Selon vous, qu’est ce qui menace votre foi, votre persévérance, ou votre fidélité dans la vie de disciple de Jésus-Christ ?
Il existe des dangers qui sont extérieurs à nous et sur lesquels nous ne pouvons pas agir. On ne peut pas empêcher quelqu’un de nous faire du mal, on ne peut pas empêcher quelqu’un de nous calomnier ou de nous faire douter, on ne peut pas empêcher le diable de nous tenter et de rôder autour de nous comme un lion rugissant cherchant à nous dévorer (voir 1 Pierre 5.8).
Mais il existe aussi des dangers qui proviennent de l’intérieur. Et il me semble que ces menaces pourraient être encore plus dangereuses car elles peuvent se tapir dans l’ombre, dans les recoins de notre cœur, dans les méandres parfois compliqués de nos personnalités ou dans notre mauvaise compréhension de l’évangile ou de notre mission en tant que chrétien. Ces dangers internes peuvent nous faire dévier, et constituer à terme un péril fatal pour notre foi, et c’est ce que nous allons voir dans le début du chapitre 17 de l’évangile de Luc.
Dans le passage qui précède celui que nous allons étudier, Jésus avait rappelé à ses auditeurs, à travers la parabole de l’homme riche et de Lazare, que les Ecritures étaient suffisantes pour notre foi. En Luc 16.19-31, nous lisons : « Ils ont Moïse et les prophètes, qu'ils les écoutent. […] S'ils n'écoutent pas Moïse et les prophètes, ils ne se laisseront pas persuader quand même quelqu'un des morts ressusciterait ». Jésus relativisait ainsi le rôle des miracles (même une résurrection) face à la révélation suffisante de Dieu aux fils des siècles, qui est à présent réunie en un seul livre : la Bible. Cette révélation écrite est suffisante pour susciter la foi, lorsqu’elle est éclairée par l’œuvre du Saint-Esprit, qui illumine notre intelligence pour la comprendre. Dieu peut aussi se révéler par d’autres moyens s’il le souhaite, et les miracles ne sont pas inutiles, mais Jésus renvoie ainsi la responsabilité à ses auditeurs. C’est à eux à prendre garde aux écritures. Et il continue dans le passage qui va nous intéresser en mettant en garde les disciples face aux dangers qui les guettent.
C’est pour cela que j’ai intitulé cette prédication « Prenez garde à vous-mêmes ». Et ce n’est pas un titre très original puisque c’est ce que Jésus leur dit au verset 3. Prendre garde est une expression qui signifie : « sois vigilant, sois sur tes gardes, fais attention ! » Jésus nous invite à prendre garde à notre cœur, face aux dangers qui nous guettent. Nous allons le décliner en trois parties :
v. 1-4 : Prenez garde aux autres
v. 5-10 : Prenez garde à votre foi
v. 11-19 : Prenez garde à votre reconnaissance
Cette première invitation qui est de prendre garde aux frères et sœurs dans la foi est à comprendre dans le sens de prendre soin de nos frères et sœurs. En tant que chrétiens, nous avons une responsabilité les uns vis-à-vis des autres. Nous devons veiller les uns sur les autres. Notre foi n’est pas seulement personnelle, elle s’inscrit dans un projet d’église, de rassemblement de croyants où nous sommes invités à veiller les uns sur les autres (voir aussi Hébreux 10.24-25). Et Jésus souligne deux aspects qui doivent nous préoccuper : le premier est de ne pas être une source de scandale, pour ne pas être une occasion de chute (v. 1-2) et le deuxième est de savoir exhorter à la repentance et savoir pardonner (v. 3-4).
Et, au milieu de ces deux points, il y a cette invitation à prendre garde à soi-même (v. 3a) car, pour pouvoir prendre soin des autres, il faut premièrement prendre garde à son propre cœur, prendre garde à son humilité, à aimer et à se préoccuper des plus petits, prendre garde à la dureté de son cœur qui ne voudrait pas pardonner.
