Le jeudi 24 novembre dernier, les députés d’un certain parti politique ont proposé à l’Assemblée Nationale plusieurs textes de loi pour qu’ils soient examinés et votés, dont les deux premiers dans l’ordre du jour étaient : premièrement, l’inscription du droit à l’IVG dans la Constitution française, et deuxièmement, l’interdiction totale de la corrida en France.
Personnellement, je trouve que la juxtaposition de ces deux propositions de loi dans l’ordre du jour de l’Assemblée Nationale, à l’initiative du même groupe politique, c’est très révélateur, très emblématique même, des idées qui sont portées dans les plus hautes instances de notre pays, et qui me semblent, pour ma part, parfois très paradoxales. D’un côté, on veut défendre le droit à l’interruption volontaire d’une vie humaine qui se développe dans le ventre d’une femme ; et quelques minutes plus tard, on veut interdire l’interruption volontaire de la vie d’un taureau dans l’enceinte d’une arène. Et moi, ça me dérange de me dire que dans mon pays, on cherche moins à défendre la vie humaine que la vie animale.
Voilà, je vous ai donné mon avis. Vous avez peut-être un avis différent, et j’espère que ça ne nous empêchera pas d’être amis ! Peut-être même qu’on peut en discuter à la fin de ce culte—j’en serais très heureux. Quoi qu’il en soit, si je vous ai parlé de ce qui se passe à l’Assemblée Nationale, ce n’est pas pour faire du militantisme politique à l’Église (ce qui est interdit par la loi), mais plutôt pour introduire le sujet de ce matin : quel rapport est-ce qu’on est censé avoir, si on est chrétien, avec les autorités qui nous gouvernent ?
Je vous ai cité des sujets très « clivants », comme on dit, qui sont portés devant notre Parlement, et qui vont certainement se transformer en des lois qui vont ensuite nous être appliquées. Et certains sujets nous font réagir assez fortement. Alors si on est chrétien, quelle attitude est-ce qu’on devrait avoir, comment est-ce qu’on devrait réagir, quelle devrait être notre posture vis-à-vis du pouvoir politique ?
Par exemple, est-ce qu’on peut protester contre des lois qui nous semblent injustes ? Et si oui, est-ce qu’on peut s’opposer à ces lois en allant jusqu’à certaines formes de violence, qu’elle soit verbale, matérielle ou physique ? Et puis, est-ce qu’on devrait chercher à renverser le pouvoir et à instaurer un régime politique chrétien ? Est-ce que l’Église chrétienne est appelée à gouverner la France ? Ou bien à l’inverse, est-ce qu’on devrait totalement se désengager ? Est-ce qu’on devrait juste se contenter de faire notre petit truc cultuel dans notre coin, sans prendre à cœur tout ce qui se passe dans cette autre sphère de la société qui, finalement, ne nous concerne pas, puisque de toute façon, tout va disparaître un jour, et nous, notre boulot consiste à adorer Dieu et à sauver des âmes pendant qu’il en est encore temps !
Alors : rébellion, ou séparation ? Quel rapport est-ce qu’on est censé avoir, si on est chrétien, avec les autorités qui nous gouvernent ? C’est la question qui est soulevée dans le texte qu’on va lire dans un instant.
On est toujours en train d’étudier une lettre que l’apôtre Paul a écrite à une communauté de chrétiens de son époque, qui vivaient dans la ville de Rome, et on est en ce moment dans la dernière grande section de sa lettre, où Paul est en train d’aborder plein de sujets très pratiques pour les chrétiens. Il est en train d’expliquer à ses destinataires comment ils devraient vivre, en pratique, s’ils ont bien lu (ou entendu) tout ce qui a précédé dans sa lettre, et s’ils adhèrent à ce qu’il a écrit. C’est-à-dire s’ils ont réellement la foi en Jésus.
Et donc là, on va avoir une application pratique par rapport à la question de notre relation aux autorités—particulièrement les autorités politiques. Mais juste avant de lire le texte, il faut bien comprendre une chose, c’est qu’au premier siècle, il y avait beaucoup de Juifs dans l’Église, c’est-à-dire des Israélites qui reconnaissaient Jésus comme le messie. Ce sont des anciens Juifs, on pourrait dire, ou des Juifs convertis.
