Moi j’ai le privilège de lancer notre série sur le thème de ce weekend de l’église, à savoir : la doctrine du salut. Cette doctrine du salut, ou ce qu’on appelle la sotériologie, concerne l’œuvre de Dieu dans la réparation et dans la restauration des êtres humains et de la création. Historiquement les réformateurs protestants ont résumé la sotériologie en 5 points, ou 5 concepts, qui sont connus par le nom : « les 5 points du Calvinisme. » Et donc, les anciens vous proposent 5 enseignements qui sont centrés sur la doctrine de la sotériologie, comme elle est présentée par la Bible et comme elle est confirmée et défendue par l’église.
Les 5 points sont les suivants :
1/ La dépravation totale
2/ L’élection inconditionnelle
(Et bien sûr tous ces mots compliqués seront expliqués en beaucoup plus de détails plus tard.)
Ces 5 points sont formulés pour présenter l’œuvre salvatrice de Dieu selon la théologie biblique. Ces 5 points sont formulés selon une lecture de la Bible qui prend au sérieux la condition déchue des êtres humains, qui est centrée sur le plan de Dieu concernant le Christ Jésus, et qui reconnait l’amour, la grâce et la justice souveraines de Dieu. Alors, notre but n’est pas de vous détourner de la Bible en mettant les idées des théologiens sur un piédestal. Bien que ces 5 points de la sotériologie ont été formulés et résumés par des théologiens, ils sont d’abord bibliques. Ensuite, ils sont historiques dans le sens que les Pères de l’église et les crédos en ont parlé, et notamment Augustin, qui a développé une formulation de cette doctrine dans ces écrits. Et les réformateurs ont aussi insisté sur l’importance d’une théologie du salut basée sur une lecture soigneuse de la Bible.
Et en fait, il y a plusieurs raisons pour lesquelles ça pourrait être utile d’étudier la sotériologie en suivant les 5 points mentionnés précédemment :
1/ D’abord, cette étude va nous permettre de considérer le récit global de la Bible.
2/ Ensuite, les 5 points sont organisés d’une manière logiquement cohérente. Les points se renforcent chacun mutuellement et les conclusions découlent naturellement des prémisses. Ce n’est pas de la théologie à la carte. En revanche, nous cherchons à présenter un système logique avec une cohérence interne.
3/ Finalement, j’espère que cette étude va nous inciter à louer notre Seigneur. En voyant notre condition déchue, et la grâce que Dieu nous donne pour surmonter cette condition, cette réflexion peut nous rendre humbles et nous disposer à adorer le Seigneur d’un cœur reconnaissant. Le but est de mieux connaître Dieu.
Pour comprendre les points qui présentent l’œuvre de Dieu pour sauver les gens, il faut d’abord comprendre pourquoi les gens ont besoin d’être sauvés. Pour apprécier la grâce de Dieu envers les êtres humains, c’est bien de comprendre d’abord à quel point notre situation spirituelle est détériorée. Et donc, dans ce premier exposé, la tâche m’a été confiée de vous rappeler que vous êtes (en tant qu’êtres humains) une espèce de déchet dégoûtant et obscène. Vous êtes un exemple de la dépravation totale.
La dépravation est partout dans notre vie. On commence la journée en regrettant notre situation dans la vie. Au travail on participe à des calomnies, à des mauvaises attitudes et à des pratiques malhonnêtes. En rentrant chez soi le soir, on enfreint le code de la route, on convoite des personnes attirantes, on donne accès à des pensées impures. À la maison on se dispute avec les autres. Et cela ne représente qu’une journée habituelle. Si on consulte les infos, on voit des choses inquiétantes qui montrent la violence et le péché des êtres humains. On voit de la corruption dans les gouvernements. On voit la guerre. On voit la persécution. On voit l’injustice. On est tous victimes de la corruption radicale, et on est tous coupables de la corruption radicale.
L’homme est un paradoxe moral et spirituel qui habite dans un monde paradoxal. Dans notre espèce, on observe le bien et le mal, la force et la faiblesse, l’intelligence et la stupidité. Il est clair qu’il y a un problème avec les êtres humains.