« Malheur à celui qui provoque la chute de quelqu'un », nous dit Jésus, et particulièrement s’il s’agit d’un petit (v. 2). À l’époque, l’expression « les petits » désignait probablement en premier les enfants car, dans les sociétés antiques, les enfants n’avaient pas de statut, pas de considération ou de pouvoir. Même s’ils sont peut-être plus considérés aujourd’hui, les enfants restent par nature dépendants de leurs parents, plus facilement influençables, plus fragiles que les adultes. Mais cette appellation des petits ne désigne pas seulement les enfants mais aussi toute personne en situation de fragilité physique, psychique, émotionnelle ou spirituelle, toute personne qui ne serait pas estimée dans ce monde, ou qui ne serait pas estimée dans l’église par son manque de connaissance biblique ou sa jeunesse dans la foi par exemple. Jésus nous invite à avoir égard pour ces personnes et à veiller sur notre cœur, sur notre attitude, sur nos propos pour ne jamais être nous-mêmes une source de scandale. Ce terme de scandale désigne tout ce qui amène à faire pécher quelqu’un, à le faire trébucher, à le détourner d’une vie de piété.
Jésus nous demande en fait de ne pas être des conducteurs de bulldozer qui effectueraient leur travail, qui rempliraient à certains égards leur mission mais qui ne se préoccuperaient à aucun moment des petits ouvriers qui travaillent à côté sur le même chantier, et qui en écraseraient de temps en temps au passage par mégarde, tout en se disant que ce n’est pas si grave parce que le bulldozer est tellement plus efficace que ces petits ouvriers avec leurs pelles et leurs pioches. Mais si le prix du travail du bulldozer est la vie d’autres personnes, il aurait mieux valu ne jamais l’utiliser. La peine extrêmement sévère, que Jésus annonce au verset 2, souligne la gravité de la faute commise. Attacher une meule de moulin au cou d’une personne pour qu’elle se noie au fond de la mer était une peine pratiquée par des nations non-juives et réservée aux plus grands criminels. L’horreur de cette sanction est là pour nous faire réagir et nous faire prendre conscience de notre responsabilité vis-à-vis des autres.
Nous ne sommes pas invités à être des bulldozers qui avancent coûte que coûte sans se préoccuper des dommages collatéraux de notre œuvre, de notre ministère, de notre attitude. Bien au contraire, il est extrêmement important de prendre conscience de l’impact de notre comportement, de nos réactions ou de nos choix de vie. Des frères et sœurs peuvent être amenés à succomber à des péchés sexuels à cause de mauvais exemples dans l’église, d’autres pourraient avoir de mauvaises priorités dans leur vie en nous voyant négliger des éléments essentiels de la foi, d’autres encore pourraient se détourner de la foi en voyant le comportement suffisant et hautain de certains chrétiens.
Combien de fois avons-nous prêché un faux évangile par notre comportement ? Combien de fois avons-nous été un contre témoignage ?
Jésus nous invite à être sévère envers soi-même, mais plein de grâce envers ses frères et sœurs. C’est ce qu’il souligne aux versets 3 et 4 en évoquant le pardon à accorder envers quelqu’un qui pèche contre soi mais se repent. On pourrait craindre d’être une pierre d’achoppement mais ça ne devrait pas nous faire craindre de reprendre un frère qui pèche. Au contraire, par amour pour nos frères et sœurs, nous sommes invités à les reprendre avec douceur et avec grâce s’ils commettent un péché évident. Cela ne veut pas dire que l’on doit s’épier les uns les autres pour débusquer les péchés des autres. La parole nous invite à regarder en premier la poutre qui est dans notre œil, plutôt que la paille qui se trouve dans l’œil de notre prochain (voir Luc 6.41-42). Notre premier terrain d’action, c’est notre propre cœur. Mais nous avons tout de même la responsabilité de « veiller les uns sur les autres pour nous exciter à la charité et aux bonnes œuvres » (Hébreux 10.24), et cela passe parfois par le courage d’aller voir un frère ou une sœur, en toute discrétion, pour le conduire à prendre conscience de sa faute et l’amener à la repentance. Et si c’est contre nous qu’il a péché, être prêt à pardonner, pas seulement une fois mais autant de fois que nécessaire. Je ne sais pas si on arriverait à pardonner sept fois la même offense le même jour (v. 4) mais, quand Jésus affirme cela, il faut y voir la même idée que les soixante-dix fois sept fois de Matthieu 18.22, et y voir la générosité et l’absence de limite.