Et il faut se rendre compte que les Israélites, historiquement, croient à la théocratie—c’est-à-dire qu’ils croient que les croyants doivent être gouvernés politiquement par un régime croyant. Et donc pour les Israélites du premier siècle, ça pouvait être perçu comme tout-à-fait scandaleux d’être gouverné politiquement par le régime de l’Empire romain—un régime complètement païen ! Les Israélites pouvaient donc être tentés de ne pas reconnaître la légitimité du pouvoir romain, voire même de se rebeller contre ce pouvoir.
Et dans ce contexte, vous allez voir que ce que l’apôtre Paul leur dit—en tout cas aux Israélites qui sont chrétiens, et par extension à tout chrétien—ce que Paul leur dit, c’est très surprenant. Et c’est finalement une leçon toute simple : qu’on vive sous l’empire romain, ou en France sous la Cinquième République, si on est chrétien, en raison de notre foi en Jésus, on devrait avoir un comportement civique exemplaire.
C’est une leçon simple, mais qui soulève plein d’enjeux pratiques, et on va essayer d’y voir un peu plus clair aujourd’hui. Et je vous promets que si Dieu me prête vie jusqu’à la fin de cette prédication, je vous dirai comment en tant que chrétiens on devrait réagir aujourd’hui à la proposition d’inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution, ou à la proposition d’interdire la corrida. Ça vous intéresse ? Allons-y !
Donc le message de l’apôtre Paul est clair, non ? Si on est chrétien, si on croit à tout ce que Paul a dit jusqu’ici, si on est des disciples de Jésus, si on est attaché à lui par la foi, alors on devrait vraiment être des citoyens exemplaires ici-bas, tout particulièrement dans ce qui concerne notre rapport aux autorités qui nous gouvernent.
Regardons le texte un peu plus en détail. La première chose que Paul veut nous faire comprendre dans ce passage (v. 1-2), c’est que notre foi chrétienne devrait entraîner chez nous une perception positive des autorités. Et ça devrait faire de nous des citoyens respectueux. La raison en est toute simple : c’est qu’il « n’y a pas d’autorité qui ne vienne de Dieu, et les autorités qui existent ont été instituées par Dieu » (v. 1).
Ce que Paul veut dire, c’est que d’une part, Dieu a voulu que l’autorité, ça existe. C’est inscrit dans l’ordre du monde. C’est normal qu’il y ait des autorités dans notre vie, parce que Dieu a conçu la vie en société de cette manière. Mais d’autre part, ça veut aussi dire que les gens qui détiennent cette autorité au moment présent la détiennent par la providence de Dieu—puisque rien n’échappe à sa providence. C’est-à-dire que Dieu conduit toutes choses, et même quand un tyran accède au pouvoir, ça se passe sous le contrôle de Dieu. C’est Dieu qui le permet.
Rappelez-vous ce qui s’est passé quand Jésus a été présenté à Ponce Pilate au moment de son procès. Ponce Pilate, le gouverneur romain, a dit à Jésus :
« Ne sais-tu pas que j’ai le pouvoir de te relâcher, et que j’ai le pouvoir de te crucifier ? Jésus répondit : Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir, s’il ne t’avait été donné d’en-haut. » (Jn 19.10-11)
Donc vous voyez, 1/ l’autorité en soi existe par la volonté de Dieu, et 2/ celui qui a une position d’autorité a cette position (dans un sens) par la volonté de Dieu. Donc en tant que chrétiens, si on croit en Dieu, si on a confiance en lui, alors on devrait avoir a priori une perception plutôt positive des autorités, n’est-ce pas ?
L’autorité, c’est vraiment quelque chose de bon que Dieu a donné aux humains pour la vie en société. C’est un peu comme la tête pour le corps. C’est bien, une tête, mais ça peut parfois être mal utilisé. N’empêche qu’on a quand même tous, globalement, une perception plutôt positive de la tête en tant qu’organe du corps, non ? Et ce n’est pas parce qu’un jour, vous allez rencontrer quelqu’un qui utilise mal sa tête que vous allez vous dire qu’il serait préférable que les humains vivent sans tête ! Et ce n’est pas parce que vous-même, un jour, vous allez mal utiliser votre tête, que vous allez vous dire que la solution consisterait à vous couper définitivement la tête !
