C'est quoi le vrai repos ? Comment devrions-nous nous reposer en tant que chrétiens ?
Je pose cette question puisque le récit de la Genèse nous dit que Dieu a créé l’univers en six jours, et qu’il s’est reposé le 7e jour (Genèse 2.3). Cela ne veut pas dire que Dieu est parti est vacances, mais qu’il a cessé son ouvrage et son travail, et en nous donnant ce cadre d’une semaine de sept jours dont un jour de repos, il nous invite à l’imiter. Par cette indication il nous donne un cadre qui devrait structurer notre vie et nos semaines. Et c’est tout de même chouette d’avoir un Dieu qui préconise de se reposer et qui a même inclus cela dans la loi qu’il a donnée au peuple d’Israël. Le shabbat juif fait partie des dix commandements. C’est un ordre divin de prévoir un jour pour se reposer. Et nous en avons besoin, et Dieu qui nous a créé le sait bien.
À l’heure où nombre d'entre nous prennent des vacances légitimes, il me semblait intéressant que l’on s'interroge ensemble sur le repos que Dieu nous demande de respecter chaque semaine.
Comment devrions-nous vivre le repos sabbatique aujourd’hui, nous qui ne sommes plus sous la loi ? Diana me racontait une fois que dans son enfance en Écosse les balançoires des parcs publics étaient nouées le dimanche pour que les enfants ne les utilisent pas ce jour-là, parce que le dimanche est le jour du Seigneur. Vous avez peut-être en tête l’histoire de l’athlète Éric Liddell qui a refusé de courir l’épreuve du 100m aux jeux olympiques de 1924 car elle avait lieu un dimanche (voir le film Les chariots de feu).
Qu'en pensez-vous ? Est-ce une vision extrême du repos dominical ? Est-ce pertinent ?
Pour les Juifs pratiquants, le shabbat est encore aujourd’hui un jour de repos bienfaiteur, une sainte convocation, un jour de fête où l’on s’abstient pendant 24h de tout travail et où l’on se contente d’aller à la synagogue, de prier et de passer du temps en famille. Ça vous fait envie ?
Certains mouvements chrétiens adventistes ou messianiques continuent à respecter le shabbat juif le samedi. Qu’en pensez-vous ?
Cette question du respect du sabbat a animé certaines des altercations entre Jésus et les autorités religieuses juives de l'époque qu’on appelait les Pharisiens. Cette discussion sur le sabbat, et notamment ce que l’on peut faire et ne pas faire un jour de sabbat est l’objet du texte que nous allons lire aujourd’hui dans l'évangile de Luc au chapitre 6 versets 1 à 11.
Ce que nous allons voir à travers ce passage, c’est que le vrai sabbat se trouve en Christ.
Vous avez dû remarquer que l’altercation a lieu en deux temps, lors de deux sabbats différents et qu’il y a au milieu cette phrase centrale : « le Fils de l’homme est maître même du sabbat » (v. 5). Nous allons voir avec le premier épisode que le sabbat est fait pour l’homme, puis que Jésus est le maître du sabbat et enfin que Jésus est le vrai repos de l’homme.
Le premier épisode (v. 1 à 4), a lieu lors d’un sabbat particulier appelé « second-premier » et je ne vais pas rentrer dans les différentes hypothèses qui essayent d’expliquer ce terme qui n’apparaît que là dans l’Ecriture et qui a même disparu de certains manuscrits. On peut seulement dire que ce sabbat était proche de l’époque de la moisson. La preuve, il y avait du blé mûr dans les champs.
Les Pharisiens reprochaient aux disciples d’avoir enfreint le sabbat parce que dans leur conception, ce que les disciples avaient fait (arraché, froissé dans leurs mains et mangé des épis de blé) constituait un travail. Et il était interdit de travailler le jour du sabbat (voir les dix commandements en Exode 20. 8-11). Il était donc interdit de moissonner.