On doit pardonner quel que soit le nombre de fois où la personne pèche et se repent, et ce n’est pas du tout naturel, cela demande un effort de notre part. Mais l'obligation de pardonner, même quand un frère pèche de manière répétée, est basée sur la réalité que Dieu nous a pardonné une dette immense que nous n'aurions jamais pu rembourser (voir Matthieu 18.21-35), et cette dette est celle de notre péché et de notre rébellion envers lui. Et avec Dieu, quel que soit le nombre de nos transgressions, nous avons l'assurance que, si nous confessons nos péchés avec sincérité, « il est fidèle et juste pour nous pardonner et nous purifier de toute iniquité » (1 Jean 1.9). C’est l’exemple de Dieu que nous sommes invités à suivre, comme le souligne Éphésiens 4.32 : « Soyez bons les uns envers les autres, compatissants, vous pardonnant réciproquement, comme Dieu vous a pardonné en Christ. » (voir aussi Colossiens 3.13). Cette capacité surnaturelle à pardonner provient de Dieu lui-même et de l’Evangile.
Plutôt que d’être un bulldozer, on est plutôt invité à être des mamans- poules qui se préoccupent du bien-être des petits qui les entourent, pour qu’ils soient bien nourris et protégés du mal.
Prenons garde à notre cœur, prenons garde à rester humble, prenons garde à aimer notre prochain comme nous-mêmes, en suivant l’exemple que Christ nous a donné, et en suivant cette recommandation de Philippiens 2.3-4:
« Ne faites rien par esprit de parti ou par vaine gloire, mais que l'humilité vous fasse regarder les autres comme étant au-dessus de vous-mêmes. Que chacun de vous, au lieu de considérer ses propres intérêts, considère aussi ceux des autres. »
Jésus encourage ensuite les disciples à prendre garde à leur foi, à la teneur et à la nature de leur foi.
Les disciples ont conscience qu’ils sont incapables par eux-mêmes de satisfaire aux exigences élevées que Jésus vient de présenter. Ils pensent, à juste titre, que la force de pardonner sans limite leur viendra d’une foi qui sera suffisamment grande. Je ne sais pas si vous avez remarqué, les disciples sont appelés au verset 5 les apôtres, ce qui renvoie les douze à leur mission future de témoins de Christ après son départ, après que Jésus aura rejoint son Père dans le ciel. Les douze disciples n’ont pas encore vraiment conscience de la mission qui les attend, mais ils se sentent déjà inaptes à avoir une attitude radicalement différente dans ce monde avec, par exemple, un pardon sans limite.
Aux versets 5 et 6, nous voyons que les disciples ont tout de même conscience que la foi est une véritable puissance pour accomplir leur mission, et ils demandent donc à Jésus d’augmenter leur foi (v. 5), mais Jésus va leur montrer qu’elle est encore plus puissante qu’ils peuvent l’imaginer. « Si vous aviez de la foi comme un grain de sénevé, vous diriez à ce sycomore (ou ce mûrier) : déracine-toi, et plante-toi dans la mer ; et il vous obéirait ». Dans d’autres circonstances, dans l’évangile de Matthieu et de Marc (Matthieu 17.20, 21.21, Marc 11.22-24), Jésus exprime la puissance de la foi avec l’effet du déplacement d’une montagne dans la mer. Nous ne devons pas y voir là un encouragement à demander littéralement que Dieu déracine des arbres et déplace des montagnes dans la mer. C’est une image qui nous montre la puissance surnaturelle de la foi, et cette puissance ne provient pas de la grandeur de la foi mais plutôt de l’objet de la foi : un grand Dieu puissant, qui n’est pas limité dans son action. Vous voyez ce n’est pas de la pensée positive ou de la méthode Coué : ce n’est pas parce qu’on le décrète que la chose arrive, mais parce que la source et l'objet de la foi authentique, même celle qui est faible, c'est Dieu ! Et « rien n'est impossible à Dieu » (Luc 1.37). Nous sommes invités à prier en croyant que Dieu a la puissance de répondre à nos prières, et quel que soit ce que nous demandons, si c’est la volonté de Dieu. Dieu n’est même pas limité par les contraintes physiques du monde naturel. Dieu a fait s’arrêter le soleil dans le ciel à la demande de Josué à Gabaon (Josué 10), Dieu a fait naître un enfant d’une femme de 90 ans (Sarah qui a enfanté Isaac, en Genèse 17.17 et Genèse 21), Dieu a fait naître un enfant d’une jeune fille vierge (Luc 1.31-38). Rien n’est impossible à Dieu !