C’est un peu la même chose dans la société. Dieu a voulu qu’il y ait des autorités. Parfois l’autorité est mal exercée. N’empêche que l’autorité, c’est quand même bien. C’est un élément fonctionnel important de la vie en société.
Et l’autorité existe à plein de niveaux différents, mais ça commence déjà dans la famille. Papa et maman ont l’autorité dans la famille sur leurs enfants, et c’est la raison pour laquelle le premier des commandements qui concerne notre relation à autrui, c’est le cinquième commandement (les quatre premiers concernent notre relation à Dieu).
« Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que l’Éternel, ton Dieu, te donne. » (Ex 20.12)
Ça ne vous a jamais semblé bizarre que ce commandement vienne avant les commandements sur le meurtre, l’adultère, ou le vol ? C’est parce que c’est tellement important ! Dieu veut qu’on reconnaisse que les autorités, c’est bien, et qu’on ait cette perception positive des autorités, qui se traduise par une posture fondamentale de respect envers les autorités. On doit être des citoyens respectueux !
C’est dur, bien sûr, parce que les gens qui sont en position d’autorité ne sont pas parfaits. Papa et maman ne sont pas parfaits, et ils font plein d’erreurs. Les profs au lycée ou à la fac font plein d’erreurs. Le manager qui nous dit quoi faire dans l’entreprise, il fait plein d’erreurs. La police fait des erreurs, le gouvernement fait des erreurs, notre président de la République fait des erreurs. Les responsables de l’Église Lyon Gerland font des erreurs.
N’empêche ! Dieu veut que notre attitude envers les autorités soit empreinte d’un profond respect, parce que c’est Dieu qui a inventé l’autorité, et c’est Dieu qui a établi par sa providence les gens qui exercent l’autorité dans notre vie. On doit les respecter, parce qu’on respecte leur fonction, parce qu’on respecte Dieu qui a voulu cette fonction.
Le Catéchisme de Heidelberg dit ceci sur le cinquième commandement :
« Que Dieu veut-il dans le cinquième commandement ? Que je rende à mon père et à ma mère et à toutes autorités placées au-dessus de moi, honneur, amour et fidélité ; que je me soumette avec l’obéissance qui leur est due à leurs bonnes instructions et corrections, supportant aussi avec patience leurs défauts, puisque Dieu veut nous conduire par leurs mains. » (Q.104)
Imaginez encore un orchestre. Dans un orchestre, on a absolument besoin d’un chef d’orchestre. On a besoin de quelqu’un pour nous conduire, quelqu’un pour diriger. Le chef d’orchestre peut se tromper, il peut mal conduire, ou bien parfois il peut tout simplement nous conduire selon des choix que nous, on partage pas ! « Je veux que vous jouiez pianissimo sur la reprise, OK ? » Et si moi, j’ai envie de jouer fortissimo sur la reprise, comment on fait ? Est-ce qu’il y a un choix qui vaut mieux que l’autre dans l’absolu ? Difficile à dire. Mais en tout cas, par respect pour la fonction du chef d’orchestre, on va faire ce qu’il nous dit, même quand on n’est pas d’accord.
D’ailleurs, ça marche comme ça dans notre groupe de louange ici à l’Église Lyon Gerland. On a toujours quelqu’un qui est le chef—quelqu’un qui dirige. Mais ce n’est pas toujours la même personne. Quoi qu’il en soit, le groupe se soumet à celui qui dirige, par égard pour sa fonction, parce qu’on reconnaît que l’autorité, c’est bien. C’est utile. C’est voulu par Dieu !
Donc vous voyez, notre foi chrétienne devrait entraîner chez nous une perception positive des autorités. C’est le premier point. On ne peut pas être chrétien et anarchiste, d’après ce passage, parce que rejeter l’autorité, ce serait rejeter quelque chose que Dieu a voulu pour le bien des hommes. Mais on ne peut pas non plus être chrétien et dictateur, parce que abuser de l’autorité, ce serait abuser de quelque chose que Dieu a voulu pour le bien des hommes.
