La vraie diversité de l'Église

Par Alexandre Sarranle 3 novembre 2019

Il y a peut-être parmi nous des gens qui ne se trouvent pas très utiles dans l’église. C’est peut-être votre cas. Vous vous dites : « Franchement, je viens assez régulièrement à l’église, mais je ne vois pas ce que j’apporte. J’aimerais bien servir Dieu, mais pour ça il faudrait d’abord que j’aie une meilleure connaissance de la Bible, ou que je sache jouer d’un instrument de musique, ou que j’aie moins peur de parler à des inconnus. En attendant, je vais rester en retrait et me satisfaire de mon statut de membre novice. Avec du temps et de l’expérience peut-être que je pourrai accéder au niveau supérieur, le statut gold ou platine, comme ces gens qu’on voit souvent devant et qui sont clairement indispensables à la vie de la communauté. »

Ou bien il y a peut-être parmi nous des gens qui se trouvent très utiles dans l’église, et qui ont du mal à voir ce que d’autres gens peuvent apporter à l’église. C’est peut-être votre cas. Vous vous dites : « Ce gars-là qui vient à l’église depuis quelque temps, je le trouve vraiment bizarre. Les rares fois où je lui ai parlé, c’était compliqué ; on n’avait vraiment pas grand-chose en commun. Et j’ai l’impression qu’il a vraiment une personnalité difficile ! Bon, il s’est proposé quelques fois pour aider à l’accueil, mais franchement je serais plus à l’aise s’il ne le faisait pas. Je ne suis pas sûr que sa présence soit vraiment bénéfique pour l’église. Je ne pense même pas qu’il mette grand-chose dans la collecte ! Peut-être que ce serait mieux s’il ne venait pas du tout. »

Vous avez ce genre de pensée, parfois ? Le problème, c’est qu’on a une certaine idée de ce que devrait être l’église, de ce qui est important dans l’église, et de ce que vaut la participation des uns et des autres dans l’église, y compris la nôtre. Et c’est un problème si ces choses (qu’on pense) ne correspondent pas à ce que Dieu pense.

Et justement dans le texte qu’on va lire, l’apôtre Paul est en train de corriger une certaine perception que les Corinthiens avaient de leur église. Ils avaient une idée précise—mais erronée—des rôles qui avaient vraiment de la valeur dans l’église ; et du coup, les gens qui n’avaient pas ces rôles se dévalorisaient, ceux qui avaient ces rôles se surestimaient, et certains rôles qui étaient vraiment importants étaient négligés. L’église était dysfonctionnelle, boiteuse, et même divisée.

Mais Paul veut mettre de l’ordre dans tout ça en leur rappelant (et à nous aussi) qu’une église chrétienne digne de ce nom, c’est une église où on comprend et où on respecte la vraie diversité que Dieu a voulu y mettre. À quoi ressemble cette diversité, et quelle est ma place là-dedans ? C’est ce qu’on va voir aujourd’hui.

"Moi, j’ai de la valeur" (v. 14-20)

La première chose que ce passage nous explique, c’est qu’on ne doit pas se dévaloriser en se comparant aux autres dans l’église. Qui que je sois, en tant que chrétien, j’ai de la valeur dans l’église.

L’apôtre Paul est en train de développer l’analogie qu’il a introduite au v. 12, où il a comparé l’église à un corps, celui de Christ. Et il nous dit qu’un corps, c’est un organisme unifié, tout en étant constitué de plein de membres ou d’organes différents (v. 14). Donc les chrétiens dans l’église peuvent être très différents les uns des autres, et ils peuvent occuper des fonctions très différentes, et ils peuvent être plus ou moins visibles, mais ils font quand même tous partie du corps, et ils sont tous utiles au corps.

Les pieds n’ont pas besoin de devenir des mains pour faire partie du corps ; ils devraient plutôt se valoriser en tant que pieds et assumer avec satisfaction leur rôle unique en tant que pieds, peut-être même avec reconnaissance et fierté (v. 15). C’est pareil pour les oreilles qui seraient peut-être tentées de vouloir être des yeux, etc. (v. 16-17). De toute façon, c’est Dieu, l’unique patron de l’église, qui place chacun des membres dans le corps comme il veut (v. 18).