La graine de moutarde (ou de sénevé) était réputée être la plus petite graine connue. Mais ce n’est pas seulement la petitesse de la graine qui est soulignée au verset 6, mais le fait qu’elle soit vivante. Il n’y a pas besoin que la foi soit grande mais qu’elle soit vivante et agissante. Même une petite graine insignifiante, si elle est vivante, peut produire un arbre énorme, et beaucoup de fruits.
Le virus du Covid est tout petit, et personne ici ne l’a jamais vu de ses propres yeux, mais nous avons tous pu voir et vivre ses effets puissants. Un éléphant n’aurait jamais pu accomplir cela. Ce n’est pas la taille qui compte mais la puissance qui se cache derrière.
Même une foi simple et petite en apparence est puissante. Nous avons dans la Bible des exemples de foi victorieuse parmi ceux qui nous ont précédés : Abraham, Caleb, David, Josaphat, Job, les trois jeunes hébreux dans la fournaise (en Daniel 3.17), Paul, etc. Nous avons des exemples de personnes insignifiantes en apparence mais dont la foi vivante a transporté des montagnes, si bien que l’impact de leur foi exerce une influence encore aujourd’hui et nous inspire.
Jésus nous rappelle la puissance de la foi qui surmonte tous les obstacles apparents, et il continue ensuite avec l’attitude avec laquelle il convient d’accomplir notre mission et de servir notre Dieu (v. 7-10). Il utilise l’image d’un serviteur qui a déjà bien travaillé toute la journée mais qui n’est pas pour autant dispensé de continuer à travailler le soir. Compte tenu de l’ordre hiérarchique, le maître ne doit aucune « reconnaissance à ce serviteur parce qu’il a fait ce qu’il lui était ordonné » (v.8). Le travail d’un serviteur est de servir, sans rien attendre en retour. Florent Pagny rajouterait : « rien que pour le geste, sans vouloir le reste ». Cette illustration que nous lisons de l’obéissance absolue de l’esclave peut nous sembler un peu rude, d’autant plus que le rapport social de maître à esclave n’existe plus de la manière dans laquelle il existait à l’époque. Mais le message de cette parabole est que nos œuvres ou les œuvres de notre foi ne nous octroient aucun mérite. Même la mise en pratique des principes exigeants que nous avons dans les quatre premiers versets ne nous procurent aucune récompense particulière car il s’agit seulement de notre devoir en tant que chrétien. En faisant ce que nous devions faire, nous ne devrions pas en retirer quelque gloire que ce soit.
Prenons garde à notre cœur qui s’enfle si facilement d’orgueil quand nous considérons nos œuvres. Le commentateur Godet l’exprime en disant : « L’orgueil est attaché, comme un ver rongeur, aux racines de la fidélité elle-même ». En effet, notre fidélité et notre ardeur à œuvrer pour Christ peuvent être une source d’orgueil. Moi, je suis fidèle ; moi, je vais à l’église tous les dimanches ; moi, je viens en aide à mes frères et sœurs ; moi, je visite les malades ; moi, je prie tous les jours pour un local pour l’église… Moi, moi, moi !
Le danger est bien réel de finir en ne regardant que son nombril, en se disant que Dieu doit être vraiment fier de nous et qu’il a bien de la chance de nous avoir dans son équipe. Vous voyez comment notre cœur peut facilement être tordu et inverser les rôles.
