Est-ce que ça vous dirait de connaître la paix ? Qu’est-ce que vous seriez prêt à payer pour obtenir la paix ?
Moi, la paix, c’est un truc qui me parle, personnellement. Vous savez, je suis quelqu’un d’assez introverti, qui aime le silence et la solitude, et j’ai fait le choix, disons… coûteux, de me marier et d’avoir plein d’enfants ! Donc oui, la paix, c’est un truc qui me parle et c’est un truc que j’aimerais connaître un jour.
Mais plus sérieusement, la paix, la paix au sens noble, au sens fort, est-ce que vous aimeriez la connaître ? La paix entre les humains dans notre société. La paix dans vos relations. La paix avec vos voisins, la paix avec votre patron ou avec vos collègues, la paix avec des proches qui vous ont trahi. Ou peut-être la paix avec vous-même, la paix avec votre passé, la paix intérieure. Est-ce que c’est quelque chose que vous désirez ?
Moi oui, et pas seulement parce que les chambres de mes enfants sont mal insonorisées—je désire la paix parce que je suis fatigué de toute cette agitation en moi et dans le monde autour de moi. « Fichez-moi la paix », ce n’est pas seulement le cri d’un parent épuisé, mais c’est aussi le cri de notre société et même de notre planète, qui depuis des temps immémoriaux demeurent en proie au conflit, au désordre et à la violence.
On aspire très profondément à la paix. On recherche le repos, au moins le repos de notre âme (c’est-à-dire de notre être intérieur). Et on est capable de faire beaucoup d’efforts et beaucoup d’expériences pour essayer de l’obtenir, cette paix ou ce repos. Mais on dirait que ce truc qu’on aimerait tellement avoir, ça nous échappe perpétuellement, ça nous glisse entre les mains comme une savonnette mouillée.
Vous avez remarqué à quel point on pouvait désirer puissamment ce truc qu’on n’arrive pourtant jamais à obtenir ? Comme l’a dit un jour C.S. Lewis, l’auteur des Chroniques de Narnia : c’est à croire qu’on a été fait pour autre chose que simplement ce monde.
On est un peu comme des naufragés qui vivons depuis super longtemps sur une île sauvage et inhospitalière : on a le vague souvenir d’une vie ailleurs, mais on est incapable d’y retourner par nous-mêmes. Il y a quelque chose de meilleur qu’on désire très profondément, mais on n’arrive pas à en trouver le chemin. On est coincé.
Et notre existence est ainsi caractérisée par cette agitation, n’est-ce pas ? On vit dans une tension, dans une dissonance entre la paix qu’on désire et la réalité qu’on vit. C’est comme si notre existence tout entière était un accord de septième de dominante, c’est-à-dire un accord, en musique, qui est plein de tension et qui appelle une résolution—mais cette résolution n’arrive jamais. Imaginez une symphonie qui s’arrêterait à l’avant-dernière note. Il manque quelque chose ! Il nous manque quelque chose. Notre existence, elle nous fait un peu cet effet.
Et voici où je veux en venir ce matin : c’est que l’histoire de Noël annonce la résolution de cette dissonance. Noël, en tant que fête chrétienne, c’est une fête joyeuse parce que ça commémore des événements qui sont très positifs pour nous. Il y a une bonne nouvelle derrière la fête de Noël, une bonne nouvelle pour tous les humains qui recherchent la paix et le repos ; et l’auteur du dernier passage biblique qui nous a été lu il y a quelques instants, veut vraiment souligner cette bonne nouvelle.
Je vais relire juste quelques versets tirés de ce passage, et j’aimerais que vous remarquiez les contrastes qu’il y a dans ce texte. Contraste entre la grandeur des anges et l’humilité des bergers auxquels s’adressent les anges. Contraste entre la dignité de la personne dont la naissance est annoncée, et les conditions misérables dans lesquelles cette personne sera trouvée par les bergers. Contraste enfin entre la « gloire à Dieu dans les lieux très-hauts », et la paix présentée aux hommes sur la terre.
À travers ces contrastes, l’auteur veut mettre en relief, en quelque sorte, la manière dont Dieu veut résoudre la dissonance qui caractérise notre vie, en nous rendant accessible, justement, la paix qu’on recherche tant. Voici comment : c’est que quelqu’un est venu depuis là où on aimerait être, pour nous secourir là où on est.