Ce que Jésus leur répondit en substance, c’est que ce que ses disciples avaient fait ne constituaient pas une moisson, ce n’était pas un travail mais que c’était une œuvre de nécessité, un besoin élémentaire et primaire, celui de se nourrir. Le respect du sabbat ne s’oppose pas aux besoins élémentaires des humains. Le sabbat n’a pas été prescrit pour être un cadre qui enferme l’homme, le sabbat a été fait pour l’homme, pour son bien. Dans l’évangile de Marc qui nous rapporte le même incident au chapitre 2 v. 23-27, Jésus déclare, avant de dire qu’il est maître du sabbat :
« Le sabbat a été fait pour l’homme, et non l’homme pour le sabbat. » (Marc 2.27).
C’est l’idée centrale de ces versets.
Il faut commencer par dire qu’ils n’ont pas non plus volé de blé dans le champ d’autrui. Ce qu’ils ont fait était autorisé dans la loi. En Deutéronome 23.25, nous lisons :
« Si tu entres dans les blés de ton prochain, tu pourras cueillir des épis avec la main, mais tu n’agiteras point la faucille sur les blés de ton prochain. »
Le vol est interdit dans la loi, mais il était autorisé de ramasser un peu de blé dans le champ d’un autre pour satisfaire une faim immédiate. Les Pharisiens connaissaient cette loi spécifique qui protégeait les nécessiteux et ils n’ont pas reproché cela aux disciples. Pourtant ils auraient dû voir à travers cette loi qu’il y a toujours une subtilité dans la loi et c’est vrai aussi pour le commandement du sabbat. Oui le vol est interdit, on ne peut pas moissonner le champ du voisin, mais on peut quand même par nécessité prendre quelques épis pour se nourrir. Oui le travail est interdit le jour du sabbat mais on peut quand même arracher quelques épis pour satisfaire un besoin immédiat.
Très clairement, les disciples n’avaient pas travaillé et n’avaient pas enfreint le sabbat. Mais Jésus ne répond pas directement cela à ceux qui l’accusent. Il revient sur un épisode de la vie de David qui ne concerne même pas le sabbat. Nous trouvons ce récit en 1 Samuel 21. David avait reçu l’onction royale mais il était poursuivi par le roi Saül. Et alors qu’il fuyait il s’est réfugié à Nob où se trouvait alors le tabernacle. Lui et ses gens étaient affamés et après avoir consulté l’Eternel (1 Samuel 22.10) le sacrificateur leur donna les pains de proposition qui venaient d’être remplacés (1 Samuel 21.6). Il y avait douze pains de proposition (pour symboliser les douze tribus) qui étaient disposés sur une table dans le tabernacle et changés tous les samedis. Ces pains étaient sacrés, consacrés à l’Eternel et ne pouvaient être consommés que par des prêtres consacrés (Lévitique 24.5-9). David n’en a pris que cinq (1 Samuel 21.3) car il n’a pris que ce qui était nécessaire à la subsistance des siens. Et ils n’ont pas fait un festin avec cinq pains rassis qui avait été à l’air libre pendant sept jours. Mais Dieu avait donné son approbation pour s’affranchir d’une loi rituelle car le devoir spirituel de protéger la vie de David surpassait les règles cérémonielles relatives aux personnes autorisées à manger le pain consacré. David était placé sous la loi de la nécessité. Tout comme les disciples par rapport au sabbat. Les disciples n’étaient peut-être pas en train de mourir de faim, mais ils devaient quand même avoir une bonne fringale pour manger des épis crus comme cela.
Il y a parfois des subtilités à percevoir. Ça ne veut pas dire que nous avons le droit de tordre la loi et de s’en affranchir quand ça nous arrange, mais il y a une hiérarchie à prendre en compte car il faut tenir compte de l’esprit de la loi. (On va y revenir). Je vais prendre un exemple d’application actuelle.
