Une vocation extrêmement solennelle

Par Alexandre Sarranle 4 novembre 2012

Qu’est-ce qui vous préoccupe au quotidien ? Qu’est-ce qui fait le plus l’objet de vos pensées au fil de la journée ?

Imaginez qu’on branche votre cerveau sur un ordinateur pour analyser l’activité de votre esprit de la semaine passée, et qu’on en fasse un graphique sous la forme d’un joli fromage divisé en plusieurs parties de couleurs différentes. À qui ou à quoi revient la plus grosse part ? À votre travail ? À vos études ? À un loisir ? Ou bien à votre amoureux(se) ? Ou bien à vos soucis d’argent ou de santé ?

Il y a beaucoup de sujets qui nous paraissent important, et qui, par conséquent, occupent notre esprit. Mais si on peut mesurer l’importance qu’un sujet a pour nous au temps que nous passons à y penser, qu’en est-il du sujet de notre relation à Dieu ? Quelle part du fromage est consacrée à ce sujet ? La semaine passée, est-ce que votre relation à Dieu, c’est quelque chose qui vous a beaucoup préoccupé ?

La réalité, c’est qu’il est très facile de laisser notre relation à Dieu devenir un sujet secondaire, quelque chose auquel on ne pense plus beaucoup pour la simple et bonne raison (ou plutôt pour la simple et mauvaise raison !) qu’on s’y est habitué. Ou peut-être que ce sujet ne vous a jamais paru très important !

En tout cas, quand Moïse écrit le texte qu’on est sur le point de lire, il sait que ses lecteurs (les Israélites avant tout) sont enclins à glisser vers l’indifférence vis-à-vis de Dieu, soit parce qu’ils ont oublié qui Dieu est et ce qu’il a fait pour eux, soit parce qu’ils ne l’ont jamais su. Et vous êtes peut-être dans l’un ou l’autre de ces cas aujourd’hui. Mais à travers ce passage, Dieu adresse un message très simple aux gens qui ont tendance à négliger leur relation à lui. C’est un message si simple qu’il tient à un seul mot : « Attention ! ».

Mais plus précisément, Dieu veut s’adresser aux gens qui se disent croyants, pour leur dire ceci : « Écoute bien, Alex, car je veux que tu mesures le caractère extrêmement solennel de ta vocation ». Est-ce que vous avez conscience que l’invitation que Dieu adresse aux hommes, et qui consiste à le connaître, représente une vocation d’une gravité extraordinaire ? Si vous en aviez conscience, c’est cela qui ferait le plus l’objet de vos pensées, chaque jour.

On va donc lire le texte, mais avant, je me permets de vous rappeler brièvement le contexte : Dieu a libéré les Israélites de l’oppression égyptienne, de façon spectaculaire. Les Israélites se mettent en route dans le désert pour rejoindre la montagne de Dieu (le Mont Horeb, ou Sinaï), et pendant le voyage, Dieu pourvoit à leurs besoins en leur donnant de l’eau et de la nourriture, et en leur donnant la victoire dans le cadre de leur premier conflit militaire. Les Israélites ne sont pas loin du Mont Sinaï lorsque Jéthro rend visite à son gendre Moïse, se convertit, puis contribue à la bonne marche du peuple. Et en étudiant ce passage, on a vu que le peuple de Dieu était un peuple distinct du monde mais pas isolé du monde. Et maintenant, chapitre 19, les Israélites arrivent à la montagne de Dieu, là où Moïse avait rencontré Dieu à l’occasion du buisson ardent, et là où Dieu avait annoncé d’avance que les Israélites devaient venir pour lui rendre un culte (Ex 3.12).

Un peuple appelé (v. 1-9)

La première chose que ce texte nous fait comprendre, dans le but de nous faire mesurer le caractère extrêmement solennel de la vocation des croyants, c’est que Dieu s’est acquis un peuple dans un but précis.

Je vois que vous êtes en train de m’écouter très sagement. Certains d’entre vous hochez même la tête, discrètement, pour montrer votre approbation. C’est que vous n’avez pas vraiment compris la portée de ce que je viens de dire ! Vous devriez être absolument stupéfaits, interloqués, ébahis, médusés, abasourdis et même estomaqués par cette affirmation. Le Créateur souverain de tout l’univers est intervenu dans l’espace et dans le temps, pour prendre des hommes, des femmes, des enfants, et en faire un peuple, son peuple à lui, un peuple auquel il est attaché comme à la prunelle de ses yeux, un peuple qu’il met à part du reste du monde, dans un but précis qui consiste à représenter Dieu au reste de l’humanité.