Je relis ces quelques versets tirés de l’évangile selon Luc :
« [L’ange dit aux bergers] : Soyez sans crainte, car je vous annonce la bonne nouvelle d’une grande joie qui sera pour tout le peuple : aujourd’hui, dans la ville de David, il vous est né au Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Et ceci sera pour vous un signe : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche. Et soudain il se joignit à l’ange une multitude de l’armée céleste, qui louait Dieu et disait : Gloire à Dieu dans les lieux très-hauts, et paix sur la terre parmi les hommes qu’il agrée ! »
Dans le texte, on a vraiment la rencontre de deux mondes. D’un côté le monde spirituel, comme on pourrait l’appeler—les lieux très-hauts, ce monde invisible à nos yeux, où demeure Dieu dans toute sa gloire—le monde spirituel, donc, qui se manifeste ici par la présence d’un ange, puis d’une multitude d’anges— dans la Bible ce sont des créatures célestes, très puissantes, un peu mystérieuses, qui sont perpétuellement au service de Dieu.
D’un côté, donc, ce monde élevé, ce monde céleste, ce monde glorieux, et de l’autre côté, notre monde. Le monde ici-bas, avec de simples bergers qui gardent leurs troupeaux.
Mais cette rencontre de deux mondes, elle est aussi centrée sur un personnage, dans le texte, celui dont la naissance est annoncée et célébrée par les anges. Il est appelé « Sauveur », « Christ » et « Seigneur ». Ce sont des termes extrêmement importants. D’abord, le « Christ », ça désigne le messie. Le Christ, c’est un personnage dont la venue avait été promise depuis très longtemps au peuple d’Israël. D’après les prophètes, c’est lui qui devait délivrer les croyants de l’oppression du mal et de la mort.
Mais le Christ est aussi appelé « Sauveur » et « Seigneur » dans ce passage. Ça aussi, ce sont des termes hyper importants, puisque ce sont des termes normalement réservés à Dieu lui-même (cf. Lc 1.46-47). Et donc ce que l’auteur est en train de faire ici, c’est qu’il est en train de pointer vers un truc absolument incroyable, c’est que non seulement le Christ (le libérateur promis) est venu en la personne de Jésus, mais qu’en plus, ce Christ, c’est Dieu lui-même qui s’est approché des humains en prenant la nature d’un homme.
On a deux mondes qui se rencontrent, vous voyez ? Et c’est d’autant plus frappant que ce « Christ-Sauveur-Seigneur-qui-est-Dieu », revêtu d’une incroyable dignité et qui est descendu du monde céleste, se présente dans notre monde, chez nous, sous la forme d’un nouveau-né emmailloté et couché dans une crèche, c’est-à-dire dans une mangeoire pour des animaux ! Quel contraste !
Imaginez qu’on vous dise un jour : « Bonne nouvelle, ça fait dix ans qu’on l’attend, votre artiste-vedette préféré vient se produire à Lyon pour un concert unique ! » Alors je ne sais pas, c’est qui votre artiste préféré ? Jean-Jacques Goldman, Florent Pagny, Stromae, Angèle, Soprano ? Imaginez donc : « Bonne nouvelle, Céline Dion vient à Lyon ! » Ah bon ? Où est-ce que je peux la voir ? « Sur le parking de Lidl, elle est venue en patins à roulettes. »
C’est surprenant, vous comprenez ? Mais si votre artiste-vedette préféré se présentait à vous sur le parking de Lidl en patins à roulettes, vous vous diriez sûrement que cette personne est abordable bien plus facilement que si elle était venue à la Halle Tony Garnier en hélicoptère accompagnée de 25 gardes du corps. C’est un peu la même chose dans le texte. Le messie qui est Dieu incarné s’est abaissé vers nous, il s’est rendu semblable à nous. Il s’est vraiment approché au plus près des humains.
Et ça, c’est extrêmement important à comprendre, quand on a le contexte du reste de la Bible. Parce que le reste de la Bible nous explique que ce truc auquel on aspire et qu’on n’arrive jamais à obtenir, cette paix insaisissable, ce repos pour notre âme—ce truc-là se trouve dans la relation qu’un humain est censé avoir avec Dieu.