Sans qu’il s’agisse d’une loi, nous considérons que la sainte cène est un sacrement ordinaire du culte qui commémore la mort et la résurrection de Christ. Mais en ce moment, les contraintes sanitaires passent avant. Il y a un devoir de protection de la santé qui prime dans ce contexte de pandémie au Covid-19. La sainte cène n’est pas un commandement comme l’était le sabbat, mais je veux juste souligner qu’il y a toujours une hiérarchie à percevoir. Il y a des priorités.
Et à ce titre les disciples n’avaient pas enfreint le sabbat en mangeant du blé cueilli.
Il est important de préciser ici que Jésus ne cherchait pas à abolir le sabbat à ce moment-là. Il a toujours parfaitement respecté le sabbat, comme il a d’ailleurs toujours parfaitement observé et respecté toute la loi, tous les commandements. Ça n’empêchait pas les Pharisiens de chercher la petite bête pour trouver un moyen de l’accuser.
Et s’ils cherchaient à l’accuser sur ce point, c’était parce que l’observance du shabbat était le reflet de la consécration et de l’obéissance à Dieu. C’était l’une des pratiques les plus importantes du judaïsme avec la circoncision et les règles alimentaires. Le sabbat avait été présenté à Israël comme un signe de l’alliance entre Dieu et son peuple. Exode 31.14 et 16 :
« Vous observerez le sabbat, car il sera pour vous une chose sainte […] Les enfants d’Israël observeront le sabbat, en le célébrant, eux et leurs descendants, comme une alliance perpétuelle. »
Et à l’inverse le non-respect du sabbat était le reflet de l’infidélité du peuple. On le voit dans plusieurs livres prophétiques où Dieu reproche au peuple de mépriser le sabbat. (Jérémie 17.27, Ézéchiel 20.13, Ézéchiel 22.8 et 15). Autrement dit, si Jésus ne respectait pas le sabbat, ça voulait dire qu’il ne venait pas de Dieu et qu’il était un imposteur. Voilà ce que cherchaient à montrer les Pharisiens.
Jésus était au début de son ministère mais il avait déjà commencé à enseigner et à accomplir des miracles. Et pour cette raison, des Pharisiens, des docteurs de la loi venaient le voir de tous les villages de la Galilée, de la Judée, et même de Jérusalem (Luc 5.17), et ils cherchaient à l’éprouver et à essayer de discréditer cet homme du peuple non instruit qui ne faisait pas partie de leur groupe religieux et qui pourtant rassemblait des foules, et commençait à leur faire de l’ombre. Vous comprenez l’importance de cette confrontation et de cette discussion sur le sabbat : c’est la crédibilité de Jésus qui est en jeu !
Quand un homme politique tient de grands discours sur la moralisation de la vie politique, qu’il se vante de sa probité, il suffit de trouver une faille, un exemple dans sa vie où il aurait détourné de l’argent ou fait bénéficier son entourage d’un emploi fictif pour le discréditer. Les Pharisiens cherchaient la faille chez Jésus pour le discréditer, mais Jésus va leur montrer que c’était leur conception du sabbat qui était erronée.
Jésus ne va pas se laisser impressionner, et il va dénoncer leur manque de connaissance et leur légalisme.
Il commence par leur demander de manière assez ironique cette question : « N’avez-vous donc jamais lu ce que fit David » (v. 3), pas une seule fois, dans le cours de vos profondes études bibliques ? Les Pharisiens se présentaient comme des experts de la loi et des gardiens des Écritures mais Jésus va dénoncer leur ignorance coupable en leur répondant par l’Écriture. Il ne leur répond pas « moi je pense que », il ne répond pas avec sa propre autorité. Il cite l’Écriture car elle est la parole de Dieu. Et il ne fait pas appel en premier à un texte de la loi, Jésus cite un épisode de la vie du roi David. Mais c’était la parole de Dieu et ça avait donc plus de valeur que le code sabbatique qu’ils avaient édicté. Les Pharisiens avaient un code de bonne conduite pour le sabbat avec 39 articles à respecter. Et ça c’est emblématique du légalisme qui se complaît à respecter des règles et qui va même au-delà de la loi donnée par Dieu.