En observant les gens de son époque, le philosophe et scientifique, Blaise Pascal, a fait le constat : « Quelle chimère est-ce donc que l’homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ? Juge de toutes choses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur, gloire et rebut de l’univers…connaissez donc, superbe, quel paradoxe vous êtes à vous-même. Humiliez-vous, raison impuissante ! Taisez-vous, nature imbécile, apprenez que l’homme passe infiniment l’homme et entendez de votre maître votre condition véritable que vous ignorez. »
Ce que Pascal a constaté n’est pas très différent de ce que l’apôtre Paul a dit à notre sujet dans son épître aux Romains chapitre 3 :
"Quoi donc ! Sommes-nous supérieurs ? Absolument pas. Car nous avons déjà prouvé que tous, Juifs et Grecs, sont sous (l'empire) du péché, selon qu’il est écrit : Il n’y a pas de juste, pas même un seul ; nul n’est intelligent, nul ne cherche Dieu. Tous se sont égarés, ensemble ils sont pervertis, il n’en est aucun qui fasse le bien, pas même un seul. Leur gosier est un sépulcre ouvert, ils usent de tromperie avec leurs langues, ils ont sous leurs lèvres un venin d’aspic. Leur bouche est pleine de malédiction et d’amertume. Ils ont les pieds légers pour répandre le sang, la destruction et le malheur sont sur leur chemin, ils n'ont pas connu le chemin de la paix. La crainte de Dieu n'est pas devant leurs yeux."
Ce que moi, Pascal et Paul venons de décrire c’est ce que les théologiens appellent la doctrine de la dépravation totale. Et dans la suite de mon exposé, je veux répondre à deux questions principales : qu’est-ce que c’est la dépravation totale, et comment est-ce que ça nous concerne ? Je vais essayer de répondre à ces deux questions en même temps et au fur et à mesure. Je vais présenter le problème de la condition des hommes, mais la solution viendra dans les autres exposés.
Alors, qu’est-ce que c’est la dépravation totale ? Il faut préciser ce qu’on veut dire par là.
Imaginez deux verres sur une table. Le premier est rempli d’un liquide mortellement vénéneux. Le deuxième est rempli d’eau, mais il contient une goutte de poison mortel. Quel verre représente mieux la doctrine de la dépravation totale : un verre de poison, ou un verre d’eau avec une goutte de poison dedans ? En fait, c’est le deuxième.
Le terme « dépravation totale » est, en fait, un peu trompeur parce qu’on n’est pas le plus dépravé possible. On n’est pas mal au fond. On n’est pas détraqué d’une manière absolue. On n’est pas un verre rempli entièrement de poison. En réalité, la totalité de notre corruption fait référence plus à la portée de cette corruption qui atteint chaque aspect ou chaque dimension de la création. Ça fait plus référence à l’ampleur du péché, plutôt qu’à la profondeur du péché. On n’est pas un verre de poison. On est un verre d’eau empoisonnée. On est quelque chose que Dieu a déclaré bon en Genèse 1 et qui a chuté en Genèse 3. La corruption touche chaque aspect de notre vie. Mais même les pires monstres de la race humaine ont de l’intelligence, de la créativité, et de bonnes réflexions parfois. Même les pires monstres ont des amis. Même les pires pécheurs passent un coup de fil à leur maman pour la fête des mères. On n’est pas les pires possibles, mais on est enclin, ou susceptible, au mal dans tous domaines de notre vie.
C’est pourquoi ça sera peut-être mieux et plus juste d’employer le terme corruption radicale au lieu de dépravation totale. Mais l’idée principale est la même en tout cas : il y a quelque chose qui cloche chez nous tous à cause de ce qu’on appelle la chute.
La chute d’Adam et Ève s’est passée quand nos premiers parents ont désobéi à Dieu. En se rebellant contre le commandement de Dieu, ils ont échangé leur capacité de ne pas pécher, contre l’incapacité de ne pas pécher. C’est-à-dire qu’à cause de la chute, Adam et toute sa progéniture vivent sous la malédiction de la chute. Romains chapitre 5 verset 12 nous dit : C’est pourquoi, de même que par un seul homme le péché est entré dans le monde, et par le péché la mort, et qu’ainsi la mort a passé sur tous les hommes, parce que tous ont péché.
