Des fois, dans la vie, on peut vraiment avoir l’impression de se trouver face à un mur. On a une vision, des projets, de bonnes intentions, mais il y a un obstacle qui nous empêche d’avancer. Un truc sur lequel on n’a pas l’impression d’avoir le moindre contrôle, mais c’est là, ça bloque le chemin, et on ne voit pas du tout comment on va pouvoir le surmonter.
Notre Église, par exemple, aimerait beaucoup trouver un local dans notre quartier, dans lequel on pourrait s’installer de manière stable et durable, et au travers duquel on pourrait avoir une présence bienfaisante pour le quartier, et fructueuse sur le plan du témoignage à l’Évangile. Ça fait des années qu’on cherche, qu’on prie, qu’on se gratte la tête à essayer d’avoir de bonnes idées, d’inventer des nouvelles choses, mais pour l’instant, on a l’impression de ne pas pouvoir avancer, ou bien très difficilement.
Et pour être honnête, moi en tant que pasteur, ça commence à m’angoisser. Surtout qu’à l’heure où je vous parle, eh bien on n’a aucune certitude concernant l’endroit où on pourra se réunir après la fin du mois de juillet ! Alors je ne dis pas ça pour vous inquiéter, mais plutôt pour vous donner un exemple de comment on peut vraiment avoir l’impression d’être démuni devant un obstacle, et de comment ça peut susciter ensuite du stress, de l’angoisse, et à terme peut-être même de la panique, voire même une forme de désespoir où on aurait envie de tout laisser tomber.
Mais vous, peut-être que la question du local de l’Église, ce n’est pas ça qui vous inquiète. Vous, vous êtes peut-être beaucoup plus préoccupé par autre chose—et peut-être pour des raisons beaucoup plus sérieuses. Peut-être que pour vous, l’obstacle insurmontable dans votre vie, devant lequel vous vous sentez impuissant, et qui vous bloque dans vos projets, peut-être même dans votre marche avec Dieu et dans vos progrès dans la foi—peut-être que pour vous, c’est une maladie chronique, ou un handicap, ou une relation brisée, ou un burn-out, ou une dépression, ou des doutes envahissants, ou une ou plusieurs addictions, ou tout simplement un péché habituel dont vous n’arrivez pas à vous sortir.
Et ces choses peuvent vraiment prendre une place très importante dans notre vie. Parfois, il suffit d’une relation abîmée avec une personne de notre entourage, pour qu’on soit profondément atteint par la tristesse et l’abattement. Parfois, il suffit d’une seule douleur invisible mais constante pour que tout notre être en soit affecté et qu’on glisse dans la dépression. Parfois, il suffit d’une mauvaise habitude, d’un péché récurrent, pour qu’on se sente paralysé moralement et spirituellement.
Alors est-ce qu’on peut tous prendre un instant pour réfléchir à ce truc-là qui fait obstacle à nos progrès dans la vie—ce truc-là qui nous pèse, qui nous préoccupe, qui nous ronge peut-être même à l’intérieur ? Parce que le message du texte qu’on va lire dans un instant vise en fait à nous rassurer par rapport à ces choses-là.
On va poursuivre notre étude du livre des Juges—ce livre de l’Ancien Testament qui raconte une période de l’histoire du peuple d’Israël où les Israélites viennent juste d’entrer en terre promise, mais ils n’ont pas dépossédé les anciens habitants de ce territoire qui avaient des pratiques tout-à-fait abominables. Dieu leur avait dit de le faire, mais au lieu de ça, les Israélites ont choisi de laisser un certain nombre de ces peuples cohabiter avec eux—et ce qui s’est passé, c’est que ces peuples méchants, en fait, ont entraîné les Israélites dans leur méchanceté, notamment en les incitant à rendre un culte à des idoles.
Et donc le livre des Juges raconte cette période de l’histoire du peuple d’Israël qui est une période chaotique, où les Israélites n’ont pas de roi, et où ils se détournent très facilement de Dieu pour suivre les pratiques des peuples étrangers environnants.