Un peu de foi peut produire beaucoup de fruits, mais « un peu de levain fait lever toute la pâte » (Galates 5.9) : un peu d’orgueil est une menace immense pour notre foi. Prenons garde à l’orgueil qui peut si facilement grandir en nous. Interrogeons sans cesse nos motivations. Lorsqu’on se sent appeler à accomplir un service au nom de Dieu, dans l’église ou ailleurs, posons-nous toujours la question de nos motivations, que ce soit avant ou pendant notre service. Est-ce que c’est vraiment par amour pour Dieu et pour son prochain et par obéissance à Dieu, ou est-ce que c’est parce que je recherche une place, une visibilité ou un honneur particulier ?
Le danger de l’orgueil augmente bien sûr avec les responsabilités que l’on peut avoir. Tous ceux qui exercent des responsabilités dans l’église, les anciens en premier, doivent veiller sur leur cœur pour toujours se rappeler qu’ils suivent les traces d’un messie-serviteur, qui s’est abaissé, qui s’est humilié, qui s’est rendu obéissant jusqu’à la mort, la mort sur la croix. En Jésus, nous avons l’exemple parfait de celui qui est venu pour servir et non pour être servi. Il a suivi volontairement ce chemin de serviteur de tous pour finalement offrir sa vie en sacrifice pour notre péché, pour que nous puissions être pardonnés, pour que nous puissions recevoir la grâce du souverain juge qu’est Dieu le Père. Et nous sommes sauvés de la perdition, de la condamnation et de la mort éternelle, en vertu de la foi seule, par la grâce seule, en Jésus seul (Sola fide, Sola gratia, Solus Christus).
Jésus souhaite que nous ayons une foi simple, mais vivante, une foi comme celle d’un petit, d’un enfant, qui a bien conscience de sa dépendance et du fait qu’il ne peut rien apporter pour sa subsistance. Tous les soins et la nourriture qu’il reçoit ne sont que grâce, et il n’a strictement rien fait par lui-même pour être au bénéfice de cette grâce que manifestent ses parents.
En nous rappelant que nous sommes des serviteurs inutiles (v.10), nous proclamons que Dieu n’a pas besoin de nous, qu’il est suffisant à lui-même, et que nous ne méritons aucun honneur particulier si nous le servons. Dieu nous a fait grâce en Jésus Christ, et cette grâce nous oblige. Mais notre statut de serviteur ne nous donne aucun droit sur le maître.
Je vais terminer cette partie avec une question qui doit nous faire réfléchir sur le rôle que nous donnons aux œuvres dans notre vie et dans notre salut : si nous mourions demain, que nous nous retrouvions face à Dieu et qu’il nous demandait : « Pourquoi devrais-je te laisser rentrer dans mon paradis ? », que serait sincèrement notre réponse ? Est-ce qu’il y aurait dans notre réponse un peu (rien qu’un peu) de ce que nous avons accompli en son nom sur terre, ou seulement l’œuvre suffisante de Christ ?
C’est une très bonne question à se poser ou à poser à nos amis. Cette question permet de voir quel est l’objet de notre foi : en quoi ou en qui nous mettons notre confiance pour notre salut ? Prenons garde à la nature de notre foi.
Et si vous entendez ce jour pour la première fois le message de l’évangile, cette bonne nouvelle de Jésus-Christ, venu sur terre pour porter nos fautes à notre place, je vous encourage à placer dès maintenant toute votre foi et votre confiance dans l’œuvre suffisante de Christ, pour être pardonné par notre Créateur, pour être réconcilié avec Lui, pour pouvoir vivre l’éternité dans présence, dans son royaume.
Si vous avez déjà fait ce pas de foi dans votre vie, ou si vous avez toujours placé votre foi en Jésus Christ depuis votre plus tendre enfance, Jésus nous invite à présent à prendre garde à notre reconnaissance et c’est notre troisième partie.
La mise en œuvre de notre foi passe par une vie consacrée au service d’un Dieu qui nous a tellement aimés mais elle passe aussi par une vie de reconnaissance. Et l’histoire des dix lépreux est pour nous une leçon de gratitude.