Je comprends pourquoi nous sommes souvent mal à l’aise avec l’idée que nous souffrons les conséquences du crime de quelqu’un d’autre. Pour comprendre cette réalité, imaginez qu’en tant que premier homme et tête de l’espèce humaine, Adam est le conducteur d’un bus et que nous sommes tous passagers de ce bus. Si nous sommes passagers, ça veut dire que nous allons où Adam nous conduit. Et si Adam propulse son bus du haut d’une falaise, alors nous aussi, nous tombons avec lui. La race humaine vit sous la malédiction de la chute. Nous sommes tous concernés et nous sommes tous jugés ensemble.
Ou pour le comprendre autrement, si on est infecté par un virus mortel et contagieux, même si l’infection n’est pas notre faute ou notre choix, on doit être mis en quarantaine. Même si on ne présente pas de symptômes, le fait qu’on a été exposé au virus comporte des conséquences. Le péché est comme un virus, transmis de génération en génération. 1 Jean chapitre 1 verset 8 nous dit : « Si nous disons que nous n’avons pas de péché, nous nous séduisons nous-mêmes, et la vérité n’est pas en nous. » Souvent les théologiens le disent comme ça : On n’est pas pécheur parce qu’on pèche, on pèche parce qu’on est pécheur. C’est dans notre nature.
Mais ensuite, en soulignant cette corruption omniprésente, je veux souligner 3 domaines en particulier où la corruption se manifeste. Ça se manifeste dans la corruption du corps humain, dans la corruption de l’esprit humain et dans la corruption de la volonté humaine.
En premier, nous voyons comment la corruption radicale concerne le corps humain. Genèse chapitre 2 verset 17 nous dit que le jour où les êtres humains désobéissent à Dieu, ils meurent. Et qu’est-ce qu’on a fait, on a désobéi. Notre corps est devenu sujet à la décrépitude et à la mort. 1 Pierre chapitre 1 verset 24 nous compare à l’herbe des champs qui sèche et qui disparaît. Le Psaume 103 verset 15 nous rappelle également notre fragilité. Et le Psaume 90 constate les limites temporelles fixées pour la durée de vie de l’homme.
La corruption radicale de la nature humaine se manifeste dans la faiblesse, la maladie et les problèmes génétiques. Et ça se termine toujours par la vieillesse et la mort. La corruption du corps est un symptôme des conséquences de la chute.
Ça nous amène à la deuxième manifestation de la corruption radicale, à savoir l’esprit. Par l’esprit, je présuppose le fonctionnement du cerveau qui fait partie de notre système nerveux, et par conséquent de notre corps. Mais en plus, j’inclus l’aspect immatériel et spirituel de notre intelligence, ce qui nous donne le discernement et la sagesse. J’inclus les états mentaux, les croyances, et tous les phénomènes immatériels associés avec la pensée humaine. Et donc, l’esprit humain comprend le cerveau, mais il n’est pas limité au cerveau.
La corruption de l’esprit se manifeste par un manque de capacité à comprendre des œuvres de Dieu, et à se situer rationnellement par rapport à Dieu et aux autres. Cette corruption de la raison, touche aussi nos relations. Le Psaume 14 verset 1 raconte comment l’insensé dit dans son cœur, qu’il n’y a point de Dieu. L’esprit corrompu nie Dieu à travers une mauvaise réflexion et à travers de mauvaises actions.
La corruption de l’esprit se manifeste par les limites de notre intelligence. L’Ecclésiaste chapitre 12 nous rappelle que la réflexion intellectuelle ne se résout jamais. Plus on apprend, plus on constate nos limites. Je peux témoigner de ça. Je me souviens, quand j’avais 18 ans j’ai lu un livre de théologie qui m’a ouvert les yeux sur des réalités dont j’ignorais l’existence. J’ai pensé que j’étais un spécialiste en théologie bien équipé pour répondre à toutes les questions possibles. J’étais même un peu arrogant avec ma nouvelle intelligence. Mais vingt ans et quelques centaines de lectures théologiques plus tard, je vois moins clairement les choses. C’est juste pour dire qu’on ne sait pas ce qu’on ne sait pas.