Et je vous rappelle que cette période de l’histoire d’Israël est racontée à destination, premièrement, des Israélites de l’Antiquité qui ont vécu vraisemblablement peu de temps après cette période. L’auteur de ce texte veut donc leur expliquer ce qui s’est passé pendant cette période de leur histoire, pour qu’ils en tirent instruction pour eux-mêmes. Et donc c’est important pour nous, à notre tour, de comprendre leur contexte si on veut bien comprendre la portée de ce récit.
Le contexte des premiers destinataires, c’était qu’ils avaient un roi, eux, mais par contre, les peuples méchants étaient encore là ; et même leur roi, ce n’était pas un gars parfait, et au sein du peuple d’Israël, il y avait des loyautés divergentes et rivales. Et donc, le contexte des Israélites qui reçoivent ce texte, c’était un contexte où eux aussi faisaient face à des obstacles majeurs, et où ils étaient susceptibles de se sentir totalement intimidés et même dépassés par les difficultés qui les empêchaient d’avancer.
Or le message de ce texte pour eux comme pour nous aujourd’hui, c’est le suivant : certes, ça a l’air insurmontable ce qu’il y a devant nous, mais n’ayons pas peur, parce que si on est croyant, le Dieu de notre histoire est pour nous.
Alors accrochez-vous : j’ai déjà mentionné le fait que le livre des Juges c’est sûrement le livre le plus gênant de toute la Bible, et le texte qu’on va lire aujourd’hui va sûrement vous en convaincre si ce n’est déjà fait. On va découvrir l’histoire de trois juges : Otniel, Éhoud et Chamgar (les juges sont des héros de guerre suscités par Dieu pour secourir les Israélites). Mais à travers leur histoire, essayez surtout de voir pourquoi, si on est croyant, on n’a pas à avoir peur des ennemis ou des obstacles qui sont sur notre route.
Alors on est peut-être face à un mur, ça fait peut-être peur, mais n’ayons pas peur, parce que le Dieu de notre histoire est pour nous, si on est croyant.
Premièrement, Dieu compatit à nos cris. Ça, c’est l’idée principale qu’on doit tirer de l’histoire de ce premier juge—ce premier héros de guerre—dont il est question au début de ce passage (v. 7-11), qui s’appelle Otniel. Otniel, ce n’est pas la première fois qu’on entend parler de lui. Otniel, c’est le neveu (et le gendre) de Caleb, qui lui-même est un héros de l’histoire d’Israël. Otniel avait pris part aux premières conquêtes en terre promise (Jg 1.10-15), et il avait fait preuve d’un engagement héroïque. Donc tout ça pour qu’on se rende compte que le nom d’Otniel doit nous évoquer quelque chose de très positif.
Otniel, c’est donc un héros exemplaire, emblématique, et en fait, toute son histoire ici est emblématique, et elle nous est racontée de manière emblématique. Si vous faites attention à ce qui est dit, vous remarquerez peut-être qu’il n’y a pas beaucoup de détails croustillants qui nous sont rapportés par rapport aux exploits d’Otniel—contrairement à ce qu’on découvrira chez la plupart des autres juges dans le récit (à commencer par Éhoud auquel on va venir dans un instant). La raison, c’est que l’auteur veut sûrement attirer notre attention sur le motif général de cette première histoire de juge, et pas sur les détails, justement.
L’histoire d’Otniel dans notre passage, c’est tout simplement la description initiale d’un motif qui va se répéter plein de fois dans le livre des Juges. Ce motif, c’est le suivant : les Israélites sont infidèles à Dieu ; Dieu les châtie sous la main d’une puissance étrangère ; les Israélites crient à Dieu ; Dieu leur envoie un libérateur qui est appelé un « juge » ; ce juge délivre les Israélites de la puissance étrangère ; et les Israélites connaissent la paix pendant un certain temps. Donc dans notre texte, l’histoire du premier juge est là surtout pour bien asseoir, très simplement, ce motif dans notre esprit.