Le problème, c’est que cette relation a été brisée. Elle a été perdue. Et c’est nous qui l’avons voulu, ça, d’après la Bible ! On a voulu vivre sans Dieu, on a voulu se débrouiller tout seul. On a dit à Dieu : « Merci d’avoir créé le monde, merci et au-revoir ! »
Et l’histoire de l’humanité, c’est l’histoire des conséquences de notre entêtement à vouloir vivre sans Dieu. La Bible nous dit que la rupture de la relation entre les humains et Dieu, c’est le problème fondamental de notre existence et de notre monde. Les conflits, le désordre et la violence, tout vient de là en fin de compte. Notre agitation intérieure, notre fatigue, nos peurs, notre honte, notre sentiment de culpabilité, et notre recherche effrénée de cette paix qui nous échappe perpétuellement, tout vient de là, c’est parce qu’on s’est déconnecté volontairement de Dieu notre créateur, qui nous avait fait, à l’origine, pour autre chose que pour ça !
Et on aura beau composer de magnifiques symphonies, il manquera toujours la dernière note. Quelle tragédie. Comme l’a dit Saint Augustin dans une prière qu’il a adressée à Dieu : « Tu nous as faits pour toi, Seigneur, et notre cœur est sans repos tant qu’il ne repose pas en toi. »
Et donc quand on comprend ce contexte, alors on comprend aussi que ce qui nous est décrit dans notre passage est vraiment extraordinaire, et que c’est vraiment une bonne nouvelle. Quelqu’un est venu depuis là où on aimerait être, pour nous secourir là où on est.
Ça me fait penser à quelqu’un qui est devenu un de mes héros depuis que j’ai découvert son histoire. Il s’appelle Alexandre. C’est un Écossais. Son nom complet : Alexandre Selkirk. Il était marin, au tout début du 18ème siècle.
Un jour, Alexandre s’est mis en colère contre le capitaine de son navire parce qu’il n’était pas d’accord avec une décision que le capitaine avait prise. Alexandre a insisté, insisté, insisté pour que le capitaine revienne sur sa décision, mais en vain. Alors Alexandre qui était très têtu (c’était un Écossais) a refusé de poursuivre la route avec le reste de l’équipage et il a exigé qu’on le débarque tout de suite sur l’île la plus proche.
Le capitaine ne s’est pas fait prier, et Alexandre s’est retrouvé assez soudainement tout seul sur une île déserte. Naufragé volontaire. Bon, en voyant le navire s’éloigner, il s’est rendu compte tout à coup, que peut-être qu’il avait un peu exagéré, mais c’était trop tard. Le bateau n’allait pas faire demi-tour.
Alexandre Selkirk espérait qu’un autre navire passe par là pour le récupérer, et il a attendu une semaine, un mois, six mois, un an, et finalement quatre ans et quatre mois avant qu’un navigateur britannique ne débarque sur l’île pour le récupérer.
Est-ce qu’on peut même imaginer la joie d’Alexandre Selkirk quand enfin il a vu débarquer sur son île cet homme venu le secourir ? Tout Écossais qu’il était, je pense qu’il a peut-être pleuré un petit peu. (C’est cette histoire qui a inspiré le roman Robinson Crusoé.)
Mes amis, je le disais au début : nous aussi, ici-bas, on est un peu comme des naufragés qui vivons depuis super longtemps sur une île sauvage et inhospitalière. Mais on est des naufragés volontaires, séparés de Dieu parce qu’on n’a pas voulu de lui. Et enfoui à l’intérieur de nous, on a le souvenir d’une vie ailleurs, mais on n’a pas les moyens d’y retourner par nous-mêmes.
Mais voilà ce que nous dit ce texte : le Christ qui est Dieu lui-même a débarqué sur notre île pour nous récupérer. Il est venu pour nous présenter ce qu’on recherchait tant et qu’on n’arrivait pas à obtenir. Il est venu nous secourir dans notre agitation et dans nos souffrances et dans notre insatisfaction profonde. Il est venu résoudre la dissonance de notre vie, et offrir le repos à notre âme.
C’est pourquoi dans le texte, une chorale d’anges répond à l’annonce de la naissance du Christ en louant Dieu et en disant : « Gloire à Dieu dans les lieux très-hauts ! »—c’est-à-dire « Bravo et merci à Dieu qui a fait un truc incroyable ! » Mais les anges proclament aussi : « Paix sur la terre parmi les hommes qu’il agrée ! »—c’est-à-dire que le fruit ou le résultat de la venue de Jésus sur la terre, ça va être de présenter la paix aux hommes.
Mais tout ça, ça soulève une question. Comment est-ce que Jésus présente la paix aux hommes ? Qu’est-ce que Jésus a fait, à travers sa venue parmi nous, pour que la paix qu’on recherche tant nous soit rendue accessible ? Comment ça marche ?