Ce n’est pas une parabole, c’est une histoire vraie. Jésus est Dieu et il a donc le pouvoir de guérir de manière surnaturelle comme il le fait ici. Quand je vous disais que Dieu est au-dessus des lois de la nature, de la physique et de la médecine, nous en avons là un exemple. La lèpre est une maladie mutilante de la peau et comme c’est une maladie infectieuse et donc contagieuse, les lépreux devaient vivre, selon la loi, à l’écart du reste de la population, confinés mais aussi méprisés, car considérés comme impurs. La lèpre était un motif d’exclusion sociale et de pauvreté et il n’était donc pas rare que les lépreux se rassemblent entre eux et tentent de survivre ensemble.
Alors que Jésus se rend à Jérusalem (v.10) pour y donner sa vie, il est abordé par dix lépreux qui savent qu’il a le pouvoir de guérir de toutes les maladies. Jésus a accompli de nombreux miracles au cours de son ministère public ; il a guéri des malades, rendu la vue à des aveugles, et même resuscité des morts (dont Lazare en Jean 11). Sa réputation le précède. Ces dix lépreux l’abordent donc à distance, conformément à la loi (voir Lévitique 13), et crient avec toute leur détresse « Jésus, maître, aie pitié de nous » (v.13). En cela, ils manifestent déjà une preuve de foi en Jésus. Mais Jésus va en quelque sorte mettre à l’épreuve leur foi et leur obéissance à la loi, en leur demandant d’aller se présenter au sacrificateur (au prêtre), avant même d’être guéris. Dans la loi du Lévitique, les lépreux qui étaient guéris devaient faire constater leur guérison, et donc leur pureté retrouvée, par les prêtres et ils devaient ensuite respecter un protocole de sacrifices pour leur purification. La guérison des dix lépreux a été soudaine et clairement visible, mais elle ne s’est produite qu’une fois qu’ils ont obéi à son ordre, et qu’ils se sont mis marche pour aller voir le prêtre. « Pendant qu’ils y allaient, il arriva qu’ils furent guéris » (v.14). Jésus leur a demandé de croire qu’ils étaient guéris avant de pouvoir le voir. C’est un peu un test de foi que Jésus leur a proposé, et ils semblent avoir tous bien réagi au test.
Mais, à la fin, un seul rend gloire à Dieu à haute voix (v. 15), un seul revient manifester sa reconnaissance en se prosternant et en adorant Jésus (v. 16). Et il se trouve que ce n’est pas un juif mais un samaritain, issu d’un peuple qui était méprisé par les juifs et considéré comme des étrangers et des païens. C’est probablement avec tristesse que Jésus constate l’ingratitude de son peuple, le peuple juif. Les autres lépreux devaient certainement être juifs et, dans leur empressement à reprendre une vie normale, ils oublient d’exprimer leur reconnaissance. Encore une fois, il ne suffit pas de voir ou d’expérimenter un miracle pour susciter la foi. Il n’y a pas plus sourd que celui qui ne veut pas entendre. Jésus réalisaient de nombreux miracles mais qui ne produisaient ni la foi ni la piété chez de nombreux membres de la nation juive, car le problème venait de leur cœur qui ne voulait pas reconnaitre l’autorité, la seigneurerie et la divinité de Christ, même si celui-ci resuscitait un mort ! Le problème vient de leur cœur incrédule.
Imaginez que vous êtes un grand connaisseur de peinture et que vous êtes fan de peinture classique, mais que vous n’avez jamais visité le Louvre et là, je vous propose de venir en visite privée, et je vous emmène voir le tableau le plus célèbre, et vous me suivez car vous êtes très excité de le découvrir en vrai. Vous savez que La Joconde est exposée dans la salle appelée salle des États, et vous vous y trouvez à présent, en face de ce chef-d’œuvre, mais brusquement, vous n’êtes plus intéressé par la visite, vous me dites que ce n’est pas le vrai tableau, que c’est une copie, et vous repartez sans même me dire merci de vous y avoir emmené. C’est impensable et illogique comme réaction alors que toutes les circonstances étaient réunies et conformes à ce que vous pouviez attendre et désirer.