Mais dans ce motif, ce qui doit nous frapper—et il ne faut surtout pas passer à côté de ça—ce qui doit nous frapper, c’est cette phrase : « Les Israélites crièrent à l’Éternel, et l’Éternel suscita aux Israélites un libérateur qui les sauva » (v. 9), littéralement : « un sauveur qui les sauva », ou « un libérateur qui les libéra » (c’est la racine yasha qu’on trouve dans le prénom Joshua). Au cœur du motif qui se répète dans tout le livre des Juges, il y a la réponse de l’Éternel aux cris des Israélites. Si on regarde le texte, cette réponse est immédiate, et elle est généreuse. Immédiate, parce qu’elle vient tout de suite dans le texte après qu’il est dit que les Israélites crient à l’Éternel, et généreuse parce que la durée de la paix que Dieu accorde par le moyen du juge est cinq fois plus longue que la durée de l’asservissement au méchant roi Kouchân-Richeatayim.
Donc est-ce que vous voyez ce qui se passe dans le texte ? L’auteur veut établir tout de suite dans son récit le motif qui va caractériser cette période de l’histoire d’Israël : le motif de la désobéissance des Israélites en contraste avec la fidélité de Dieu qui n’abandonne quand même pas son peuple. Mais au cœur de ce motif, il y a Dieu qui compatit aux cris de son peuple. Ce sont des gens désobéissants, idolâtres, qui commettent des abominations (j’espère que je n’ai pas besoin de vous rappeler de quoi ça avait l’air, le culte qu’on rendait aux Baals et aux Achéras ou aux Astartés !)—et pourtant, Dieu entend leurs cris, et répond à leurs cris.
Et ça c’est vraiment la première leçon (ou le premier rappel, peut-être) de ce texte pour les Israélites qui le reçoivent en premier, et pour nous aussi qui avons l’impression, parfois, peut-être, d’être livrés à nous-mêmes face aux difficultés qu’on rencontre, et particulièrement quand on se retrouve devant telle ou telle épreuve énorme dans la vie, qui nous fait peur et qui nous fait sentir totalement impuissant : Dieu compatit à nos cris.
Imaginez que vous ayez un enfant, un jeune enfant, qui n’a envie d’en faire qu’à sa tête, qui rejette vos instructions, qui résiste à votre autorité, qui tape des pieds par terre et qui se met en colère contre vous parce qu’il ne veut pas faire ce que vous lui dites. Ça vous attristerait certainement, et vous essayeriez certainement de faire quelque chose pour le corriger et pour le faire progresser dans son comportement et son caractère. Mais imaginez qu’il vous hurle dessus dans sa colère, et qu’il sorte de la maison en claquant la porte. Quelques minutes plus tard, vous entendez à travers la fenêtre que votre enfant crie encore, mais cette fois… c’est un cri de détresse. Est-ce que vous l’ignoreriez en disant : « Pff, qu’il se débrouille, il ne veut pas de moi, tant pis pour lui ! » Ou bien est-ce que vous vous précipiteriez dehors pour voir ce qui se passe et pour secourir votre enfant ?
Si nous, on réagirait assez spontanément comme ça pour nos propres enfants… à combien plus forte raison Dieu est-il « sensible » (si j’ose dire) aux cris de son peuple ? Dieu qui, contrairement à nous, n’a pas un milligramme de méchanceté ou d’amertume en lui, Dieu qui aime d’un amour parfait, à combien plus forte raison est-il parfaitement compatissant aux cris de ceux auxquels il s’est attaché lui-même ?
Et je suis sûr que beaucoup d’entre nous, on a encore besoin d’entendre çà aujourd’hui : Dieu compatit à nos cris. On est peut-être stressé, angoissé, apeuré par quelque chose qui se tient sur notre chemin—une maladie, une trahison, un échec, des doutes, une grave dépression—et on ne sait pas comment on va surmonter ça. On se sent démuni et vulnérable, et tout ce qu’on sait faire, c’est crier. Crier intérieurement et silencieusement pour beaucoup d’entre nous—mais ce sont des cris que Dieu entend, et auxquels il compatit.