Et quand on regarde le corps humain, on se dit que le Créateur a plutôt bien fait les choses, non ? Un corps humain normal et fonctionnel, c’est un organisme incroyable ! On peut donc faire confiance à Dieu pour la façon dont il constitue et organise son église.

Si je suis chrétien et si je prends part à la vie d’une église chrétienne, c’est que j’y ai toute ma place. C’est Dieu qui m’a mis là, moi, un organe unique et nécessaire au fonctionnement du corps. Je ne dois surtout pas me dire que je ne suis pas vraiment un membre du corps ou que je ne suis pas vraiment nécessaire au corps.

Un corps a besoin de toute la diversité de ses membres, au complet, pour être un corps entier, digne de ce nom. Est-ce que vous diriez à un borgne ou à un unijambiste : « Mais pourquoi tu te plains, il ne te manque qu’un seul membre » ? On peut bien se passer d’un bras, on en a deux ! On peut bien se passer de quelques doigts, on en a dix ! Ce serait absurde de penser comme ça. Je suis prêt à parier que même vos petits orteils vous sont précieux, ne serait-ce que pour des raisons esthétiques—et pourtant personne ne les voit jamais et ils ne semblent pas servir à grand-chose.

Imaginez encore : un être humain normalement constitué a cinq sens. La vue, l’ouïe, l’odorat, le goût et le toucher. Est-ce qu’un de ces sens est superflu ? Imaginez si on n’avait qu’un seul sens ! Lequel est-ce que vous choisiriez au détriment des quatre autres ?

Vous connaissez peut-être l’histoire d’Helen Keller, une petite fille américaine à la fin du xixe siècle qui est devenue aveugle et sourde à l’âge de 19 mois. Il lui restait une majorité de ses sens ! Et pourtant, elle était comme coupée du monde, lourdement handicapée, et pour apprendre à communiquer il lui a fallu une éducatrice entièrement consacrée à ses besoins (Anne Sullivan), qui a emménagé chez elle et qui est restée fidèlement à ses côtés pendant 49 ans.

Pour que le corps fonctionne bien, il a besoin de tous ses membres !

Et l’église est un corps comme ça. De la même façon que tous les organes—si différents soient-ils—ont de la valeur dans le corps humain, tous les chrétiens—si différents soient-ils—ont de la valeur dans l’église. Si c’est vrai, alors moi, déjà, je ne dois pas me dévaloriser en me comparant aux autres dans l’église ! Moi aussi, Dieu m’a placé dans le corps comme il l’a voulu (v. 18), donc je ne dois pas me dire que je ne sers à rien à moins de devenir une main ou un œil !

« Peut-être qu’un jour je serai un vrai membre de l’église, le jour où j’arriverai à prier comme ce gars-là dans le groupe de maison ; ou le jour où je saurai prêcher comme un tel ; ou le jour où je connaîtrai ma Bible sur le bout des doigts, comme cette personne ; ou le jour où j’aurai cette même sagesse, ou cette même capacité d’organisation, ou ces mêmes aptitudes sociales… » Stop ! Il ne faut pas se dévaloriser juste parce qu’on ne ressemble pas à telle ou telle autre personne qui semble avoir plus de prééminence dans le corps. En réalité, notre différence est une condition nécessaire pour que le corps soit vraiment un corps !

La question qu’on doit se poser, ce n’est pas : « Quel organe est-ce que j’aimerais être dans le corps ? », mais plutôt : « Quel organe Dieu a-t-il fait de moi dans le corps ? ». Quelle est ma spécificité—celle que Dieu m’a donnée—et dont il veut que j’enrichisse l’église ?

Et pour répondre à cette question, on a tous un coffre à trésor avec notre nom dessus, qui est bien rempli, qu’on peut ouvrir, et où il y a : une formation scolaire, universitaire ou professionnelle, de l’expérience, une personnalité, des goûts, des savoir-faire et des talents. Qu’est-ce que je sais faire, qu’est-ce que j’aime faire, et qu’est-ce que j’arrive aisément à faire ? Voilà des questions qui nous sont spécifiques et qui peuvent nous aider à voir combien nous avons de la valeur dans l’église.

