« Le seul moyen de se délivrer d’une tentation, c’est d’y céder. » Ce n’est pas dans la Bible. C’est une citation d’Oscar Wilde, tirée de son roman Le Portrait de Dorian Gray (1890). Une citation devenue populaire, parce qu’elle se moque un peu des gens comme les chrétiens qui consacrent beaucoup d’énergie à essayer de surmonter ce qu’ils appellent « le péché » dans leur vie, et qui semblent de toute manière retomber dedans en fin de compte. Que d’énergie gaspillée ! Autant céder tout de suite à la tentation, et on n’en parle plus et on peut passer à autre chose !
Et depuis quelques semaines, à travers notre étude du livre de l’Exode, et notamment de ce fameux épisode du veau d’or (où les Israélites qui viennent d’être délivrés de l’esclavage par Dieu, se retournent contre Dieu en rendant un culte à une statue à la place), c’est un peu le thème qui nous a intéressés, n’est-ce pas ? La tentation, le péché, le mal qui est dans notre cœur… et le pardon merveilleux de Dieu, et la gloire de sa grâce envers les croyants.
Si vous êtes croyants, en effet, ce sont des notions qui vous parlent sans doute. Mais si vous n’êtes pas croyant, si vous êtes athée, agnostique, ou peut-être même d’une autre religion, vous pouvez trouver bizarre, voire même ridicule, le fait qu’on réfléchisse à ces choses qu’on appelle la tentation et le péché. Pourtant, pratiquement tout le monde, croyants ou non-croyants, pense qu’il vaut mieux faire le bien que faire le mal dans la vie, non ? Et quand le mal a été commis, et qu’il a entraîné des conséquences douloureuses, pratiquement tout le monde pense que ce serait bien de ne pas recommencer, non ?
« J’aime la conduite sportive, mais hier j’ai failli renverser un enfant. Je triche au travail, je pique dans les stocks, et j’ai été licencié pour faute grave. Je bois beaucoup le soir, et sous l’emprise de l’alcool, j’ai frappé mon conjoint. On s’est prosterné devant une statue en or, et environ trois mille personnes ont été tuées par l’épée, et on a failli perdre à jamais notre relation avec Dieu. » Et donc on peut dire que pratiquement tout le monde devrait être intéressé par la question qui est soulevée dans le passage d’aujourd’hui, et qui est la suivante : comment faire pour éviter de recommencer ?
On arrive à la conclusion de cet épisode tragique du veau d’or, et vous allez voir que Dieu renouvelle son alliance avec les Israélites, il rétablit formellement la relation qui avait été brisée, il entérine solennellement son pardon, mais il le fait avec le souci d’encourager les Israélites à ne pas recommencer, et c’est la raison pour laquelle ce passage va insister sur quelques points en particulier. Vous aussi, vous voulez être armés pour résister plus efficacement contre la tentation ? Alors écoutez bien la leçon de ce passage : la meilleure façon de lutter négativement contre le mal, c’est de se consacrer positivement à Dieu.
Il y a deux parties principales dans ce texte. D’abord, quelque chose de pas nouveau, et ensuite quelque chose de nouveau. Ce qui n’est pas nouveau (v. 10-28), ce sont les dispositions de l’alliance que Dieu juge utile de répéter, au moment où il rétablit formellement la relation avec son peuple. La raison pour laquelle Dieu répète ces choses en particulier, c’est justement la crise du veau d’or. C’est comme si Dieu disait : « Il s’est passé quelque chose de grave entre nous, mais on se réconcilie aujourd’hui. Toutefois, à cause de ce qui s’est passé, je voudrais insister sur certains points que je vous ai déjà dits, et je voudrais que vous preniez notamment ces choses à cœur, pour éviter qu’une telle catastrophe se reproduise. » Et qu’est-ce qu’il veut leur faire comprendre, et nous faire comprendre, globalement, à travers ces versets ? C’est qu’il y a des choses pratiques que nous pouvons faire pour cultiver notre attachement au bien. Regardez le texte.
Dieu dit à son peuple, par exemple, de garder ses distances par rapport aux nations environnantes (v. 11-17). Les Israélites vont prendre possession de la terre promise en chassant des peuples païens, et ils doivent faire très attention de ne pas se laisser influencer par leurs pratiques, ce qui pourrait les conduire à l’idolâtrie. « Ne conclus pas d’alliance avec eux, renverse leurs autels, ne te prosterne pas devant leurs dieux, ne te lie pas avec eux par le mariage, etc. » Dieu dit aussi aux Israélites de s’assurer qu’ils maintiennent bien dans leur calendrier les différents rendez-vous « liturgiques » qui ont pour but de rappeler à la mémoire des Israélites la relation qu’ils ont avec Dieu (v. 18, 21-24) : il y a bien sûr le sabbat hebdomadaire, mais aussi les trois grandes fêtes annuelles. Et puis Dieu leur rappelle aussi qu’ils doivent lui consacrer les premiers-nés, que ce soit leurs fils ou leurs animaux, et même les prémices des récoltes (v. 19-20, 26) ; c’est une disposition pratique, elle aussi, qui sert à rappeler aux Israélites la grâce que Dieu leur a faite en les délivrant à grand prix de l’esclavage en Égypte, pour les conduire en terre promise.