Peut-être même que ces cris intérieurs, c’est à cause de nos propres péchés qu’on les pousse. On n’en peut plus de ce « corps de mort », comme dit l’apôtre Paul dans le Nouveau Testament. On a encore chuté, et on ne sait franchement pas quoi faire pour obtenir la victoire face à cette addiction au mal (comme j’en parlais récemment)—mais au moins, on peut déjà savoir que Dieu compatit à nos cris. Il compatit à nos cris, parce que même si Dieu nous éprouve et nous corrige pour notre bien, il ne prend aucun plaisir à nos souffrances—c’est complètement l’inverse ! Dieu déteste nous voir souffrir, en fait !
Dès qu’on crie, son oreille se tend. Il n’est pas indifférent. Il n’est pas trop occupé à faire autre chose. La gestion de l’univers n’est pas plus importante pour lui que le cri de détresse d’un de ses enfants.
« Ma voix s’élève à Dieu, et je crie ; ma voix s’élève à Dieu, et il tend l’oreille vers moi. » (Ps 77.2)
C’est déjà super important qu’on s’en rappelle et qu’on en soit convaincu quand on a l’impression de faire face à des difficultés insurmontables.
Donc premièrement, Dieu compatit à nos cris. Deuxièmement : Dieu gagne facilement. Revenons au texte, et là on va découvrir l’histoire d’un deuxième juge. Son nom, c’est Éhoud. Et là, ce qui doit nous frapper, en lisant son histoire, c’est justement qu’il y a tellement de détails qui nous sont rapportés, par rapport à l’histoire d’Otniel qui nous a été racontée juste avant ! Otniel, c’était un récit plutôt générique, comme on l’a dit. Pas beaucoup de détails croustillants, même pas du tout. On a compris que son histoire avait une portée emblématique (on dirait peut-être programmatique ou paradigmatique).
Mais là, l’histoire d’Éhoud, c’est plein de détails croustillants, ou je devrais plutôt dire : pas très ragoûtants ! On les passe en revue vite fait ?
Avant de faire ça, juste prenons le temps de remarquer les versets 12 et 15 : « Les Israélites firent encore le mal aux yeux de l’Éternel » (v. 12), et « Les Israélites crièrent à l’Éternel, et l’Éternel leur suscita un libérateur, Éhoud » (v. 15). Donc vous voyez le motif qui a été établi au préalable, qui se répète ?
Et je veux aussi que vous remarquiez autre chose, c’est le verset 13, où il est précisé que les Israélites ont été « dépossédés » de la « ville des palmiers », et il faut savoir que ça désigne Jéricho, la première ville qui a été conquise par les Israélites quand ils sont arrivés en terre promise et qu’ils ont traversé le Jourdain avec Josué. Donc l’auteur nous souligne ici la gravité de la situation—conséquence de la désobéissance des Israélites à Dieu. Mais dans l’épreuve, ils crient à l’Éternel, et l’Éternel leur suscite un sauveur : Éhoud.
Et ce Éhoud, quelle histoire ! Regardons tous les détails de cette histoire. Il est gaucher, et c’est important de le savoir, parce que ça veut dire qu’il va pouvoir dissimuler son épée du côté opposé de là où on serait normalement susceptible de dissimuler une épée (v. 16). C’est une épée courte, qu’on appellerait plutôt un glaive si on était à l’époque des Romains. Le roi des méchants s’appelle Églôn et il est très gros—ce qui amène un petit côté ridicule dans l’histoire. Éhoud se fait inviter chez lui pour lui offrir un cadeau, ce qui est normal pour un peuple qui a été asservi. Mais après lui avoir offert son cadeau, il lui dit qu’il veut lui dire un secret. Le gros Églôn a trop envie de savoir ce que c’est, alors il dit à tout le monde de sortir. Éhoud lui dit : « Ce que j’ai pour toi, c’est la parole de Dieu. –Ah bon ? Vas-y, dis-moi, c’est quoi ? –Oui, oui, la parole de Dieu, si tu vois ce que je veux dire, c’est l’épée de l’Esprit, tiens, voilà le message de Dieu pour toi, ennemi d’Israël ! »
Et donc Éhoud lui plante l’épée dans le ventre, un ventre qui est si enveloppé de graisse que l’épée disparaît tout entière dedans, et je ne préfère pas vous dire exactement ce que la fin du verset 22 veut probablement dire (mais si vous voulez me demander après le culte, je vous dirai, et si vous êtes mineur, demandez d’abord l’autorisation à vos parents !).
Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Éhoud ferme à clef la chambre du roi, et il s’échappe par une autre sortie. Le temps passe, et les serviteurs commencent à s’étonner que le roi ne donne pas signe de vie, mais bon, ils ont un peu l’habitude que le gros Églôn passe beaucoup de temps aux toilettes à « se couvrir les pieds » (v. 24). Il faut dire que l’obésité, ça peut entraîner pas mal de problèmes gastro-intestinaux !
Mais quand même, une heure ou plus aux toilettes ça reste très long même pour Églôn qui en plus, n’avait, à cette époque, pas de smartphone pour lui faire perdre du temps aux toilettes, et donc les serviteurs prennent leur courage à deux mains et risquent leur vie en pénétrant dans la chambre du roi malgré le verrou qui était fermé. Et « voici que leur seigneur était étendu par terre, mort » (v. 25) Après quoi, le récit nous rapporte le combat triomphal des Israélites contre les Moabites sous la conduite d’Éhoud, avec cette conclusion lapidaire qui résume tout l’épisode : « En ce jour, Moab fut humilié sous la main d’Israël » (v. 30).
Alors vous voyez, c’est un peu gênant comme histoire. Mais c’est exactement ça qu’on doit retenir ! C’est gênant et c’est humiliant pour les Moabites. C’est humiliant pour Églôn, le gros roi qui n’a pas fait le poids, si j’ose dire !
En fait, ce qu’on a ici, c’est tout simplement un récit qui vise—tenez-vous bien—à dédramatiser les épreuves pourtant terribles auxquelles le peuple de l’Éternel est confronté. Il y a une double réalité ici : à la fois la réalité des cris de détresse des Israélites qui sont opprimés, et en même temps la réalité du rire de ceux qui lisent ce récit et qui se rappellent comment Dieu a ridiculisé son adversaire—le roi Églôn le gros et les Moabites.
En fait, cette histoire est là, et elle est racontée de cette manière, pour faire comprendre aux Israélites qui relisent leur histoire, et pour nous faire comprendre à nous aussi aujourd’hui, que Dieu gagne facilement. Les Israélites l’ont échappé belle, mais Dieu n’a pas gagné de justesse. Vous comprenez ?
En ce moment, on est en plein dans le tournoi de tennis de Roland Garros. Et beaucoup de matches peuvent être très serrés. À la fin du match, les deux joueurs sont en sueur, et celui qui gagne est tellement soulagé qu’il tombe par terre, parfois. On voit que le vainqueur est vraiment content. Surtout en finale. Mais dans notre texte, ce n’est pas du tout ça. Dieu gagne facilement. En fait, tellement facilement, que tout en terrassant Églôn le gros, Dieu se permet de faire des blagues. Ou en tout cas, il se permet d’inspirer l’auteur de ce texte pour qu’il fasse des blagues et pour qu’il raconte ça de manière humoristique et sarcastique.
À la fin de cette histoire, Dieu n’a pas versé une seule goutte de sueur. Il n’est pas fatigué ou soulagé. Il ne se dit pas : « Ouf, j’ai réussi de justesse ! ». Il ne prend pas le micro pour féliciter son adversaire après la fin de la partie—ou plutôt, si, il le prend le micro, et il dit : « Je tiens à féliciter Églôn pour son talent énorme. Il a vraiment réalisé un gros match. Tout le monde a pu voir qu’il en avait dans le ventre ! »
Vous voyez, Dieu est tellement détendu qu’il raconte ça avec humour. Et nous, en lisant cette histoire vraie, racontée de cette manière, on est incité à dédramatiser à notre tour les épreuves qu’on traverse. Parce qu’aucune de nos épreuves n’impressionne Dieu, en fait.