« Ce gars-là, c’est sûr qu’il connaît mieux la théologie que toi… mais il n’est pas aussi attentionné que toi envers les autres. Celui-là, c’est sûr qu’il joue bien du piano… mais il n’a pas ta capacité de discernement. Ah oui, elle, c’est sûr qu’elle aime beaucoup prier, ça semble lui venir si facilement ! Mais elle n’a pas ton courage pour parler de l’Évangile à des inconnus. » Etc., etc. Vous voyez ? Je ne suis peut-être pas une main… mais je suis un pied ! En tant que chrétien, moi, j’ai de la valeur dans l’église !

"Eux, ils ont de la valeur" (v. 21-26)

La deuxième chose que ce passage nous explique, c’est qu’on doit faire un effort pour que tout le monde soit bien intégré dans l’église. Non seulement moi, j’ai de la valeur, mais eux, ils ont de la valeur !

À partir du v. 21, l’apôtre Paul continue de développer son analogie, en disant : « De la même façon qu’un pied ne doit pas se dévaloriser parce qu’il n’est pas une main, eh bien l’œil ne doit pas dévaloriser la main parce qu’elle n’est pas un œil. » Plutôt que mépriser les membres de l’église qui paraissent faibles ou moins importants, on devrait au contraire les entourer d’honneur et en prendre soin, parce qu’en fait, ils sont nécessaires (v. 22-23). Comme on le fait naturellement avec son propre corps.

Dans un corps, il y a des organes différents, mais ils sont unifiés en un seul corps. Si vous vous cognez le petit orteil contre l’angle d’un meuble, et qu’on vous demande si vous avez mal, vous ne répondriez pas : « Non, non, moi je n’ai pas mal ; c’est mon orteil qui a mal—moi, ça va. » Et vous ne laisseriez sans doute pas votre petit orteil se débrouiller tout seul pour se soigner lui-même ; vous utiliseriez sans doute au moins vos yeux et vos mains pour lui appliquer de la glace ou une pommade. Ce n’est qu’un petit organe qui est blessé, mais c’est tout le corps qui est concerné. C’est ça que ça veut dire, être un corps : il y a une solidarité entre les membres. Et parce qu’on est un corps, on s’occupe solidairement de tous les membres.

Et Paul dit que dans le corps qu’est l’église, il y a des membres plus humbles que d’autres—pas moins nécessaires, mais qui semblent manquer d’honneur parce que leur rôle est moins visible, moins gratifiant, moins impressionnant—et ces membres-là sont élevés et estimés et honorés justement parce qu’ils bénéficient de la solidarité du corps.

Prenez des pieds par exemple. C’est sale, un pied. Ce n’est pas forcément super beau. Ce n’est pas ce qu’on met en avant dans un entretien d’embauche. Pourtant, c’est vachement utile. Et vos pieds sont entourés d’honneur parce qu’ils sont bien intégrés dans votre corps. Comment est-ce qu’on le sait ? Eh bien vous vous en occupez. Vous les lavez, vous les soignez, vous les chaussez.

En fait, quels sont les organes qu’on considère comme étant les moins honorables de notre corps ? Quand on y pense, ce sont ceux qu’on « entoure le plus d’honneur » en les lavant et en les habillant ! Si on ne le faisait pas, ce serait notre corps entier qui serait humilié. C’est la raison pour laquelle on se met du déo sous les aisselles et pas sur les coudes ! (« Nos membres les moins décents sont traités avec le plus de décence », v. 23).

Imaginez encore si on s’habillait de manière inversée, c’est-à-dire si les parties de notre corps qui d’habitude sont découvertes étaient le plus habillées, et si les parties qui d’habitude ont le plus de couches de tissu qui les recouvrent étaient complètement mises à nu. On aurait une cagoule, un bonnet et une écharpe autour du visage, des gants et des sous-gants sur les mains et les avant-bras… et très peu, voire rien du tout ailleurs ! Je ne dis pas ça pour vous mettre des idées tordues dans la tête, mais pour illustrer ce que dit l’apôtre Paul dans ce texte (c’est lui qui a commencé, en parlant des « membres les moins décents », ce que Calvin appelle « les parties honteuses » qu’on « ne pourrait découvrir qu’avec turpitude » !).