Pourquoi est-ce qu’on n’est pas complètement bouleversé, quand on entend ça ? Imaginez qu’un jour, un gros 4x4 noir s’arrête devant chez vous, vitres teintées, et il en sort quatre gardes du corps, et au milieu d’eux, Barak Obama. Il entre chez vous et il vous saisit par les épaules et vous regarde droit dans les yeux, et il vous dit : « Alex, je suis venu jusqu’ici juste pour te voir. Écoute-moi bien, je ne peux pas tout t’expliquer tout de suite, mais il faut que tu saches une chose : c’est toi et personne d’autre que je veux avoir pour porte-parole dans le cadre de ma campagne électorale contre Mitt Romney. Toi et personne d’autre ! Je compte sur toi ! ». Franchement, vous arriveriez à vous endormir facilement ce soir-là ?

Le début du chapitre 19 est censé avoir un peu le même effet sur nous ! Les Israélites arrivent à la montagne de Dieu : c’est donc un grand moment du récit. Il y a même un genre de suspense qui est introduit dans le texte par le moyen de plusieurs répétitions, ce qui est un effet de style typique en hébreu (v. 1-3). Moïse monte en haut, donc, et le premier message que Dieu veut communiquer au peuple est relativement bref, mais il est d’une solennité extraordinaire. Je n’ai pas le temps de tout regarder en détail (si ça vous intéresse, j’ai écrit un article de huit pages sur ce sujet), mais il suffit de retenir cette idée : en l’espace de trois versets, Dieu interprète la situation des Israélites. Ce peuple, c’est le peuple que Dieu s’est acquis dans un but précis, qui consiste à le faire connaître au reste de la terre.

La vocation des croyants, c’est la même aujourd’hui. Si vous en doutez, il vous suffit de voir la façon dont l’Apôtre Pierre applique aux chrétiens exactement les mêmes termes que ceux qui sont appliqués aux Israélites dans ce passage (cf. 1 Pi 2.9-10). En participant à la vie d’une église chrétienne, vous participez à la vie du peuple que Dieu s’est acquis dans le but de se faire connaître au reste du monde. C’est énorme !

Bon : vous regardez autour de vous, et vous vous dites qu’il y a un décalage entre la solennité de cet appel et la petite église SDF que nous sommes actuellement. Mais les Israélites se sont dit la même chose quand ils ont considéré leur propre situation en tant que peuple fugitif, errant dans le désert, sans territoire fixe. Mais quoi qu’il en soit, Dieu s’est acquis un peuple dans un but précis. Nous sommes un peuple appelé. Notre vocation est extrêmement solennelle.

Un Dieu dangereux (v. 10-15)

Mais le récit ne s’arrête pas là. Moïse a transmis le message au peuple de la part de Dieu, et ensuite il remonte vers Dieu pour lui transmettre la réponse du peuple, qui accepte d’assumer cette mission extraordinaire. Mais ensuite, le texte veut nous faire comprendre une deuxième chose, destinée à nous faire mesurer le caractère extrêmement solennel de la vocation des croyants, et c’est que le Dieu qui est l’auteur de cette vocation est terriblement dangereux.

Dieu annonce qu’il va se révéler au peuple depuis la montagne. Ça va être quelque chose d’extraordinaire, si bien que le peuple doit se préparer pendant deux jours. Non seulement cela, mais la montagne elle-même est entièrement mise à part : personne ne doit monter dessus, ni même la toucher, sous peine de mort (un avertissement qui est répété aux v. 21-24). L’idée principale, c’est que le peuple et la montagne doivent être « sanctifiés » pour être prêts à accueillir la sainteté de Dieu. « Sanctifier » quelque chose veut dire préparer ou apprêter quelque chose et le mettre à part pour une occasion particulière ou un usage particulier (comme lorsqu’on stérilise des pots de confiture). En l’occurrence, il s’agit d’apprêter le peuple et la montagne pour ce moment où Dieu va se manifester (une « théophanie »).

Mais ce qui est remarquable, c’est que la sainteté de Dieu est présentée comme quelque chose de dangereux pour l’homme. Presque comme une maladie ! On a l’impression que la montagne est placée sous quarantaine comme si elle était infectée d’un terrible virus. Celui qui la touche doit être mis à mort à distance (même les animaux), comme s’il risquait de contaminer les autres. L’idée est simple : c’est qu’il y a entre Dieu et les hommes un abîme, ou une distance, infranchissable. Dieu est dangereux, comme le soleil est dangereux : on ne peut pas s’en approcher sans mourir. La sainteté de Dieu est insupportable pour l’homme.