Dieu gagne facilement. Il compatit à nos cris (parce qu’il s’est attaché à nous si on est croyant), et il gagne facilement (parce qu’il est tout-puissant et que rien ne lui résiste). Oui, on fait face à des obstacles et à des ennemis, mais : « Il rit, celui qui siège dans les cieux, le Seigneur se moque d’eux » (Ps 2.4). Rien ni personne ne fait peur à Dieu, donc nous non plus, n’ayons pas peur. L’épreuve qui est devant nous ne reste là, en travers de notre chemin, que parce que Dieu veut qu’il en soit ainsi, pour l’instant.
Apprenons à nous représenter nos épreuves sous les traits d’Églôn le gros. Il en impose peut-être, mais en réalité, il ne fait pas le poids devant notre Dieu.
Surtout qu’il y a un troisième point : Dieu est toujours capable. Ce que je veux dire par là, c’est que Dieu n’est jamais à court d’idées ou de moyens pour intervenir dans les situations qu’on traverse et pour nous en délivrer. Il n’y a jamais de situation où Dieu se dit : « Oh, ben là franchement, je sèche. Je ne vois vraiment pas ce que je pourrais faire. C’est triste pour Alex, mais vraiment, là, je pense que c’est fichu pour lui ! »
Regardez notre troisième juge. Chamgar ! Et qu’est-ce qui nous frappe quand on découvre son histoire ? Encore une fois, c’est le contraste avec l’histoire qui précède : un seul verset pour nous parler de Chamgar ! Mais justement, d’un point de vue littéraire, c’est super intelligent ce que fait l’auteur. Il en dit très, très, très peu sur Chamgar, pour justement grossir le peu qu’il dit. Et il y a deux choses en particulier qu’il nous dit sur Chamgar.
D’abord son nom. Et on ne s’en rend peut-être pas compte, nous, mais il se trouve que Chamgar, ce n’est probablement pas le nom d’un Israélite. En fait, Chamgar fils d’Anath, ça fait peut-être même référence au nom d’une déesse cananéenne qui s’appelait Anath. Donc ça c’est la première chose : voici un juge que Dieu a suscité comme sauveur pour les Israélites, qui n’est peut-être même pas israélite, et qui est peut-être même d’une origine tellement païenne qu’il porte comme nom de famille le nom d’une idole païenne ! Ce qui sous-entendrait, bien sûr, que ce Chamgar, à un moment donné, se serait vraisemblablement converti à la religion d’Israël. Un peu comme Jéthro, le beau-père de Moïse, le Madianite converti à l’Éternel (Ex 18), ou encore, un peu plus tard dans l’histoire, Ruth la Moabite, la belle-fille de Naomi, convertie elle aussi à l’Éternel.
La deuxième chose qui nous est précisée sur Chamgar, c’est l’arme qu’il a utilisée pour terrasser 600 Philistins : un aiguillon à bœufs. C’est-à-dire un outil d’agriculteur, en fait, qui ressemblait à un long bâton avec une pointe qu’on utilisait pour piquer (délicatement) les bêtes de trait (les bœufs) pour les faire avancer avec leur attelage. Donc ça, c’est ce que Chamgar a utilisé pour combattre et vaincre une petite armée de Philistins !
L’auteur n’en dit pas beaucoup, pour en dire beaucoup. En zoomant sur ces deux informations, en fait, en un seul verset, on se dit : « Wouah, c’est totalement improbable ! » Vous comprenez ? L’idée, c’est tout simplement la suivante : c’est que Dieu emploie des moyens inattendus ! Les Israélites ont besoin d’être secourus, ils crient à l’Éternel (c’est sous-entendu dans le motif qui a déjà été établi et qui est sous-jacent dans tout le livre des Juges), et Dieu n’a peut-être sous la main qu’un ancien adorateur d’Anath avec un aiguillon à bœufs—qu’à cela ne tienne, Dieu est toujours capable !
Et donc c’est un peu bête, mais ce petit verset, là, il vise à nous rassurer, lui aussi ! Il vise à nous rappeler que Dieu nous dépasse tellement en puissance et en intelligence qu’il est carrément capable de nous surprendre par la manière dont il va sauver son peuple. Qui l’eût cru ? Un Benjaminite gaucher avec un glaive caché dans son pantalon. Un païen converti avec un aiguillon à bœufs. Et un peu plus tard : deux femmes, Déborah et Yaël parce que les gars avaient trop peur d’y aller tout seuls ; et plus tard encore Samson, un gars qui aimait le heavy metal et les femmes païennes, et qui a tué mille bonhommes avec la mâchoire d’un âne !