Pourquoi l’homme agit-il ainsi ? Il préfère suivre des ordonnances et même plus qu’il n’en faut, parce qu’elles lui permettent de se glorifier en les accomplissant. C’était cela le problème des Pharisiens et du légalisme que Jésus dénonçait dans son ministère. Par leur zèle, ils cherchaient à être justes à leurs propres yeux. Nous avons d’autres exemples de ce zèle des Pharisiens. Nous pourrions prendre l’exemple du jeûne. Les Pharisiens se vantaient de jeûner deux fois par semaine comme si cela était le signe d’un perfectionnement religieux, d’un raffinement qui devait certainement plaire à Dieu. Paul dit en Romains 10.2 :
« Je leur rends le témoignage qu’ils ont du zèle pour Dieu, mais sans intelligence. »
Et nous que faisons-nous pour plaire à Dieu ? Venir à l’église tous les dimanches ? C’est bien, mais si c’est pour écouter d’une oreille distraite et faire sa liste de courses dans sa tête… ! Lire sa Bible tous les jours ? C’est bien, mais si c’est sans la méditer et juste pour la lire histoire de soulager sa conscience et se dire qu’on a rempli son obligation religieuse... On manque la cible. Dieu veut des cœurs qui l’adorent et pas seulement de l’obéissance.
Si je reviens à l’exemple de David, vous imaginez l’absurdité si le grand prêtre avait répondu à David, l’oint de l’Éternel qui mourait de faim : tant pis pour toi, le plus important c’est la règle !
Cet exemple de David ne veut pas dire qu’il y a des exceptions à la règle mais qu’il y a des règles plus importantes que d’autres. Il y a une hiérarchie. Le théologien Godet l’explique assez bien :
« Dans les cas exceptionnels où une obligation morale se trouve en conflit avec une loi cérémonielle, c’est la seconde qui doit céder. Pourquoi ? Parce que le rite est un moyen, et le devoir moral le but ; or en cas de conflit le but prime sur le moyen. L’absurdité du pharisaïsme consistait précisément à sacrifier le but au moyen ».
Dieu n’a pas créé l’homme pour la plus grande gloire du sabbat ; mais il a établi le sabbat pour le plus grand bien de l’homme. Par conséquent, si un conflit apparaît entre le bien de l’homme et le repos sabbatique, c’est le sabbat qui doit céder. Le sabbat a été institué pour le bénéfice de l’homme et la gloire de Dieu et pas pour représenter un fardeau écrasant pour le peuple de Dieu.
Jésus va ensuite prononcer une phrase centrale dans cet épisode :
« Le Fils de l’homme est maître même du sabbat » (v.5).
Nous allons nous arrêter un peu sur cette déclaration extrêmement forte de Jésus qui dit qu’il est le maître du sabbat.
Par cette phrase Jésus annonce qui il est. Dans le contexte, Jésus était en train d’expliquer son ministère et de manifester son autorité. Au chapitre précédent, il avait déjà montré sa puissance sur la maladie en guérissant un paralytique (Luc 5.24-25). Mais il avait aussi montré son essence divine en pardonnant les péchés de cet homme. Cela avait fait réagir les pharisiens :
« Qui peut pardonner les péchés si ce n'est Dieu seul ? » (5.21)
En disant dans notre passage que « le Fils de l’homme est maître même du sabbat » (v. 5), il dit en fait explicitement : Je suis le messie et je suis Dieu.
Regardons les deux propositions : fils de l’homme et maître du sabbat
-La première périphrase, Fils de l’homme, était la manière ordinaire par laquelle Jésus se désignait. Ce n’était pas comme cela qu’on l’appelait. C’était comme cela qu’il s’appelait lui-même. Cette expression apparaît plus de 80 fois dans les évangiles.