Bien sûr, les ordres qui sont donnés aux Israélites n’ont rien de magique : ce n’est pas en se lavant ou en s’abstenant de relations conjugales que le peuple est, en réalité (ou substantiellement), rendu saint comme Dieu est saint. La montagne non plus ne risque pas, en réalité (ou substantiellement), de contaminer ceux qui la touchent. Ces dispositions ont une portée avant tout pédagogique ; elles sont destinées à montrer aux Israélites que l’Éternel, leur Dieu, est totalement distinct de sa création. Il est inaccessible, inapprochable, parfaitement saint et transcendant, ce qui le démarque radicalement de toutes les idoles des peuples environnants. Bref, le Dieu qui est l’auteur de la vocation des croyants est terriblement dangereux.

Le Dieu que vous êtes venu adorer aujourd’hui est terriblement dangereux. Le Dieu dont vous portez le nom, si vous vous dites chrétien, est terriblement dangereux. Le Dieu que les croyants sont appelés à faire connaître au reste du monde est terriblement dangereux. Je me demande si nous en avons vraiment conscience.

Dans quelle disposition d’esprit sommes-nous venus au culte aujourd’hui ? Je crains que parfois, nous nous présentions devant Dieu de façon un peu désinvolte, et pour tout vous dire, je crois que certains chants populaires évangéliques nous poussent malheureusement dans ce sens ! Alors qu’en réalité, nous servons un Dieu dangereux. Nous sommes le peuple d’un Dieu dangereux. Notre vocation, voyez-vous, est extrêmement solennelle.

Un médiateur nécessaire (v. 16-25)

Mais il y a une troisième et dernière chose que le texte veut nous faire comprendre, afin de nous faire mesurer le caractère extrêmement solennel de la vocation des croyants ; c’est que l’abîme qui sépare les hommes de Dieu ne peut être franchi que par le médiateur que Dieu a désigné.

Le moment arrive donc où Dieu se manifeste, et c’est un moment effroyable. Les éléments se déchaînent, et le peuple tremble de peur ! Mais dans les versets 16-25, ce qu’il faut remarquer, c’est le rôle incroyable de Moïse. Il fait sortir le peuple du camp et le mène à la rencontre de Dieu (v. 17), il parle à Dieu, qui lui répond à haute voix (v. 19), Dieu lui dit de monter sur la montagne, et il monte (v. 20), Dieu lui dit de redescendre pour parler au peuple, et il redescend (v. 21, 24, 25). C’est un rôle incroyable et unique, parce que même les gens qui portent le titre de sacrificateurs (prêtres) ne peuvent pas monter sur la montagne (v. 22, 24).

Imaginez la scène : tremblement de terre, éclairs, fumée noire, une montagne « embrasée par le feu » d’après l’auteur de l’Épître aux Hébreux (Hé 12.18), et Dieu dit à Moïse : « Viens ! ». Et Moïse y va ! C’est un peu comme un pompier qui s’engouffre dans une maison en flammes. On se dit : « Il est fou ! » et en même temps on se dit : « Quel héros ! ».

La différence entre Moïse et les autres, bien sûr, c’est que Moïse a été désigné par Dieu pour occuper cette fonction d’intermédiaire, ou de médiateur, entre lui et le peuple. Moïse, dans ce texte, c’est le seul qui est habilité à franchir l’abîme qui sépare Dieu de son peuple. C’est lui qui fait le lien entre l’Éternel et son peuple, c’est lui qui franchit la distance, qui représente le peuple auprès de Dieu, et Dieu auprès du peuple. Son rôle est tellement nécessaire que le peuple, au chapitre suivant, dira à Moïse : « Parle-nous toi-même, et nous t’écouterons ; mais que Dieu ne nous parle pas, de peur que nous ne mourions » (Ex 20.19). En tant que médiateur, Moïse est censé être l’objet de la confiance des Israélites, comme Dieu l’a prévu (v. 9). En quelque sorte, Moïse c’est la sécurité des Israélites, puisqu’en Moïse, ils ont quelqu’un qui les relie à Dieu (dont ils ne pourraient pas s’approcher autrement).

L’idée principale, c’est que nous avons besoin de quelqu’un qui soit habilité par Dieu pour s’approcher de lui en notre faveur. Ce jour-là, c’est une leçon très, très importante que les Israélites ont apprise. L’abîme qui nous sépare de Dieu ne peut être franchi que par le médiateur que Dieu a désigné !

Le problème, c’est que Moïse n’a pas été un médiateur parfait. Ni Aaron, le premier des grands-prêtres d’Israël. Et qui pouvait les remplacer après leur mort ? Personne, dans toute l’histoire de l’Ancien Testament, n’a pu établir un lien parfait et indéfectible entre le peuple et Dieu. Personne, pas même Moïse, n’a pu s’approcher de Dieu de la part du peuple, et franchir une fois pour toutes la distance, pour garantir au peuple une sécurité absolue et une espérance indéfectible. Personne, jusqu’à la venue de Jésus.