Improbable ! Et que dire de Ruth, justement, la Moabite qui s’est convertie et qui est devenue l’arrière-grand-mère du roi David ? Et que dire du roi David, un petit berger poète et musicien, qui va finalement gagner des victoires militaires énormes en faveur d’Israël ?
Improbable ! Mais surtout, que dire, bien plus tard encore, de ce charpentier galiléen, descendant de David, acclamé par la foule à son arrivée à Jérusalem sur le dos d’un âne, mais quelques jours plus tard trahi et abandonné de tout le monde, cloué à une croix avec une couronne d’épines sur la tête—et qui pourtant, précisément par son humiliation et par son agonie, a réalisé la délivrance suprême de tous ceux qui se confient en lui ? Qui l’eût cru ?
Dieu qui emploie des moyens tellement inattendus pour sauver son peuple, qu’il se déplace lui-même en s’incarnant en la personne de Jésus (Yeshouah), le Sauveur qui sauve ! Qu’il prend la condition d’un Israélite lui-même ! Qu’il vit la vie d’un homme et qu’il obéit lui-même humblement à sa propre loi ! Qu’il va jusqu’à prendre sur lui le châtiment des fautes de ceux qu’il veut délivrer et sauver, et qu’il souffre sur la croix alors qu’il n’a rien fait pour le mériter, et que c’est nous qui le méritions !
Dieu qui emploie des moyens tellement inattendus qu’il se laisse ensevelir après sa mort, et qu’il ressuscite avec puissance le troisième jour—parce que Dieu est toujours capable ! Dieu est capable d’accorder le salut même dans les pires situations, non seulement parce qu’il l’a montré à de maintes reprises tout au long de l’histoire des humains, mais surtout parce qu’il l’a prouvé une fois pour toutes par la venue et l’œuvre de Jésus-Christ, sa vie, sa mort, sa résurrection, son ascension dans le ciel, et le déversement de son Esprit dans le cœur de tous ceux qui se confient en lui.
Et un jour, Jésus reviendra, et ce jour-là, tous ceux qui croient en lui et qui plient aujourd’hui sous le poids des fardeaux, seront définitivement délivrés—et tous ceux qui seront encore incrédules seront forcés de reconnaître sa puissance et sa gloire.
Vous voyez ? Chamgar nous parle de Jésus. Et en fait, Éhoud et Otniel aussi nous parlent de Jésus. Et si vous vous rappelez bien, je vous avais dit que toute la moralité du livre des Juges, c’était qu’on se regarde dans le miroir et qu’on fuie vers Jésus-Christ. Parce que le livre des Juges nous parle de ce qui ne va pas en nous—et c’est la même chose que ce qui n’allait pas pour les Israélites de cette époque, et pour les Israélites de l’époque où ce récit a été écrit et qui reçoivent le premier ces textes.
Ce qui ne va pas, c’est qu’on se détourne si facilement de Dieu. Ce qui ne va pas, c’est qu’on est des êtres déchus, et qu’on vit dans un monde déchu. Et donc on fait le mal, on se fait du mal, on fait du mal aux autres et les autres nous font du mal, et le monde nous fait du mal, et le diable nous fait du mal—et des fois, on se sent tout simplement dépassé.
Des fois, on se retrouve devant des obstacles qui nous semblent insurmontables. On a l’impression d’être coincé, et on n’est pas sûr que ça vaille le coup de continuer. Pour les Israélites : des peuples environnants qui leur font la guerre, qui les entraînent vers l’idolâtrie, et en même temps des rivalités internes qui divisent le peuple de Dieu.