En s’appelant Fils de l’homme il disait explicitement Je suis le messie, car cette expression désignait le messie dans l’Ancien Testament. En Daniel 7.13-14 le fils de l’homme est celui qui s’avance vers l’Ancien des jours et à qui on donne la domination, la gloire et le règne. Jésus reprend ce terme à son compte. Il y avait d’autres termes dans l’Ancien Testament qui désignaient le messie, cet homme qui devait venir sauver le peuple. Il était appelé : fils de David (Jérémie 23.5, 2 Samuel 7.16-16), le roi, le germe de l’Éternel (Ésaïe 4.2, Jérémie 23.5 ; 33.15, Zacharie 3.8 ; 6.12), Éternel notre justice (Jérémie 23.6), le rejeton d’Isaï (Ésaïe 11.10 ; 53.2, Daniel 11.7), l’oint (Daniel 9.25-26, Lamentations 4.20), le conducteur (Daniel 9.25), etc.
Si Jésus utilisait beaucoup cette expression de Fils de l’homme, empruntée à Daniel 7, c’était pour montrer son humanité, pour montrer qu’il était un vrai homme, né d’une femme. Il n’était pas un ange descendu du ciel. Il était de la même nature que nous. Il était 100% homme.
-La deuxième expression, maître du sabbat, indiquait qu’il était 100% Dieu.
Littéralement la périphrase est : Seigneur du Sabbat, ce qui veut dire qu’il était maître de la loi, il était au-dessus des lois, au-dessus des hommes, il était plus grand que le sabbat. Par cette expression, il se fait égal à Dieu. Et étant Dieu lui-même, il avait donc l’autorité d’interpréter correctement la parole de Dieu et il pouvait rejeter toutes les règles que s’étaient rajoutées les Pharisiens. Il pouvait restaurer l’intention originelle de Dieu. Qui mieux que Dieu est qualifié pour interpréter correctement la loi et la préserver des distorsions et des dérives ?
En partant en vacances, Alex a confié à des amis l’arrosage de ses plants de piments. Imaginez qu’en rentrant, il découvre que ce couple d’amis arrosait les piments en goutte à goutte et que ça leur avait pris des heures et des heures. Ils avaient même sollicité d’autres amis pour les relayer et venir arroser ces précieux plants de piments. Qui mieux qu’Alex pourrait rétablir l’intention originelle de la mission qu’il avait confiée ? Il s’agissait d’un simple arrosage, et pas d’un arrosage en goutte à goutte pendant des heures. Ce couple d’amis s’est imposé une charge inutile et ils ont en plus fait reposer ce fardeau sur d’autres épaules que les leurs.
Dans notre texte nous sommes dans une situation analogue. Dieu a institué le sabbat pour le bien de l’homme, mais les Pharisiens se sont imposé bien des règles inutiles et ils ont fait porter au peuple un fardeau qui ne correspondait pas à l’intention de Dieu. Et qui mieux que Dieu et son Fils Jésus pour rétablir l’intention originelle du commandement sabbatique ? En tant que maître du sabbat Jésus est parfaitement adapté pour faire du respect de ce jour, non pas un joug servile mais une bénédiction, un rafraîchissement à la fin de chaque semaine.
Jésus n’a pas remis en cause la loi divine du sabbat, mais il a remis en cause les traditions humaines autour du sabbat. Et il a fait pressentir les modifications importantes que le sabbat subirait dans l’Église du Christ.
Pour conclure sur ce verset 5, on peut dire que cette expression montre à quel point Jésus est le médiateur parfait entre Dieu et les hommes, puisqu’il est 100% homme et 100% Dieu. Or il existe une brouille dans la relation entre Dieu et les hommes, c’est ce que la Bible appelle le péché, la rébellion de l’homme qui s’est détourné de son créateur pour vivre selon les penchants de son propre cœur, dans la désobéissance. Jésus est l’ambassadeur parfait puisqu’il appartient aux deux camps (celui des hommes et celui de Dieu). Il est donc de nature à apporter la réconciliation et l’apaisement dans cette relation brisée. À ce titre nous pouvons dire que Jésus est le vrai repos de l’homme.