Jésus est présenté dans la Bible comme le médiateur parfait, celui qui succède à Moïse et qui surpasse Moïse. Il est le médiateur parfait parce qu’il est Dieu en personne, Dieu incarné. Il est moralement parfait, « sans tâche ni défaut », et il a pénétré dans la maison en flammes à notre place. Il s’est exposé à notre place à l’ardente colère de Dieu, il a subi à notre place le feu de l’enfer, il a été « fait péché » pour nous, il s’est approché du soleil et il est mort. Il nous a parfaitement représentés auprès de Dieu, en subissant à notre place la peine réservée aux pécheurs qui « touchent la montagne », c'est-à-dire qui s’approchent du Dieu trois fois saint. Il a subi cette peine pour que nous n’ayons pas à la subir. Il a parfaitement expié nos fautes, et Dieu a été parfaitement satisfait par ce sacrifice. Dieu le Père a validé ce que Dieu le Fils a fait, en le ressuscitant des morts et en garantissant ainsi à tous ceux qui font confiance à Jésus, qu’ils ont un libre accès au sommet de la montagne, auprès de Dieu, et cela pour l’éternité.

Voici par conséquent comment l’auteur de l’Épître aux Hébreux décrit l’espérance des chrétiens, c’est-à-dire de tous ceux qui craignent Dieu et qui placent leur entière confiance en Jésus :

« Cette espérance, nous l’avons comme une ancre solide et ferme, pour notre âme ; elle pénètre au-delà du voile, là où Jésus est entré pour nous. » (Hé 6.19-20a)

Une ancre solide et ferme que Jésus a plantée une fois pour toutes dans la présence de Dieu, et qui est reliée à notre âme par une chaîne incassable ! Voilà pourquoi Jésus est le médiateur parfait, que Dieu a désigné, et qui a franchi une fois pour toutes l’abîme qui nous séparait de Dieu.

Quelques chapitres plus loin dans la même épître, l’auteur ajoute, au sujet des chrétiens :

« Vous ne vous êtes pas approchés, en effet, d’une montagne qu’on pouvait toucher et qui était embrasée par le feu, ni de l’obscurité, ni des ténèbres, ni de la tempête, ni du retentissement de la trompette, ni d’une clameur telle que ceux qui l’entendirent demandèrent qu’on ne leur adresse pas un mot de plus. Car ils ne supportaient pas cette injonction : Même si une bête touche la montagne, elle sera lapidée. Et le spectacle était si terrifiant que Moïse dit : Je suis épouvanté et tout tremblant. Mais au contraire vous vous êtes approchés de la montagne de Sion et de la cité du Dieu vivant, la Jérusalem céleste, des myriades d’anges ; de la réunion et de l’assemblée des premiers-nés inscrits dans les cieux ; de Dieu, juge de tous ; des esprits des justes parvenus à la perfection ; de Jésus, médiateur d’une nouvelle alliance ; et du sang de l’aspersion [du sang de Jésus] qui parle mieux que celui d’Abel. » (Hé 12.18-24)

Vous commencez à comprendre pourquoi je disais en introduction qu’à travers ce texte que nous avons lu et étudié, Dieu voulait adresser un message très simple aux gens qui ont tendance à négliger leur relation à lui. C’est un message si simple qu’il peut se résumer à un seul mot : « Attention ! ». Écoute bien, Alex, je veux que tu mesures le caractère extrêmement solennel de ta vocation en tant que croyant.

C’est extrêmement solennel, parce que : 1. Dieu s’est acquis un peuple particulier, pour une mission particulière, qui consiste à faire connaître Dieu au monde ; 2. le Dieu qui est l’auteur de cette vocation est le Dieu unique et vivant, le Dieu trois fois saint, le Dieu dangereux dont les hommes ne peuvent s’approcher sans mourir ; et 3. l’abîme qui nous sépare de Dieu ne peut être franchi parfaitement que par le médiateur parfait que Dieu a désigné, à savoir son Fils Jésus-Christ qui est mort et ressuscité en faveur de tous ceux qui placent leur foi en lui.

Vous voyez pourquoi la vocation des croyants est extrêmement solennelle ? Vous voyez pourquoi notre relation à Dieu devrait occuper nos pensées plus que tout autre chose ? Est-ce qu’elle occupe vos pensées plus que tout autre chose ? Elle devrait le faire, à cause de qui nous sommes, à savoir un peuple appelé ; à cause de qui est Dieu, à savoir l’Éternel, le Dieu dangereux ; et à cause de qui est ce médiateur indispensable, à savoir Jésus-Christ notre bien-aimé Seigneur et Sauveur.

« Ayons donc de la reconnaissance, en rendant à Dieu un culte qui lui soit agréable, avec piété et avec crainte. Car notre Dieu est aussi un feu dévorant. » (Hé 12.28b-29)

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