Et ce que Paul dit, c’est que quand on méprise les membres les plus humbles de l’église, c’est comme se présenter à un entretien d’embauche pieds nus—c’est humiliant, et c’est une honte pour tout le corps.

Dans l’église, on est des mains, des pieds, des genoux, des aisselles… mais on est un seul corps, et on doit faire un effort pour que tout le monde soit bien intégré. Ça veut dire tout simplement valoriser les autres, surtout ceux qui « paraissent être les plus faibles », mais qui pourtant sont tout-à-fait nécessaires au corps.

Par exemple : « Tiens, cette personne qui vient à l’église depuis plusieurs semaines, il n’y a pas grand-monde qui lui parle. Peut-être que je pourrais me présenter, faire connaissance, lui faire sentir qu’elle a toute sa place parmi nous. Qui sait, peut-être qu’en discutant avec elle, je vais découvrir chez elle une sagesse et une expérience qui vont vraiment répondre à un questionnement ou un besoin que j’ai en ce moment. Peut-être que je vais être encouragé et béni par cette personne ! »

Ou bien : « Ah là, là, j’ai vraiment du mal avec la personnalité de cette autre personne qui fréquente fidèlement l’église Lyon Gerland. C’est peut-être une question de culture, en fait, ou d’éducation, ou d’âge, ou même de langue… Et si, quand elle me demande si ça va, je lui répondais honnêtement pour une fois ? Si je lui partageais vraiment les choses qui me tracassent en ce moment—ou les choses qui me procurent de la joie ? Si je lui donnais la chance de pouvoir souffrir avec moi ou se réjouir avec moi, et moi avec elle ? »

L’apôtre Paul veut qu’on fasse un effort dans ce domaine. On ne peut pas se dire, au fond : « Je n’ai pas besoin de cette personne dans l’église » (v. 21). On doit résister à la tentation de se constituer en clans ou en petits groupes select dans l’église, même s’il est légitime de se sentir plus proche de certains que d’autres (le menton est plus proche du nez que du nombril). Mais donner de l’honneur à ceux qui en manquent (v. 24), ça consiste à les intégrer, les valoriser, et on fait ça chacun à notre niveau en nous rendant vulnérables et en reconnaissant notre besoin et notre dépendance des autres, y compris de ces personnes-là.

Voici un exercice très simple qu’on pourrait tous faire : aujourd’hui après le culte, allez voir un chrétien de l’église à qui vous n’avez jamais demandé de prier pour vous, et demandez-lui de prier pour vous cette semaine, en lui partageant un sujet particulier. Ce sera un honneur pour cette personne de le faire, et une bénédiction pour vous qu’elle le fasse !

"Ça, ça a de la valeur" (v. 27-31)

La troisième et dernière chose que ce passage nous explique, c’est qu’on doit tous, dans l’église, se mettre au service de ce qui est le plus important.

C’est très intéressant de remarquer, dans le texte, que Paul, après avoir insisté sur le fait que tout le monde dans l’église est important, va établir quand même une espèce d’ordre d’importance entre les rôles dans l’église. Oui, moi, j’ai de la valeur dans l’église, et eux, ils ont de la valeur ; mais il ne faut pas oublier que dans l’église, ça, ça a de la valeur.

Alors pour bien comprendre ce que Paul veut dire dans les versets 27-31, il faut comprendre que les chrétiens de Corinthe exagéraient la place de certaines « choses spirituelles » dans l’église par rapport à d’autres (de certaines manifestations du Saint-Esprit). Ils avaient une certaine fascination pour le fait de « parler en langues » notamment, c’est-à-dire la capacité miraculeuse de louer Dieu dans des langues étrangères sans les avoir apprises auparavant (on reviendra là-dessus dans les prochaines semaines). C’était un truc tellement impressionnant que tout le monde voulait le faire, comme si c’était le truc le plus important qu’on pouvait faire dans l’église !