La suite du récit a lieu dans une synagogue un autre jour de sabbat. Il était logique de se retrouver à la synagogue ce jour-là pour lire les Écritures et pour être enseigné par elles, puisque c’était un jour mis à part pour Dieu. C’est ce que nous faisons maintenant le dimanche à l’église. Autant en Luc 4 Jésus avait lu un passage d’Ésaïe (Luc 4. 16-30) et l’avait brièvement commenté, autant ce jour-là Jésus va se comporter différemment : il va accomplir devant tout le monde une guérison miraculeuse alors même qu’il savait que cela allait provoquer la contradiction. Pourquoi a-t-il fait cela ?
Il voulait montrer qu’il était le maître du sabbat et il voulait abolir les règles pharisiennes et libérer les hommes de ce carcan de tradition.
Le droit de bénéficier de soins médicaux le jour du sabbat faisait l’objet de débats entre les Pharisiens. Certains pensaient qu’on pouvait soigner quelqu’un que s’il était en danger de mort immédiate. D’autres autorisaient l’utilisation de médicaments pour soigner dans la mesure où ils avaient été préparés un autre jour que le sabbat. Jésus fait voler en éclat tout ce débat parce qu’il va guérir quelqu’un qui avait une main sèche, probablement paralysée. Or, c’était une infirmité qui ne représentait pas un risque vital immédiat et il aurait pu la guérir un autre jour (voir Luc 13.14). Mais pour Jésus cette guérison ne constituait pas une infraction au sabbat, mais une œuvre de miséricorde parfaitement adaptée à ce jour-là.
Jésus connaissait les pensées des scribes et des Pharisiens qui l’observaient. Il savait qu’ils cherchaient à l’accuser (v. 7). Mais il demande à l’homme dont la main droite était sèche (v. 6) de se tenir debout devant tout le monde. Il ne veut pas se cacher pour le guérir. Mais avant de guérir cet homme Jésus va leur poser une question pour les mettre à l’épreuve et montrer l’absurdité de leur position. La question est simple et il se met même à leur niveau en utilisant une tournure pharisienne : Est-il permis ? Mais la question de Jésus va élever le débat au niveau d’un débat moral :
« Je vous demande s’il est permis, le jour du sabbat, de faire du bien ou de faire du mal, de sauver une personne ou de la tuer. » (v. 9)
C’est une question rhétorique. Qui pourrait répondre : « le sabbat est là pour faire du mal et pour tuer » ? Et pourtant les Pharisiens n’arrivent pas à y répondre, alors que Jésus « promène ses regards sur eux tous » (v. 9) et Marc rajoute : « promenant ses regards sur eux avec indignation, et en même temps affligé de l’endurcissement de leur cœur » (Marc 3.5). Leur silence coupable et la colère qu’ils vont manifester (v. 11) mettent en lumière la turpitude de leur cœur et leur endurcissement. Autant l’homme avait la main sèche, autant ils ont le cœur sec. Au lieu de se réjouir d’une guérison, ils vont méditer le mal un jour de sabbat, et projeter finalement de tuer Jésus. (v. 11 et voir Marc 3.6 et Matthieu 12.14). Mais quelle magnifique observance du sabbat ! (C’est de l’ironie.)
Regardons à nouveau la question de Jésus car elle est extrêmement intéressante. Comme le fait remarquer R.C. Sproul, Jésus donne le choix entre faire le bien et faire le mal, et pas entre faire le bien et ne rien faire. Il voit l’échec à faire le bien comme le mal en lui-même et le refus de sauver la vie comme destructeur pour la vie (meurtre). Ce que Jésus nous dit là, c’est que refuser de faire le bien, c’est faire le mal. Jacques 4.17 le dit tout aussi clairement :
« Celui donc qui sait faire ce qui est bien, et qui ne le fait pas, commet un péché. »
La Bible présente toujours le « bien omis, comme un mal commis » (Godet).
Jésus dit donc que s’interdire de faire le bien ou de sauver une vie ne pouvait qu’être condamnable et en contradiction avec l’intention originelle de Dieu au sujet du sabbat qui existe pour le bien de l’homme.