Pour nous, ce serait plutôt : une maladie grave, handicapante ou invalidante. Une relation précieuse qui a été abîmée ou perdue. Une dépression nerveuse, un épuisement physique ou psychique. Des doutes qui nous envahissent et qui nous conduisent au désespoir. Des comportements à risque, des addictions, des péchés récurrents… Ou bien une impasse au niveau professionnel. Un flou total par rapport à notre avenir. Un local qu’on cherche pour notre Église depuis des années, et qu’on ne trouve pas…
Et ça nous pèse, ça nous préoccupe, ça nous ronge peut-être même à l’intérieur. Ça nous angoisse peut-être. Ça nous paralyse. Ça nous fait peur.
Mais ce texte est là pour nous dire : « N’ayons pas peur » ! Certes, ça a l’air insurmontable ce qu’il y a devant nous, mais n’ayons pas peur, parce que si on est croyant, si on place notre confiance en Jésus—le Sauveur que Dieu a suscité pour nous sauver—eh bien si notre foi est en Jésus, alors Dieu est pour nous. Le Dieu qui gouverne notre histoire est pour nous. Notre Dieu compatit à nos cris ; notre Dieu gagne facilement, et notre Dieu est toujours capable.
Puisque notre Dieu compatit à nos cris, exprimons nos cris à Dieu. On peut parler à Dieu sans aucune honte. On peut pleurer avec Dieu. On peut lui dire ce qu’on pense. On peut ne pas lui dire ce qu’on pense, parce que peut-être qu’on n’arrive pas à trouver les mots—et il nous comprend quand même parfaitement ! Il compatit parfaitement à nos cris. Si on est attaché à Jésus par la foi, Dieu nous aime sans réserve. On est précieux pour lui. Il nous chérit. On est la prunelle de son œil (Ps 17.8 ; Dt 32.10). Est-ce qu’on peut se rappeler un peu plus souvent que Dieu nous aime comme ça ? Il ne boude jamais, il ne nous repousse jamais, il ne nous dit jamais : « Attends une minute, je suis trop occupé pour t’écouter, là ! » Il est toujours proche de nous, attentif, intéressé, investi, et miséricordieux. Toujours !
Et puisque notre Dieu gagne facilement, remettons-lui la bataille. Laissons-le combattre pour nous. Laissons-le porter nos fardeaux, puisque c’est ce qu’il veut ! « Déchargez-vous sur lui de tous vos soucis, car il prend soin de vous » (1 Pi 5.7), nous dit l’apôtre Pierre. Dédramatisons nos épreuves et regardons-les, nos épreuves, sous les traits d’Églôn le gros. Elles ne font pas le poids, nos épreuves, face à Dieu. Elles nous font peur, à nous, certes, et on se sent tout petit et on est intimidé devant nos épreuves—mais si on est en Jésus-Christ par la foi, eh bien notre Dieu c’est le Dieu de l’univers, c’est le Dieu infini, tout-puissant, irrésistible, qui se rit de ses ennemis, et donc de nos ennemis, et il est vraiment avec nous ! Il gagnera cette bataille, c’est sûr, un jour ! Le match est plié d’avance !
Et justement, puisque notre Dieu est toujours capable, ne baissons pas les bras. Ne perdons pas courage. N’ayons pas peur. Dieu est toujours capable de déployer des moyens inattendus pour nous délivrer. Il peut dès demain intervenir de manière surnaturelle dans notre vie pour nous accorder ce qu’on lui demande—alors n’arrêtons pas de lui demander l’impossible à nos yeux ! Mais même s’il ne nous l’accorde pas dès demain, cette délivrance, on peut quand même continuer de marcher par la foi vers l’avenir qu’il a préparé pour nous ses enfants. Un avenir où toute peine sera consolée, où toute injustice sera corrigée, et où tout péché sera aboli. On est sûr d’y arriver, à cette destination, non seulement parce que Otniel, Éhoud et Chamgar sont venus comme des exemples du salut que notre Dieu compatissant accorde généreusement à son peuple, mais surtout… parce que une fois pour toutes, « lorsque les temps furent accomplis », Jésus le juge-sauveur-libérateur ultime est venu pour nous, il a vécu pour nous, il est mort pour nous, il est ressuscité pour nous, et il est monté au ciel pour nous, pour nous préparer une place dans la maison du Père.