L’autorité, ça se respecte, tant par ceux qui sont soumis à l’autorité, que par ceux qui exercent l’autorité. La forme de l’autorité, et les conditions de l’exercice de cette autorité, tout ça, ça peut varier : entre l’autorité d’un conseil d’administration, l’autorité d’un professeur, l’autorité d’un policier, l’autorité d’un jury dans un tribunal, l’autorité d’un parlement, l’autorité d’un parent, l’autorité d’un PDG… il y a beaucoup de différences.
Mais dans tous les cas, on est appelé, si on est chrétien, à être des citoyens respectueux de l’autorité. Et ça devrait se voir dans notre comportement et s’entendre dans nos paroles.
La deuxième chose que l’apôtre Paul veut nous faire comprendre dans ce passage, c’est que les chrétiens doivent, ordinairement, se soumettre volontiers aux lois de leur pays. On est censé être des citoyens honnêtes. Regardez de nouveau le texte (v. 3-5).
Paul a parlé de manière générale des autorités—les autorités en général, c’est quelque chose de bien en soi, qu’on doit respecter. Mais maintenant, Paul va parler plus particulièrement des autorités politiques, et il va souligner un aspect en particulier de leur rôle dans la société. C’est le fait que les autorités politiques—ou les pouvoirs publics, comme on dit aujourd’hui—ont pour mission notamment de réprimer le mal.
Et ça, d’après Paul, c’est une mission qui leur a été confiée par Dieu lui-même. Il le dit deux fois au verset 4 : « L’autorité est au service de Dieu pour ton bien. » Et encore : « Elle est au service de Dieu pour montrer sa vengeance et sa colère à celui qui pratique le mal. » Littéralement en grec : « Elle est un serviteur de Dieu », un « diacre » de Dieu (diakonos). On pourrait dire que c’est un office, un ministère établi par Dieu.
Donc les autorités qui nous gouvernent politiquement sont des serviteurs de Dieu pour promouvoir la justice dans notre vie en société. Et donc, nous dit Paul, si on est des chrétiens, si on croit en Dieu et qu’on reconnaît donc l’ordre établi par le Dieu auquel on croit et en qui on a confiance, eh bien, on doit être soumis aux autorités politiques qui nous gouvernent (v. 5). Et on voit que pour Paul, ce que ça veut dire, c’est qu’il faut obéir aux lois de notre pays. On doit obéir, parce que sinon, on risque d’être puni (ça, c’est l’argument pragmatique) ; mais on doit aussi obéir, tout simplement par motif de conscience, parce que ces autorités politiques ont été établies par Dieu (ça, c’est l’argument théologique).
C’est un peu comme si vous jouiez à un jeu. Imaginez : vous êtes en train de jouer à un jeu de société avec des amis, mais disons qu’il y a une règle qui ne vous arrange pas du tout. Vous avez la possibilité de tricher, mais le problème c’est que si vous vous faites prendre, vous risquez de gros, gros ennuis. Vous seriez probablement éliminé d’office du jeu ! Et ce serait juste, n’est-ce pas ? On punit le tricheur, dans l’intérêt du jeu, et dans l’intérêt de ceux qui ne trichent pas. Si on ne punissait pas le tricheur, eh bien il n’y aurait pas d’intérêt à jouer !
Donc ça, c’est l’argument pragmatique. Il ne vaut mieux pas tricher, parce que sinon, on sera puni. Mais imaginez maintenant que vous ayez trouvé une manière de tricher sans vous faire prendre. Le crime parfait ! le problème dans ce cas-là, c’est que si vous gagnez en trichant, vous saurez très bien au fond de vous-même que votre victoire n’en est pas réellement une. Vous serez peut-être le seul à le savoir, mais ça suffira pour vous gâcher la victoire à l’intérieur, n’est-ce pas ? C’est votre conscience qui va vous accuser. Et ça, c’est l’argument « théologique ». On ne doit pas tricher quand on joue à un jeu de société, non seulement à cause de la punition à laquelle on s’expose, mais encore par motif de conscience.
Et c’est ça que Paul veut nous faire comprendre par rapport aux lois de notre pays et par rapport aux pouvoirs publics chargés par Dieu de faire respecter ces lois. Si on n’obéit pas à la loi, on risque des ennuis judiciaires—et si le code pénal existe, c’est conforme à l’intention de Dieu qui a chargé nos pouvoirs publics d’établir un code pénal et d’infliger des peines à ceux qui commettent des infractions à la loi. C’est ce que Paul veut dire quand il dit que l’autorité politique « porte l’épée » pour rendre la justice—on appelle ça le pouvoir du glaive.