Dieu est en train de parler à des gens qui sont faibles, et il leur donne des conseils (des choses pratiques à faire) pour qu’ils puissent se prémunir contre leur propre faiblesse. C’est comme si vous aviez en face de vous quelqu’un d’alcoolique, vous lui diriez peut-être : « Écoute, pour éviter de boire la prochaine fois, voici ce que tu pourrais faire : ne va pas dans les bars ; quand tu fais tes courses, évite le rayon des alcools ; assure-toi d’avoir des jus de fruits au frigo comme boisson de substitution ; et mets en évidence, sur un mur dans ta chambre ou dans ta cuisine, le portrait de ton oncle qui est mort à 50 ans d’une cirrhose du foie ». D’ailleurs, notre société fonctionne un peu comme ça avec les avertissements sur les paquets de cigarettes, pour inciter les gens à moins fumer ; ou encore les vidéos de prévention de la sécurité routière, pour nous inciter à conduire moins vite et à ne pas utiliser notre portable en voiture.
Et Dieu souligne ici quelques dispositions qui étaient déjà prévues dans son alliance, mais qui peuvent vraiment aider le peuple à ne pas retomber dans l’idolâtrie ; bref, des dispositions qui peuvent armer le peuple et le prémunir contre la tentation de commettre le mal. Et encore aujourd’hui, il y a des choses pratiques que nous pouvons faire pour cultiver notre attachement au bien. S’il est vrai que nous vivons dans un monde déchu, nous devons reconnaître, fondamentalement, que seul Dieu peut nous conduire de manière infaillible dans la vie. C’est pourquoi, si vous cherchez à faire le bien, je vous dirais avant tout de chercher à connaître le vrai Dieu si vous ne le connaissez pas encore.
Et si vous connaissez Dieu, alors méfiez-vous de l’influence dans votre vie du monde qui ne connaît pas Dieu. Il n’y a pas de neutralité. Dans le texte, ce n’est pas pour des raisons racistes que Dieu dit à son peuple de garder ses distances des autres peuples, c’est pour des raisons théologiques et éthiques. Ce n’est pas une bonne idée, si vous êtes croyant, d’épouser un non-croyant, ni même d’avoir une simple relation amoureuse avec un non-croyant. Ce n’est pas une bonne idée de s’empiffrer intellectuellement, sans discernement, à longueur de journée, du discours de la TV, de la radio et des autres médias, en se réservant cinq petites minutes pour lire la Bible, et encore ! Ce n’est pas une bonne idée d’avoir une vie sociale centrée sur ses amis non-chrétiens plutôt que centrée sur la communauté des croyants (à laquelle nos amis non-croyants peuvent être invités).
C’est important de maintenir dans la semaine, et dans le calendrier en général, la prééminence de Dieu : par le culte chaque dimanche, qui peut être une priorité non négociable ; par du temps consacré à Dieu dans la prière et la lecture de la Bible chaque jour ou presque ; par le simple fait de rendre grâce à Dieu avant les repas. C’est important de donner de son argent à l’œuvre de Dieu, de lui offrir les « prémices de la récolte », de le faire fidèlement et généreusement, car « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur ». Et pourquoi pas rappeler quotidiennement à sa mémoire la relation que l’on a avec Dieu, par des posters bibliques chez soi, de la musique chrétienne dans la voiture, des livres sur la table de chevet… Bien sûr, ce n’est pas l’habit qui fait le moine ! Mais il y a des choses pratiques que nous pouvons faire pour cultiver notre attachement au bien.
Tout ça, c’est ce qui n’est pas nouveau dans le texte. Maintenant, qu’est-ce qui est nouveau ? Ce qui est nouveau, c’est ce qui se passe ensuite. Et à travers ce qui se passe ensuite, Dieu veut nous faire comprendre qu’en nous appuyant sur notre espérance, nous pouvons être motivés à faire le bien. Moïse descend du Mont Sinaï avec les nouvelles tables de la loi, et il va transmettre aux Israélites les paroles que Dieu lui a dites. Sauf qu’il a la peau du visage qui rayonne, et qui rayonne tellement que ça fait peur aux Israélites (v. 30). Le texte nous explique, du coup, que Moïse va mettre un voile sur le visage ; mais ce voile, il l’enlève quand il parle avec Dieu, et il l’enlève aussi quand il parle au peuple de la part de Dieu (v. 34). Le reste du temps, il le garde sur le visage. Voilà qui est bizarre ! Quel est le rapport avec la réconciliation du peuple avec Dieu et avec le renouvellement de l’alliance ? Le rapport, c’est que Dieu semble vouloir rappeler aux Israélites, par un nouveau signe, le caractère exceptionnel de la relation privilégiée qu’ils ont avec lui.
