridicule de penser qu’il est vraiment créateur tout-puissant, surtout quand la science nous montre que l’univers n’a pas besoin de Dieu. Je crois en Dieu, mais je sais que ses lois morales devraient être mises à jour. Je crois en Dieu, mais ça c’est parce que je suis chrétien et que je suis censé prétendre croire ». Mais pour que Dieu nous montre la richesse de sa sagesse, il nous demande la foi toute simple. Comme David a prié dans le Psaume 86, donne-moi un cœur tout simple (indivisé) afin que je craigne ton nom.

Et comme David, Jacques nous invite à demander la sagesse dans la prière. On peut demander à Dieu de nous donner le discernement pour contrecarrer ce que dit le monde avec ce que dit sa parole. On peut demander à Dieu de nous donner la sagesse de connaitre Jésus par la foi. On peut demander à Dieu de nous aider à chercher la sagesse dans sa parole. On peut demander à Dieu de nous donner de marcher dans la présence de ceux qui sont sages. Ça commence par de simples prières : Dieu, donne-moi de discerner la vérité ; donne-moi la sagesse pour qu’il ne me manque rien.

Le don de l’humilité (v. 9-11)

Le dernier exemple de grâce divine se trouve dans le discours de Jacques concernant l’homme riche et l’homme pauvre. Le principe de ces versets est que Dieu nous donne l’humilité qui nous élève. Le discours est centré sur l’homme riche tout simplement parce qu’il est difficile pour ceux qui ont la sécurité de leur richesse de reconnaitre qu’il leur manque de l’humilité et qu’il leur manque le secours de Dieu. La question logique est, qu’est-ce qui pourrait manquer à un homme qui a tout ? Ceux qui ont tout (ou qui pensent qu’ils ont tout) ne reconnaissent pas que ce qui leur manque, c’est l’absence des choses. Ce que je veux dire par là c’est qu’il leur manque une dépendance complète de Dieu. Nous sommes prêts à recevoir la grâce de Dieu au moment où nous reconnaissons nos limites, notre dépendance, et notre pauvreté spirituelle.

Selon Jacques, l’homme pauvre de condition humble est mieux placé pour reconnaitre son besoin de Dieu. Dieu montre régulièrement sa compassion à ceux qui sont monétairement pauvres et à ceux qui sont spirituellement pauvres―qui reconnaissent leur besoin de Dieu.

Comment saisir par la main ce qui nous pourrait nous sauver de la noyade, alors que nos mains sont remplies d’or ? Avez-vous jamais essayé d’ouvrir la porte de votre maison quand vous teniez trois ou quatre sacs de courses dans les mains ? C’est difficile. De même, avez-vous jamais essayé de louer le Seigneur, quand vous teniez dans vos bras l’idée que vous êtes le vrai maitre de votre vie―le plus fort, le plus grand, le plus important, le plus digne… ?

Jacques ne nous demande pas de vendre tout ce que nous avons, et de vivre comme des mendiants. Mais il nous encourage à nous débarrasser de ce qui nous empêche de venir devant Dieu dans l’humilité et dans la repentance. Comment est-ce possible d’ouvrir la porte du royaume de Dieu quand nos mains sont pleines de nos propres œuvres ? Comment est-ce possible de marcher avec l’Esprit quand nous sommes accablés par le lourd fardeau de notre propre justice ? Comment est-ce possible de profiter de la liberté spirituelle qui est en Christ quand nous sommes attachés à nos biens tangibles et temporels ?

Conclusion

Si le livre de Jacques n’est qu’un livre qui parle des œuvres, des lois, et des pratiques, il me semble curieux que Jacques commence par un discours sur la grâce. Jacques ouvre son épitre, non pas en parlant de ce que nous devons faire pour nous-même, mais en parlant de ce que Dieu fait pour nous selon sa grâce. Finalement, il nous pointe vers la foi en Dieu qui nous donne librement sa grâce en Jésus-Christ qui est mort pour nous à la croix, afin que (par la repentance et la foi) il ne nous manque rien. Malgré les épreuves de la vie, et malgré des circonstances diverses qui échappent à notre contrôle, Dieu nous donne sa grâce afin de nous donner ce qui nous manque le plus, c’est-à-dire la foi qui nous mènera jusqu’à la perfection et la gloire.

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