Et donc Paul veut rappeler que ce n’est pas le truc le plus important, et qu’il y a d’autres choses qui sont, pour certaines, plus importantes, et pour d’autres, au moins aussi importantes. Dieu a distribué ces choses entre les membres de l’église, et tout le monde ne reçoit pas le même appel, les mêmes dons ou la même fonction. Tout le monde est important, tous les chrétiens sont « importants », mais toutes les fonctions n’ont pas la même importance.

Dieu a ordonné son église, comme un coach qui organise son équipe de rugby. Tout le monde veut être demi d’ouverture, mais il ne faut pas oublier que le coach a établi premièrement les piliers et le talonneur, deuxièmement les deuxième ligne, troisièmement les troisième ligne, ensuite il y a le demi de mêlée, puis le demi d’ouverture, les centres, les ailiers et l’arrière. Tous sont-ils première ligne, deuxième ligne, troisième ligne ? Évidemment que non. Tous, du coup, sont-ils demi de mêlée ou demi d’ouverture ? Ben non, donc arrêtez de tous vouloir occuper ces postes. Il faut aussi des centres, des ailiers et un arrière. Le but, ce n’est pas que tout le monde se mettre en valeur en cherchant à occuper les postes les plus gratifiants ; le but c’est que l’équipe fonctionne bien, en appliquant les règles, en respectant les instructions du coach et le leadership du capitaine, et en recherchant non pas son intérêt personnel mais ce qui est vraiment important : la complémentarité et la hiérarchie des rôles en vue de la victoire.

« Aspirez aux dons les meilleurs », dit Paul (v. 31). Ce qu’il veut dire, ce n’est pas que chacun cherche à avoir les dons les plus importants, ou à occuper les fonctions les plus importantes dans l’église. Il veut dire : « Valorisez les dons les meilleurs dans l’église, tenez-les en estime, sachez aimer et apprécier ce qui est vraiment important. »

Ce qui est vraiment important dans l’église, c’est d’abord le fondement des apôtres et des prophètes (voir Ép 2.20 et 1 Co 3.10), c’est-à-dire la foi transmise à l’église une fois pour toutes par le moyen de la révélation spéciale que sont les saintes Écritures (cf. Jude 1.3). Ensuite il y a la fonction des pasteurs-docteurs dans l’église, c’est-à-dire les serviteurs de cette Parole, qui sont chargés de l’administrer, de l’enseigner, de la proclamer (Ép 4.11).

Tous ont-ils ces fonctions ? Bien sûr que non. Donc de la même façon, tous sont-ils appelés à accomplir des miracles et des guérisons ? Tous doivent-ils parler en langues ? Ben non, donc arrêtez de tous rechercher ces choses-là, même si elles sont spectaculaires. Parce qu’il y a aussi, à côté de ça, le don de « secourir » et le don de « gouverner » (v. 28), qui sont au moins aussi importants, mais que personne ne semble vouloir faire (vous avez remarqué que Paul ne dit pas : « Tous ont-ils le don de secourir ? Tous ont-ils le don de gouverner ? » Apparemment ça ne se bouscule pas au portillon).

Et il est très intéressant de remarquer que ces deux choses, secourir et gouverner, désignent sans doute les deux fonctions perpétuelles principales que Jésus a établies dans l’église, à savoir les diacres et les anciens. Les diacres sont chargés de coordonner le secours des nécessiteux sur le plan matériel ; les anciens sont les responsables qui gouvernent l’église. Si ces choses étaient négligées dans l’église de Corinthe, on peut comprendre que cette église soit dysfonctionnelle.

La moralité pour nous, c’est qu’on doit tous, dans l’église, se mettre au service de ce qui est le plus important. C’est-à-dire qu’on a tous une place et une fonction importante dans l’église si on est chrétien, mais on ne doit pas sacrifier le plus important au profit du moins important.