Vous vous rappelez Moïse qui demande à voir la gloire de Dieu, comme gage de son intention de pardonner (cf. 33.18) ? Ici aussi, Dieu montre sa gloire indirectement à son peuple, pour lui signifier le rétablissement de la relation. C’est un peu comme quand on s’est fâché avec son conjoint, et qu’on se réconcilie : parfois, pour « sceller » en quelque sorte cette réconciliation, on ajoute une petite attention comme un câlin, un bisou, un bouquet de fleurs, etc. Et Dieu aussi ajoute quelque chose ici à la réconciliation qui a eu lieu. Maintenant, il laisse les Israélites avoir un aperçu de sa gloire, sur le visage de Moïse (ce qu’ils n’avaient pas avant), notamment quand Moïse est en train d’établir activement la communication entre Dieu et le peuple. C’est très significatif, n’est-ce pas ?
Mais en même temps, ce qui est frappant, c’est que cette gloire n’est pas visible tout le temps. Dieu montre sa gloire, mais il voile sa gloire. C’est ambivalent. C’est génial, mais il y a un goût d’inachevé, vous comprenez ? Quand on met un voile sur quelque chose, on donne envie de voir ce qu’il y a derrière. C’est comme quand on inaugure un nouveau monument. Il est d’abord présenté, ce monument, sous un drap. Il y a tout un protocole, toute une cérémonie, et enfin, on enlève le drap. L’attention se porte vers ce moment. Ou alors, c’est comme la mariée qui arrive à l’église, et qui emprunte l’allée centrale, doucement, au bras de son père, et au son du Canon de Pachelbel. Son visage est voilé. Vision merveilleuse pour l’assemblée, mais qui crée une attente, qui pointe en avant vers le moment où le voile sera levé et où le mariage sera prononcé. Et on a la même idée ici dans le texte. Dieu se manifeste merveilleusement à son peuple, mais il y a un voile, et ce voile appelle à être enlevé. La relation n’est pas complète, tant qu’il y a le voile.
Il y a donc bien une ambivalence dans ce visage qui rayonne, mais qui est voilé. C’est génial, parce que Dieu montre qu’il est là et qu’il y a bien une relation entre lui et son peuple ; mais il y a un goût d’inachevé, qui souligne les limites de la relation que les Israélites peuvent avoir avec Dieu. Pourquoi ? Parce que l’alliance établie par Dieu au Mont Sinaï permet de merveilleuses choses, mais elle ne prévoit pas de solution complète et efficace au problème du cœur des hommes, qui est déchu et porté vers le mal. Et donc ce voile, c’est comme un rideau entrebâillé : on peut voir un peu ce qu’il y a derrière, et c’est glorieux ! Mais on ne peut pas voir complètement ce qu’il y a derrière, et c’est frustrant ! C’est comme quand la première bande-annonce du nouveau Star Wars est sortie : « Ouah c’est génial, c’est glorieux ! On vit mieux maintenant qu’on a cette bande-annonce. Mais en même temps c’est frustrant ! On doit attendre la sortie du film pour tout comprendre et vraiment en profiter ».
Et curieusement, cette ambivalence doit servir aux Israélites dans leur lutte contre le péché. Elle leur sert, parce qu’elle suscite en eux une espérance future. Les Israélites qui ont vécu le traumatisme du veau d’or, savent que l’alliance du Sinaï ne résout pas le problème de leur cœur. Dieu est avec eux, mais le voile demeure ; mais le voile appelle à être enlevé un jour. Et les Israélites qui ont vécu après, et qui reçoivent ce récit avec foi, se rendent compte que même Moïse, le meilleur prophète qu’ils ont jamais eu, a dû mettre un voile sur son visage, parce que les dispositions de son alliance ne sont pas suffisantes pour résoudre le problème de leur cœur, qui les empêche de voir Dieu (Dt 29.3). Mais Dieu se manifeste quand même à eux, par sa loi, par ses promesses, par le Tabernacle et les sacrifices, de façon à susciter en eux une espérance future. Et cette espérance future se concentre sur une personne dans l’histoire d’Israël, sur la figure du messie, qui doit résoudre le problème du cœur des hommes et établir une nouvelle alliance, bien meilleure que l’ancienne.