Interdire de faire le bien, comme le faisaient les Pharisiens, est une perversion du plan de Dieu et de l’esprit du sabbat. Le sens du sabbat est de faire le bien selon Dieu et pas de suivre une tradition humaine.
Nous avons vu dans la première partie que le sabbat est fait pour l’homme et pour son bien. Alors bien sûr qu’il est autorisé de faire le bien ce jour-là. Manifester son amour du prochain en lui faisant du bien, évidemment que c’est autorisé et conforme à la loi et à l’esprit du sabbat. Ce n’est pas seulement permis, c’est requis et encouragé.
Si tu laisses ton frère, ton fils ou ton bœuf au fond d’un puits sous prétexte que tu ne peux pas l’en retirer car c’est un jour de sabbat, tu commets le mal ! C’est que Jésus dira en Luc 14.5-6 après avoir à nouveau guéri un malade un jour de sabbat.
Jésus a dit en Matthieu 22.36-39 que le plus grand commandement est :
« Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur, de toute ton âme, et de toute ta pensée. […] Et le second, qui lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. »
Comment pourrait-on mieux respecter le sabbat qu’en manifestant ce jour-là notre amour pour Dieu en lui consacrant un jour d’adoration ; et notre amour pour notre prochain en lui faisant du bien ?
Jésus manifeste parfaitement cette attitude exemplaire en guérissant quelqu’un dans une synagogue, le jour du sabbat.
Et finalement, en guérissant cet homme Jésus montre qu’il est celui qui a la puissance de guérir et de sauver. Il guérit sans utiliser d’artifices et uniquement par la parole, manifestant ainsi que c’était la puissance de Dieu qui avait guéri cet homme. En libérant cet homme de sa maladie, Jésus montre sa puissance sur la maladie et par là-même sur le péché. C’est ce qu’il a fait au chapitre 5 en disant au paralytique à la fois : « lève-toi et prends ton lit », mais aussi : « tes péchés te sont pardonnés ».
Jésus montre ainsi que c’est lui qui donne le repos, le vrai repos, c’est lui qui libère de la maladie et qui libère du péché.
En donnant du repos à cet homme, Jésus montre qu’il est l’accomplissement du sabbat. Toutes les règles de l’Ancien Testament pointaient vers l’objet véritable de tout cela, à savoir Lui, Jésus Christ, le Fils de Dieu envoyé sur terre pour réconcilier le monde avec lui-même.
La guérison ultime, le repos ultime c’est celui que Jésus a acquis à la croix lorsqu’il a reçu sur ses épaules la condamnation du péché et de la mort. Le Christ a accompli ce sabbat divin et nous avons donc accès au repos divin par le biais de la rédemption en Jésus-Christ, par le biais du rachat de nos fautes que Jésus a opéré à la croix. La réconciliation avec Dieu par le sang de Christ nous fait véritablement entrer dans le repos divin. C’est ce que l’auteur de l’épître aux Hébreux nous dit en Hébreux 4.4-11. Et il lance cette invitation en Hébreux 4.11 :
« Empressons nous donc d’entrer dans ce repos. »
Si vous n’avez pas encore saisi la grâce de Dieu, sa main tendue, vous pouvez le faire aujourd’hui, vous pouvez être réconcilié avec Lui par la foi et recevoir la paix de Christ et son repos. En Matthieu 11.28 Jésus a dit :
« Venez à moi, vous tous qui êtes fatigués et chargés, et je vous donnerai du repos. »
Jésus n’a pas aboli le sabbat mais il l’a accompli parce qu’il est celui qui nous donne le repos céleste et éternel. Le sabbat juif le samedi n’est qu’une forme du repos hebdomadaire demandé par Dieu. La Bible nous dit que le sabbat juif était l’ombre des choses à venir, à savoir Christ. Colossiens 2.16-17 :
« Que personne donc ne vous juge au sujet du manger ou du boire, ou au sujet d’une fête, d’une nouvelle lune, ou des sabbats : c’était l'ombre des choses à venir, mais le corps est en Christ. »
Toutes ces règles trouvent leur accomplissement en Christ. Si vous vous demandez si on devrait respecter le shabbat juif le samedi, la réponse est non. Le shabbat juif n’était qu’une forme du repos hebdomadaire que nous retrouvons dans le récit créationnel, ce shabbat reflétait la délivrance d’Israël de sa captivité en Égypte (Deutéronome 5.15), et il pointait donc vers la délivrance opérée par le messie et qui a trouvé son plein accomplissement en Christ.