S’occuper des malades, c’est bien, mais on ne va pas investir dans la création d’un hôpital plutôt que soutenir financièrement un serviteur de la Parole. Bien accueillir les familles avec de jeunes enfants à l’église c’est bien, mais on ne va pas acheter des jouets pour la garderie plutôt que des Bibles pour des gens qui n’en ont pas. Les groupes d’ados, les groupes de femmes, les groupes d’hommes, les groupes de jeunes adultes, les repas d’église, les randos, les chorales, le site internet, etc., tout ça, c’est bien, mais on ne va pas rechercher toutes ces « choses spirituelles » plutôt que le culte ordinaire de Dieu le jour du Seigneur, avec la prédication de sa Parole et les sacrements. Vous comprenez ?

Moi, j’ai de la valeur, et eux, ils ont de la valeur, mais en même temps, ça, ça a de la valeur. Et donc on doit aussi accepter par la foi la place que Dieu nous demande d’occuper dans son église, en reconnaissant que l’exercice de mes dons particulier doit se faire dans la cohésion avec le reste du corps, et dans la valorisation des « dons les meilleurs ».

Pour conclure. Toute la leçon de ce passage (comme on l’a dit en introduction), c’est qu’une église chrétienne digne de ce nom, c’est une église où on comprend et où on respecte la vraie diversité que Dieu a voulu y mettre. Une diversité qui valorise chaque chrétien, mais qui est aussi ordonnée ou organisée.

Et cette diversité n’est pas recherchée pour elle-même, comme ça peut être le cas dans le monde. On parle beaucoup de constituer des conseils d’administration ou des organes politiques qui respectent « la parité » et la représentation des Français « issus de la diversité », comme on dit. Mais l’église n’est pas une institution comme les autres.

Dans ce passage, Paul a ponctué son discours de cette analogie : un seul corps unifié, plusieurs membres différents (v. 14, 20, 27). Mais c’est au v. 27 qu’il ajoute le mot le plus important : « Vous êtes le corps…de Christ ». Comme on l’a vu la dernière fois, quand on est chrétien, on ne s’attache pas juste à une organisation, mais on s’attache à un organisme. On s’attache au corps de Christ, c’est-à-dire à Christ lui-même.

On était tous perdus, « errants comme des brebis égarées » (És 53.6), séparés de Dieu par notre propre faute, mais Jésus s’est offert lui-même sur la croix pour régler le problème de nos fautes qui nous séparaient de Dieu, et il est ressuscité le troisième jour en vainqueur suprême sur le mal et sur la mort, tout ça pour qu’on puisse être réconciliés avec Dieu pour toujours par la foi. Avoir la foi, c’est faire confiance à Jésus, se confier en lui, s’appuyer sur lui, compter sur lui plus que sur tout autre chose dans la vie—et c’est cette foi qui nous attache à lui de façon à ce qu’on entre au bénéfice de tout ce qu’il a accompli, de tout ce qu’il est en train d’accomplir, et de tout ce qu’il accomplira.

Et c’est cette relation à Jésus qui est le fondement de l’unité et de la diversité de l’église (qui est son église). C’est ce qui explique pourquoi la vraie diversité de l’église, c’est une diversité qu’on ne peut trouver nulle part ailleurs : parce que ce n’est pas une diversité forcée ou calculée, ce n’est pas de la com, ce n’est pas de la bien-pensance ; c’est la diversité authentique d’hommes, de femmes, d’enfants, de tous âges et de toutes origines, tous pauvres par nature, dysfonctionnels et faibles, mais qui avons été revêtus d’une incroyable dignité en étant unis à Christ, et en ayant reçu de sa part de la valeur dans son corps.

C’est comme si on avait été recruté par un grand club de foot, qu’on avait intégré l’équipe, et qu’on avait revêtu le maillot—mais en infiniment mieux ! Quel honneur ! « Vous êtes le corps de Christ et vous êtes ses membres, chacun pour sa part » (v. 27).

Moi, j’ai de la valeur ; eux, ils ont de la valeur ; et ensemble on va reconnaître que dans le projet de Dieu, ça, ça a de la valeur, et on va rechercher ensemble ce qui est vraiment important, à savoir, l’accomplissement de son projet pour le bien du monde et pour sa gloire !

Copyright ©2025 Église Lyon Gerland.