Et Dieu est donc en train de dire, en quelque sorte : « Je m’occupe de vous. Je suis impliqué dans votre histoire, je suis en train de déployer mon projet. Et je vous donne même des garanties concernant ce que je vais faire dans l’avenir, par mon messie, pour vous délivrer vraiment des liens du mal ». Et en comprenant cela, les Israélites qui ont la foi sont motivés à persévérer dans la fidélité à Dieu. Le reste de la Bible nous apprend que Jésus est venu comme ce messie tant attendu. Il a accompli une œuvre inouïe, puisqu’il s’est offert lui-même en rançon pour le salut des croyants, et il a établi cette nouvelle alliance en son sang, qui est répandu pour nous (Lc 22.20). Ce que cela veut dire, c’est que par la foi en Jésus, nous pouvons avoir une relation avec Dieu qui dépasse de loin celle que les Israélites pouvaient avoir (voir 2 Co 3-4). Et donc si les Israélites étaient incités à persévérer dans la fidélité à Dieu, sous l’effet d’une gloire passagère et incomplète, parce qu’ils s’appuyaient sur une espérance future, à combien plus forte raison nous aussi, si nous connaissons Jésus, nous pouvons et devrions être motivés à faire le bien !
Le rideau a été très largement ouvert. La gloire de Dieu nous est révélée dans l’Évangile, « sur la face de Christ » (2 Co 4.6), de façon infiniment supérieure à la gloire qui était montrée aux Israélites sur le visage de Moïse. Et donc notre espérance, si nous sommes chrétiens, est encore plus solide, encore mieux attestée, encore plus certaine à notre esprit, parce que la nouvelle alliance est fondée sur de meilleures promesses, parce qu’elle est entérinée non pas par le sang des animaux mais par le sang du Fils-même de Dieu. L’apôtre Paul le résume très simplement :
« Il n’y a pas de distinction : tous ont péché et sont privés de la gloire de Dieu ; et ils sont gratuitement justifiés par sa grâce, par le moyen de la rédemption qui est dans le Christ-Jésus. » (Rm 3.23-24)
Le rideau est très largement ouvert, mais on attend encore le parachèvement de l’œuvre de Dieu lors du retour de Jésus au jour du jugement. Ce jour-là, même la mort sera définitivement éradiquée, et nous pourrons vivre éternellement en la présence glorieuse de Dieu dans la nouvelle création.
Alors j’en reviens à la question qu’on se posait au début. Tout le monde ou presque pense qu’il vaut mieux faire le bien que le mal. Tout le monde ou presque aimerait, après avoir fait le mal, et après en avoir souffert les conséquences, ne pas recommencer. Comment faire ? La meilleure façon de lutter négativement contre le mal, c’est de se consacrer positivement à Dieu. C’est à cette conviction que ce passage veut nous amener.
Si vous êtes non-croyant, athée, agnostique, ou d’une autre religion, vous avez découvert la cohérence du message biblique, centré sur la personne et l’œuvre de Jésus-Christ, qui est seul capable de conduire à Dieu. L’espérance chrétienne ne ressemble à rien d’autre ; seule la Bible apporte une réponse cohérente au problème du mal, et présente une bonne nouvelle aux hommes. Tournez-vous vers Jésus, c’est la première chose à faire pour sortir de vos addictions, de vos mauvais penchants, de vos comportements destructeurs.
Et si vous connaissez Jésus, vous avez vu que ce texte nous invitait à nous appuyer de tout notre poids sur l’espérance que nous avons en Jésus, et qui est tellement solide ! Et donc tout ce que nous pouvons faire pour rappeler à notre esprit cette glorieuse espérance, va nous aider à lutter efficacement contre le mal dans notre vie. Notre engagement dans la vie de l’église locale est indispensable. Notre solidarité avec les frères et sœurs dans la foi. Notre participation fidèle à des choses comme les groupes de maison, les groupes de croissance, les réunions de prière, mais aussi les habitudes personnelles que sont la lecture de la Bible, la prière, parfois le jeûne, et toutes les autres choses qu’on a mentionnées, y compris le discernement et la prudence vis-à-vis des influences hostiles à Dieu, la discipline dans l’emploi du temps et le calendrier, la discipline dans la gestion de l’argent, etc.
Non pas qu’il y ait la moindre puissance dans ces choses en elles-mêmes. Mais parce qu’elles sont des rappels concrets, pratiques, et constants, de la prééminence de Dieu dans notre vie, et du prix extraordinaire qu’il a payé pour nous racheter. Le meilleur moyen de se délivrer d’une tentation, ce n’est pas d’y céder. Mais de se rappeler, par tous ces moyens pratiques, que Dieu nous a rachetés à grand prix (1 Co 6.20).