Mais alors que penser de ces neufs lépreux ingrats qui ont tout de même eu un début de foi en Jésus ? Que penser de cette foi ? Il ne s’agissait probablement pas d’une vraie foi qui sauve. Les dix lépreux ont reçu une guérison corporelle, mais seul le samaritain a reçu cette parole : « ta foi t’a sauvé » (v.19), ce qui suggère que sa foi l’a conduit à un salut spirituel. Les neuf autres voulaient bien d’un sauveur en apparence, mais ils ne voulaient pas d’un seigneur.
Voici ce que dit Calvin de cette ingratitude :
« C'est une maladie par trop commune, que quand la nécessité nous presse, nos esprits s'élèvent à chercher Dieu. Et aussi le Seigneur nous sollicite à cela par un instinct secret de son Esprit, mais après que nous avons eu ce que nous demandions, il y a en nous un oubli plein d'ingratitude qui étouffe ce sentiment de piété. Ainsi par ce moyen, indigence et faim engendrent la foi, mais abondance l'éteint après. » (Commentaire biblique, L’harmonie évangélique, volume II, p.254).
Prenons garde que notre foi ne soit pas seulement intellectuelle, mais qu’elle soit empreinte d’une profonde reconnaissance et d’une adoration révérencieuse de Dieu. Je vous propose à nouveau une mise en situation hypothétique : si Jésus venait à apparaître devant nous en cet instant, dans son corps ressuscité. Quelle serait notre réaction ?
Si vous n’avez pas cru en lui, il s’agira probablement d’une grande crainte, d’une affliction, d’une honte d’avoir négligé son œuvre et le salut qu’il offre, malgré les preuves de son existence, malgré les récits de ses enseignements (dans les évangiles), malgré les preuves historiques de sa mort et de sa résurrection. Probablement une grande honte.
Pour ceux qui ont placé leur confiance en lui pour leur salut, et qui professent la foi chrétienne, comment se manifestera notre attitude et l’expression de notre reconnaissance ? Est-ce que ce sera un merci un peu léger en mode : « Merci c’est cool ce que tu as fait » ? Ou s’agira-t-il d’un transport de joie et d’allégresse qui nous amènera à nous prosterner, à tomber, comme ce lépreux, sur notre face (v.16) en signe d’adoration, de soumission et de respect ?
Une autre leçon tirée de cet épisode, que je trouve intéressante pour nous, c’est de constater que l’œuvre miraculeuse que Christ a accomplie n’a produit que 10% de fruits, si on considère que le fruit est une foi vivante et authentique. Cela doit être un encouragement pour nous quand l’on considère le peu de fruits apparents de notre ministère ou notre témoignage. Pour autant, nous sommes invités en Galates 6.10, « pendant que nous en avons l'occasion, pratiquons le bien envers tous, et surtout envers les frères en la foi. ». Mais aussi envers tous, sachant que le fruit risque d’être bien maigre. Combien de conversions avez-vous déjà vues dans votre entourage par votre témoignage et par l’amour que vous avez pu manifester ? Pour être honnête, je pense qu’il faudrait que je réponde zéro en ce qui me concerne. C’est humiliant, mais en même temps ça nous évite de nous enorgueillir, n’est-ce pas ? Mais pour autant cela ne doit pas nous rendre timide, et frileux. Bien au contraire. Soyons des bénédictions pour les gens qui nous entourent, quel que soit le fruit spirituel que nous verrons chez eux.
Nous arrivons à la fin de cette prédication qui je l’espère aura éveillé notre esprit envers certains dangers qui menacent notre foi. J’espère que notre intelligence et notre conscience sont à présent en alerte et que nous sommes prêts à prendre garde à notre cœur, à prendre garde à notre humilité, à prendre garde à cultiver notre amour pour les frères, à prendre garde à ce que notre foi soit toujours alimentée, nourrie, vivifiée par une vie de piété, par une intimité dans la relation avec Dieu, par une communion fraternelle authentique qui nous excite à l’amour et aux œuvres bonnes, par une contemplation constante de l’œuvre de Jésus Christ, pour que notre foi soit toujours empreinte de soumission, de respect, de reconnaissance, et d’adoration de notre grand Dieu, de son fils Jésus-Christ notre Seigneur et du Saint Esprit qui habite à présent dans nos cœurs.