Le sabbat chrétien correspond au jour du Seigneur qui désigne le jour où le Seigneur est entré dans son repos éternel par la résurrection d’entre les morts. Cela a eu lieu le premier jour de la semaine que nous appelons aujourd’hui le dimanche (du latin dies dominicus, litt. jour du Seigneur). C’est le jour du maître du sabbat. Le dimanche est finalement devenu de facto dans notre société le dernier jour de la semaine. Il y a une continuité dans le respect du 4e commandement entre l’ancienne et la nouvelle alliance, mais il y a un accomplissement du sabbat juif en Christ.
Vous comprenez donc pourquoi je disais que l’idée principale de ce texte c’est que le vrai sabbat se trouve en Christ, le vrai repos se trouve en Christ.
À l’exception des adventistes et de quelques courants juifs messianiques tous les chrétiens du monde se rassemblent le premier jour de la semaine, suivant ainsi la tradition de l’Église primitive que nous retrouvons déjà dans le livre des Actes (Actes 20.7). Et ce repos hebdomadaire du dimanche, pointe vers l’œuvre rédemptrice de Jésus à la croix, lui qui est le vrai sabbat, lui qui a acquis le vrai repos pour nos âmes.
Émile Nicole a écrit dans un article sur le sabbat :
« Le repos hebdomadaire rappelle à l’homme ce qu’il doit à son créateur. Le chrétien ferait bien de réserver un jour pour son Dieu et se donner la liberté de n’avoir d'autres obligations ce jour-là que celle de l’honorer. »
Voici les deux articles de la Confession de foi de Westminster sur la question du sabbat et du repos dominical, qui résument ce que je viens de dire.
Article XXI.7 :
« Comme c’est une loi naturelle qu’en général une certaine mesure de temps soit mise à part pour le culte divin, Dieu a aussi spécialement désigné, par un commandement positif, moral et perpétuel de sa parole, liant tous les hommes de tous les temps, un jour sur sept comme Sabbat à lui consacrer (Exode 20.8,10,11 ; Ésaïe 56.2,4,6,7) ; depuis le commencement du monde jusqu’à la résurrection du Christ, ce jour fut le dernier de la semaine ; à partir de la résurrection de Christ, et pour être continué jusqu’à la fin du monde comme le sabbat chrétien (Exode 20.8 ; Matthieu 5.17-18), il est devenu le premier jour de la semaine (1 Corinthiens 16.2 ; Actes 20.7) appelé dans l’écriture le Jour du Seigneur. (Apocalypse 1.10) »
Article XXI.8 :
« Ce sabbat est vraiment consacré au Seigneur lorsque les hommes ayant auparavant préparé leurs cœurs et mis en ordre leurs affaires ordinaires, non seulement observent tout le jour un saint repos de leurs propres œuvres, paroles et pensées se rapportant à leurs travaux et récréation profane (Exode 20.8, 16.23, 25, 26, 29, 30 ; Ésaïe 58.13, Néhémie 13.15-19, 21, 22), mais occupe tout leur temps aux exercices publics et privés du culte et à des devoirs d’obligation et de miséricorde. (Matthieu 12.1-13). »
Nous avons besoin de ce repos et je nous invite donc à réfléchir à comment nous pourrions mettre cela en pratique, comment nous pourrions mettre à part le repos dominical pour véritablement adorer Dieu et pratiquer des œuvres de miséricorde ce jour-là, comment nous pourrions faire le bien autour de nous.