(Et entre parenthèses, quand Paul dit que l’autorité politique « porte l’épée » pour rendre la justice de la part de Dieu, il sous-entend ici le pouvoir d’administrer entre autres la peine capitale, ce qui était clairement le cas sous l’empire romain au premier siècle. Ça ne veut pas dire que la peine de mort devrait être en vigueur aujourd’hui—je n’ai pas dit ça, la question est beaucoup plus complexe—mais ça montre au moins que dans l’absolu, par principe, la Bible n’est pas contre le fait que l’autorité politique puisse exercer ce pouvoir.)
En tout cas, si on n’obéit pas à la loi, non seulement on risque des ennuis judiciaires, mais en plus, même si on arrivait à faire des choses illégales sans se faire prendre, on serait quand même condamné par notre conscience, si on est chrétien, parce qu’en désobéissant aux autorités politiques qui nous gouvernent, on désobéit en fait à des serviteurs de notre Dieu—et ça, ça revient à rejeter quelque chose que notre Dieu a ordonné. Vous comprenez ?
Alors bien sûr, en entendant tout ça, ça soulève peut-être plein de questions dans votre esprit. Qu’est-ce qu’on fait si la loi de notre pays contredit la loi de Dieu ? Qu’est-ce qu’on fait si, pour être des citoyens honnêtes au regard des autorités politiques qui nous gouvernent, on doit désobéir à la volonté morale de Dieu ? Par exemple, disons que l’État décide d’interdire l’exercice du culte chrétien. Ou d’interdire le fait de témoigner de notre espérance auprès de notre prochain. Ou imaginons encore que nos autorités décident d’enrôler tous les hommes de 18 à 30 ans pour aller envahir illégalement la Suisse. Est-ce qu’il faut encore se soumettre ?
Eh bien je crois que la Bible est claire. Les autorités qui nous gouvernent politiquement sont des serviteurs de Dieu, ce qui signifie qu’elles-mêmes sont responsables devant Dieu de la manière dont elles vont exercer le pouvoir, et qu’elles sont soumises, elles aussi, à la volonté morale de Dieu. Ça veut dire que si elles enfreignent la volonté morale de Dieu, et si elles cherchent à nous faire enfreindre la volonté morale de Dieu, eh bien nous, on doit « obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes » (cf. Ac 5.29).
On a un principe similaire dans l’armée. Vous savez, dans l’armée, les soldats doivent obéir sans discuter à tous les ordres qui leur sont donnés par leur hiérarchie. Et croyez-moi, je connais quelqu’un qui est militaire, et parfois, les ordres paraissent vraiment déraisonnables et cruels ! Mais les soldats doivent obéir. Ils doivent obéir avec une bonne attitude ! Mais il y a une exception. Les soldats savent qu’ils y a une situation où ils ne doivent pas obéir, et même, où ils doivent désobéir. C’est si on leur donne un ordre illégal. Parce que même les plus hauts gradés de l’armée sont soumis à une loi qui leur est supérieure.
C’est pareil avec les pouvoirs publics dans notre pays. Eux aussi sont soumis à une loi qui leur est supérieure : la loi de Dieu. S’ils nous demandent de désobéir à Dieu, c’est à eux qu’on doit désobéir. C’est pourquoi j’ai dit que ce deuxième point, c’était que les chrétiens doivent, ordinairement, se soumettre volontiers aux lois de leur pays. C’est-à-dire se soumettre dans la mesure où cela ne nous fait pas désobéir à Dieu.
Alors bien sûr, c’est un principe à manier avec beaucoup de précaution, parce qu’on a vite fait de justifier n’importe quelle désobéissance à l’État sous prétexte d’obéissance à Dieu. Quand je parle d’obéissance à Dieu, je parle d’obéissance à sa volonté morale clairement révélée dans les Saintes Écritures—je ne parle pas d’obéissance à une volonté de Dieu qui nous serait venue intuitivement ou subjectivement : « Ah, tiens, j’ai la conviction que Dieu veut que j’embauche cet artisan au noir pour que ça me coûte moins et que je puisse donner plus d’argent à l’Église. » Non, ce n’est pas ça, obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes !
Si on est chrétien, si on a véritablement la foi en Jésus, on doit être des citoyens honnêtes. J’aime bien ce que dit notre confession de foi :
« Dieu, le suprême Seigneur et Roi du monde entier, a établi, pour sa propre gloire et pour le bien public, des gouvernants ayant autorité, sous la sienne, sur les citoyens. À cet effet, il leur a donné le pouvoir du glaive afin qu’ils protègent et encouragent les gens de bien et qu’ils punissent les malfaiteurs. » (Westminster XXIII.1)
La troisième et dernière chose que Paul veut nous faire comprendre dans ce passage, c’est que les chrétiens sont en position idéale pour être des citoyens engagés.
Revenons une dernière fois au texte (v. 6-7). Et là, on voit que Paul, à partir de tout ce qu’il a dit dans les versets précédents, eh bien il justifie le fait qu’on paie des impôts. C’est logique ! Si on croit que les autorités, c’est bien pour nous, et que le pouvoir des autorités politiques de promouvoir la justice, c’est bien pour nous, parce que tout ça, ça vient de Dieu, c’est voulu par Dieu, et c’est même au service de Dieu, eh bien on devrait être content de financer leur travail, non ? Et c’est ça, les impôts, en principe. C’est le financement du travail des pouvoirs publics—un travail bon et nécessaire.
Mais Paul élargit son propos, en disant que de la même façon qu’il y a des gens qui méritent de recevoir nos impôts, il y a aussi des gens qui méritent qu’on les craigne et qu’on les honore. Paul est en train de pointer ici un principe un peu plus général que simplement le fait de bien remplir sa déclaration de revenus. Il veut dire qu’on doit reconnaître notre juste place, humblement, dans la société. On est censé être de bons citoyens, paisibles, courtois, consciencieux, qui apportons quelque chose de positif dans la société.
Mais comment est-ce qu’on peut avoir cette relation apaisée avec les autorités qui nous gouvernent ? Qu’est-ce qui peut nous aider à payer nos impôts avec joie ? Qu’est-ce qui peut nous libérer pour ne pas qu’on se sente opprimé par des pouvoirs publics qui, des fois, abusent de leur autorité, et qui, des fois, nous pondent des lois déraisonnables, et qui, des fois, gouvernent très mal notre pays ?
Ce qui peut nous libérer, c’est de prendre de la hauteur. Paul nous a fait prendre de la hauteur pendant les onze premiers chapitres de sa lettre. Il nous a expliqué qu’on avait des problèmes beaucoup, beaucoup plus graves qu’une TVA à 20%. Il nous a expliqué que notre problème, à nous les humains, au premier siècle sous l’Empire Romain comme en 2022 en France sous la Cinquième République, notre problème, c’est qu’on est séparé de Dieu par notre propre faute et qu’on est passible de son jugement. On a le mal en nous, et on mérite par nature sa colère éternelle. Et ça, c’est un gros problème !
Mais la bonne nouvelle que Paul nous a expliquée aussi, c’est que Dieu a résolu ce problème pour nous à notre place. Il s’est approché de nous par Jésus-Christ, et il a tout fait pour nous délivrer de nos fautes, en vivant une vie parfaite à notre place, et ensuite en s’offrant lui-même sur la croix pour expier nos fautes (c’est-à-dire prendre sur lui la peine de nos fautes, pour que nous, on n’ait pas à la subir cette peine, si on place notre confiance en lui).
Jésus est mort et ressuscité, de sorte qu’il a vaincu le mal, le diable et la mort au profit de tous ceux qui lui font confiance. Et j’espère qu’on fait tous partie de ces gens qui font confiance à Jésus ce matin. Mais donc, qu’est-ce que c’est que notre citoyenneté française comparée à notre citoyenneté céleste si on appartient à Jésus ? Vous comprenez ce que ça change, quand on prend de la hauteur ? Qu’est-ce que c’est que nos droits et nos devoirs en tant que membres de la société française, comparés à nos droits et nos devoirs en tant que membres de la famille du Dieu de l’univers ?
Rendez la crainte à qui vous devez la crainte et l’honneur à qui vous devez l’honneur, nous dit Paul, et bien sûr, ça commence par Dieu, si on est chrétien ! Et tout le reste est relativisé. Et en fait, si on appartient à Dieu, ça nous libère et ça nous décomplexe pour qu’on soit des citoyens engagés ici-bas.