La corruption radicale de notre esprit se voit dans le doute et le scepticisme. Ça augmente notre scepticisme. On imagine que le sceptique, c’est quelqu’un d’autre que nous. Il est l’adversaire de la raison ou de l’église. On imagine que le sceptique, c’est un voyou philosophique qui rôde dans les ténèbres pour nous attaquer à chaque fois que nous avons une idée intelligente, ou un argument raisonné. Mais en réalité, le sceptique c’est nous. Le scepticisme est en nous. Tout simplement, le scepticisme est une petite voix en nous qui nous rappelle les incohérences entre notre raisonnement et nos croyances. Le scepticisme et le doute font partie de notre corruption intellectuelle.
Mais finalement, toute cette corruption aboutit à la corruption de la volonté humaine. Jérémie chapitre 17 verset 9 explique que le cœur humain est tortueux par-dessus tout, est qu’il est incurable. Nous avons une attirance pour la concupiscence et pour tout ce qui est de la rébellion.
La corruption de la volonté affecte notre liberté. Selon Augustin, nous retenons un certain libre arbitre, mais nous perdons notre liberté. C’est-à-dire qu’on a la capacité de prendre des décisions, mais il nous manque la capacité de suivre Dieu dans l’obéissance. L’homme peut choisir par sa propre volonté, et son choix le mène toujours vers le mal. Il est un esclave volontaire. Notre inclination au bien a été perdue à cause de la chute. Bien qu’on retienne la capacité de choisir, il nous manque la boussole pour nous situer moralement. Sans grâce divine, la volonté se trompe. Sans grâce divine, on se tourne toujours vers le mal.
C’est pourquoi en Romains chapitre 7 l’apôtre Paul dit : Je ne fais pas le bien que je veux, mais je pratique le mal que je ne veux pas…Malheureux que je suis ! Qui me délivrera de ce corps de mort ? C’est comme si Paul décrivait son régime alimentaire. Je ne mange pas les légumes que je veux, mais les bonbons que je ne veux pas. Qui me délivrera de ce corps mou ? Mais sérieusement, le mal nous tente comme des bonbons, et malheureusement, nous sommes très susceptibles de céder.
J’ose dire que la doctrine de la corruption radicale est peut-être la plus facile à comprendre pur nous, parce qu’elle fait partie de notre quotidien d’une manière très visible et intuitive. La Bible nous aide à mettre cette condition évidente en contexte. Les implications pratiques de la corruption radicale sont multiples.
1/ D’abord, cette doctrine devrait nous rendre réalistes par rapport à notre condition. L’homme n’est pas fondamentalement bon et bienveillant (contrairement aux idéologies humaniste et Marxiste). Dans sa condition de péché, l’homme est fondamentalement corrompu.
2/ Ensuite, la doctrine de la corruption radicale devrait nous rendre humbles par rapport à notre condition. On n’est pas les maîtres de l’univers. On est des êtres limités et perdus.
3/ Après, la doctrine de la corruption radicale devrait nous rappeler que, sans la grâce divine, on est éloigné de Dieu. Par nature notre relation avec Dieu est brisée. On est complètement dépendant de Dieu pour le salut. L’homme est incapable de réparer sa condition. L’image que j’aime employer c’est l’image des zombies spirituels. Comme nous le dit Éphésiens 2 : nous étions morts à cause de nos fautes et de nos péchés. Nous paraissons vivants, mais nous sommes morts. Et une personne morte ne redevient pas vivante toute seule. On est dépendant de Dieu.
4/ Enfin, la doctrine de la corruption radicale devrait nous rendre compatissants envers les autres. Nous sommes des personnes déchues (mais sauvées), ce qui veut dire que nous pouvons avoir de la compassion pour les gens déchus comme nous.
C’est seulement en appréciant la doctrine de la corruption radicale et la gravité de notre dépravation que nous pouvons ensuite apprécier les doctrines merveilleuses de l’élection, de l’expiation, de la grâce et de la persévérance.
Les autres exposés de cette série : 2/ L'élection inconditionnelle ; 3/ L'expiation limitée ; 4/ La grâce irrésistible ; 5/ La persévérance des saints