La réponse et simple, si vous avez suivi jusqu’ici. Il est venu réparer notre relation avec Dieu. Parce que fondamentalement, il était là le problème.
Je suis sûr qu’il vous est déjà arrivé d’être fâché avec quelqu’un. Et parfois on est fâché avec quelqu’un à cause de ce que l’autre a fait, n’est-ce pas ? Mais quand la relation compte pour nous, même si on est fâché, parfois, on va prendre sur nous et on va aller de notre propre initiative vers la personne qu’on aime, pour rétablir le lien. Et parfois on va accepter de payer un prix émotionnel, ou matériel, juste parce qu’on tient vraiment à la relation et qu’on ne veut pas la perdre, cette relation. On veut la réparer et on est prêt à payer quelque chose pour ça.
De la même façon, Dieu s’est approché de nous par Jésus-Christ, il l’a fait de sa propre initiative, par amour, parce qu’il voulait réparer la relation, et il était disposé à en payer lui-même le coût, alors que c’était de notre faute. Mais notre séparation d’avec Dieu était si grave que le coût de la réparation, c’était la mort de Jésus sur la croix. Sur la croix, Dieu a pris sur lui, en quelque sorte—il a supporté le coût qui était nécessaire, pour que ceux qui se tournent vers lui soient réconciliés avec lui pour toujours.
La Bible raconte que le troisième jour, Jésus est ressuscité des morts, ce qui montre que sa mission a été une réussite. Aujourd’hui, Jésus est vivant, et donc notre créateur—Dieu le Père, le Fils et le Saint-Esprit—nous offre aujourd’hui encore, ce matin-même, la possibilité d’être réconcilié avec lui, si on place tout simplement notre foi en lui.
Et c’est comme ça que la paix est présentée aux hommes sur la terre. S’il est vrai, comme le dit la Bible, que le problème fondamental de notre existence et de notre monde, c’est la rupture de notre relation avec Dieu, alors la paix qu’on recherche tant au fond, ça commence par la paix avec Dieu.
C’est pourquoi les anges annoncent la paix « sur la terre chez les hommes que Dieu agrée. » Certaines traductions choisissent de mettre : « chez les hommes de bienveillance », ou « de bonne volonté ». L’idée, c’est que ce sont les hommes qui ont la bienveillance ou la bonne volonté de Dieu. Autrement dit, les gens qui ont la faveur de Dieu, qui sont approuvés par Dieu selon sa grâce.
Bref, les gens dont la relation avec Dieu a été réparée, non pas sur la base de leurs propres efforts, mais sur la base du coût que Dieu lui-même a supporté en Jésus-Christ.
Dans un autre passage du Nouveau Testament, l’apôtre Paul dit ceci, concernant tous ceux qui placent leur confiance en Dieu : « Étant donc justifiés par la foi [c’est-à-dire approuvés et réconciliés avec Dieu], nous avons la paix avec Dieu par notre Seigneur Jésus-Christ. » (Rm 5.1) Il se trouve que ce texte, c’est celui sur lequel je vais prêcher la semaine prochaine, donc revenez si vous voulez en savoir plus !
Mais pour conclure. Est-ce que ça vous dirait de connaître la paix ? Qu’est-ce que vous seriez prêt à payer pour obtenir la paix ? Il n’y a rien à payer. La paix avec Dieu, qui est le commencement de la paix dans toutes nos autres relations, et qui est la condition de notre paix dans l’éternité—la paix avec Dieu ne s’achète pas, parce que son prix a déjà été payé par Dieu. Quand les anges proclament : « Paix sur la terre parmi les hommes qu’il agrée », en fait ils sont en train de dresser un panneau qui pointe tout droit vers la croix où Jésus va mourir par amour pour les croyants. Il est venu précisément pour ça.
Quelqu’un est venu depuis là où on aimerait être, pour nous secourir là où on est.
Et c’est ça notre espérance aujourd’hui, si on est chrétien. C’est la raison pour laquelle la fête de Noël est joyeuse—c’est parce que c’est la commémoration d’une super bonne nouvelle. Il y a une tension dans notre existence entre la paix qu’on désire et la réalité qu’on vit, mais l’histoire de Noël annonce la résolution de cette dissonance.
Ici, on est dans la salle Saint Irénée, et il faut savoir que « Irénée », c’est le mot grec qui est traduit par « paix » dans notre texte. Puissions-nous donc, nous tous qui nous trouvons dans la salle Saint Irénée ce matin, connaître la paix que Dieu nous présente en Jésus-Christ.