Vous avez peut-être remarqué que Paul fait allusion ici à la fameuse parole de Jésus qui avait dit : « Rendez à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. » (Mt 22.21). Si vous connaissez l’histoire, il y avait des Juifs qui essayaient de piéger Jésus en lui posant une question, justement, sur un impôt que les Romains percevaient de la part des Juifs. Et cet impôt était considéré comme une injustice, puisque les Romains, à cette époque, c’était une force d’occupation étrangère en terre sainte ! Mais Jésus répond oui, il faut payer l’impôt—mais il faut aussi rendre à Dieu ce qui est à Dieu.
Et qu’est-ce qui est à Dieu ? Eh bien tout est à Dieu ! Et donc Jésus était en train de dire : « Vous vous souciez de savoir si vous devez donner de l’argent aux Romains, très bien. Peut-être que vous pouvez aussi vous soucier de savoir si vous devez donner votre vie à Dieu ! » Vous voyez ? Jésus ajoute du contexte qui change la perspective. Qu’est-ce que ça fait de donner des biens matériels à l’État… si moi j’appartiens au Dieu unique et vivant, le créateur et le gouverneur de tout l’univers ?
Et si j’appartiens au Dieu de l’univers, en étant attaché à Jésus par la foi, eh bien ça change ma perception des autorités politiques qui gouvernent mon pays. Pourquoi ? Parce que Paul répète, au verset 6, que ceux qui gouvernent sont « au service de Dieu » pour remplir leur fonction. Mais il se trouve que Paul utilise un autre terme ici que celui qu’il avait utilisé au verset 4. Il ne dit pas que les gouvernants sont des diakonos mais des leitourgos, c’est-à-dire littéralement des gens qui travaillent pour le peuple. On dirait aujourd’hui des employés de l’État, des serviteurs du peuple, ou tout simplement des fonctionnaires. Or Paul dit que ce sont des fonctionnaires de Dieu.
En gros, ce que ça veut dire, c’est que les personnes qui nous gouvernent politiquement sont des employés de l’État, certes, donc payés par nos impôts, donc en quelque sorte ils sont nos propres employés, mais en plus, ils travaillent pour Dieu, pour notre Dieu ! Si on paie des impôts en France, ça veut dire qu’Emmanuel Macron est payé avec notre argent ; et si on est chrétien, ça veut dire qu’Emmanuel Macron travaille pour notre Dieu. Est-ce que vous voyez le changement de perspective que ça peut entraîner par rapport à notre perception des autorités qui nous gouvernent ? Emmanuel Macron travaille pour nous et pour notre Dieu !
C’est un peu comme si on était dans une grande entreprise familiale. Imaginez que votre père ait créé une entreprise, et qu’il embauche des gens, et qu’il confie à ces gens des responsabilités dans l’entreprise. Et à certains employés, il confie de grosses responsabilités. Et vous, vous n’êtes peut-être pas un employé de l’entreprise, mais vous êtes l’enfant du patron, vous êtes l’héritier de la boîte. Ça va vous donner le souci de la réussite de l’entreprise, ça va vous donner envie d’encourager les employés de votre père, ça va vous donner du respect pour eux.
C’est un peu pareil quand on est chrétien et qu’on est citoyen d’un pays sur la terre. On est dans une grande entreprise familiale—les autorités qui nous gouvernent travaillent pour notre Père céleste. On devrait désirer leur réussite, on devrait avoir envie de les encourager et de les exhorter, tout en leur montrant du respect—et tout ça de manière tout-à-fait décomplexée.
Vous voyez, on peut assumer de bon cœur notre place et notre rôle en tant que citoyens temporaires de la terre parce que nous avons une autre citoyenneté, meilleure, supérieure et éternelle. Notre relation à Dieu, si on est chrétien, si on est attaché à Jésus par la foi, nous libère et nous fait prendre de la hauteur et nous met en position idéale pour être, justement, des citoyens engagés, plutôt que des citoyens désengagés, séparés, distants, sous prétexte qu’on n’appartient pas à ce monde. Au contraire, on appartient à Dieu à qui appartient ce monde et pour qui travaillent les autorités politiques qui nous gouvernent. Vous avez suivi ?
Et donc pour conclure. On a vu à travers ce passage que si on est chrétien, en raison de notre foi en Jésus, on devrait avoir un comportement civique exemplaire. Si on est attaché à Jésus par la foi, on devrait être des citoyens respectueux, des citoyens honnêtes et des citoyens engagés. En pratique, voici ce que ça peut vouloir dire.
D’abord, en tant que chrétiens, on ne va pas insulter les autorités quand on n’est pas content, on ne va pas se montrer vulgaire ou violent, on ne va pas casser des vitrines ou taper du CRS. On va respecter l’ordre et le droit. On va obéir à la loi, même quand elle nous semble déraisonnable, tant qu’elle ne nous force pas à désobéir à Dieu.
Ensuite, ça ne veut pas dire qu’on ne doit pas chercher à faire changer les lois. Si des lois nous semblent déraisonnables ou si elles nous semblent manquer de sagesse, il est légitime qu’on exprime respectueusement notre désaccord. Il est légitime de participer à des manifestations pour exprimer une opinion, si les manifestations sont légales et pacifiques. Il est légitime de signer des pétitions, et de voter dans les élections et de le faire en conscience devant Dieu avec l’espoir, parfois, de changer de gouvernement et de réformer des lois.
Concernant le projet de loi qui vise à inscrire le droit à l’IVG dans la Constitution française—je vous avais dit que j’allais y revenir : eh bien si en tant que chrétiens, on est convaincus (comme on devrait l’être, à mon avis), que Dieu veut qu’on protège la vie humaine depuis la conception jusqu’à la mort naturelle, eh bien on devrait exprimer respectueusement notre avis sur ce sujet, et résister respectueusement et légalement mais aussi avec vigueur à ce genre de projet de loi qui nous semble aller contre l’intérêt de la société et nuire au bien commun. Si la loi passe, et que le droit à l’IVG se retrouve inscrit dans la Constitution, eh bien on continuera d’avoir le droit de dire qu’on n’est pas d’accord, et bien sûr, rien ne nous obligera à avoir recours à l’IVG, donc on continuera de s’en abstenir et d’essayer de dissuader d’autres personnes d’y avoir recours. Mais on ne fera pas pour autant une révolution et on n’ira pas casser des cliniques ou agresser des médecins.
Si la corrida est définitivement interdite en France, peut-être que certains chrétiens seront déçus parce qu’ils aimaient bien cette tradition, ou peut-être que certains trouvent que ce serait tout simplement déraisonnable de faire cette interdiction. Mais en tant que chrétiens, on respectera la loi, parce qu’elle ne nous obligera pas à désobéir à Dieu.
Enfin, si une loi semble aller contre la volonté de Dieu, il est juste, et même logique, qu’on le dise. C’est d’ailleurs une des missions de l’Église qui est la colonne et l’appui de la vérité (1 Tm 3.15). Dieu n’a pas donné à l’Église le pouvoir du glaive pour promouvoir la justice par la coercition (l’Église n’est pas appelée à gouverner la France), mais Dieu a donné à l’Église le pouvoir de sa parole (l’épée de l’Esprit) pour promouvoir la justice par la prédication. Notre pouvoir est déclaratif, et donc il est juste que l’Église, dans ce rôle, parle à l’État pour rappeler l’État à ses obligations devant Dieu. Et donc je terminerai avec ça.
Monsieur Emmanuel Macron, mesdames et messieurs les ministres, mesdames et messieurs les députés et les sénateurs—si vous m’écoutez—je vous déclare de la part de Dieu que vous n’auriez aucun pouvoir, s’il ne vous avait été donné d’en-haut. Vous êtes des serviteurs de Dieu, comme je le suis en tant qu’officier de l’Église. Je vous exhorte à vous tourner vers Dieu dans la repentance et dans la foi, et à « embrasser le Fils » (Ps 2.12) comme dit le psalmiste, c’est-à-dire à vous réfugier en Jésus-Christ pour le pardon de vos péchés et pour votre salut éternel. Je vous exhorte de la part de Dieu à chercher sa volonté dans les Saintes Écritures, et à appuyer vos programmes politiques sur la vérité de notre Créateur à tous, le Dieu unique et vivant, plutôt que sur l’imagination et les envies des hommes.