Qui parmi nous a déjà eu ce genre de pensée ? « Ma foi est tellement petite et fragile que ce n’est pas possible que Dieu fasse de grandes choses dans ma vie, pour moi ou à travers moi. Ma foi est tellement petite et fragile, qu’en fait, je ne vaux pas grand-chose en tant que chrétien. Je suis un croyant assez médiocre. Je suis un chrétien de seconde zone. Ma foi est tellement petite et fragile, que si ça se trouve, ce n’est même pas vraiment de la foi ! Si ça se trouve, je me berce d’illusions et je ne suis même pas vraiment un croyant ! »
Vous avez déjà eu ce genre de pensée ? Vous avez déjà trouvé que votre foi était ridiculement petite ? Vous vous êtes déjà comparé à des héros de la foi, comme George Müller, Jim Elliott, Martin Luther, Sainte Blandine, Tim Keller, et en y pensant, vous vous êtes dit : « Mais je suis qui, moi, avec ma mini-foi, mes doutes incessants, ma paresse spirituelle, ma tiédeur intérieure, ma mauvaise humeur, mon cynisme, mon désenchantement, mon ingratitude, mes péchés récurrents ? Sur l’échelle de la foi, je suis un(e) gros(se) nul(le) ! » Et si vous avez ce genre de pensée, est-ce que ça vous rend malheureux, parfois ?
Alors si vous vous retrouvez dans ce que je décris, eh bien sachez que vous n’êtes pas seul ! En fait, si on devait faire un sondage ce matin, je suis prêt à parier que la grande majorité d’entre nous, on trouve que notre foi est trop petite, et on en éprouve une certaine honte à l’intérieur. Ça tombe bien, on va parler de ça aujourd’hui.
Alors certes, peut-être qu’il y en a parmi nous qui ne se posent pas ce genre de question, tout simplement parce qu’ils n’ont pas du tout la foi. Peut-être que c’est votre cas, et que vous êtes venu ce matin par curiosité, ou par amitié pour un croyant qui vous a invité ici, et je tiens à vous dire avant tout qu’on est super heureux que vous soyez là. Mais je tiens aussi à vous dire que le sujet qu’on va aborder ce matin va vous intéresser, parce que même si vous ne souffrez pas consciemment d’avoir une foi trop petite (puisque vous n’avez pas la foi !), vous allez quand même entendre parler ce matin de ce que ça voudrait dire d’avoir la foi au sens chrétien. Et honnêtement, ma prière, c’est que ça vous donne envie !
Quoi qu’il en soit, toute la leçon du passage de la Bible qu’on va lire dans un instant, c’est la suivante—si je peux me permettre de dire les choses le plus simplement possible : la faiblesse de notre foi ne pose aucun problème à Dieu.
On poursuit aujourd’hui notre étude du livre de la Bible qu’on appelle le livre des « Juges ». Les « juges », ce sont des gens que Dieu a suscités à une certaine époque de l’histoire d’Israël, dans l’Antiquité, quand les Israélites habitaient en terre promise mais qu’ils n’avaient pas encore de roi pour régner sur le pays. Et pendant cette période, les Israélites se détournaient tout le temps de Dieu, et ils se mettaient à servir d’autres dieux (des faux dieux). Alors le vrai Dieu les éprouvait par des invasions ennemies, et une fois que les Israélites n’en pouvaient plus, ils se mettaient de nouveau à prier le vrai Dieu—l’Éternel—et celui-ci leur envoyait immédiatement un héros de guerre pour les libérer—quelqu’un qu’on appelait un « juge ».
Et donc dans le passage qu’on va lire, on va découvrir un épisode particulier de cette période de l’histoire d’Israël (environ 1200 ans av. J.‑C.). Mais ce que je veux que vous remarquiez, dans quelques instants quand on va lire ce texte, c’est la difficulté qu’on a en tant que lecteur à vraiment discerner qui est le héros humain de cette histoire. Le rôle normalement attribué au libérateur va être « réparti » entre trois personnes, dont deux femmes. Et ce qu’on va voir tout-à-l’heure, c’est que cette particularité est là pour souligner, d’un côté, qu’il y a un problème de fragilité de la foi chez les Israélites, et de l’autre autre côté, que ça, ça n’empêche absolument pas Dieu d’accomplir le salut de ces mêmes Israélites.
La première chose que ce texte veut nous faire comprendre, c’est que Dieu ne méprise pas ceux qui ont une toute petite foi ; au contraire, il vient se tenir à leur côté pour les soutenir. On dit parfois en théologie que Dieu « condescend » à notre faiblesse en tant que croyants, c’est-à-dire qu’il ne nous repousse pas parce qu’on ne serait pas assez fort pour lui. Au contraire, il vient vers nous, il nous rejoint là où on est, et il nous donne son secours.
Ma foi est faible, mais Dieu est miséricordieux !
Regardez ce qui se passe dans le texte. Normalement, si vous avez bien suivi cette étude sur le livre des Juges, vous avez dû être très surpris dès le début de cette histoire ou presque. Au début, on a des choses très ordinaires qui se passent (dans le contexte) : « Les Israélites firent encore ce qui est mal aux yeux de l’Éternel » (v. 1), et donc l’Éternel va les éprouver par la main d’un roi païen méchant (Yabîn), et donc les Israélites vont crier à l’Éternel sous l’effet de cette oppression (v. 3). Mais d’habitude, qu’est-ce que le texte dit à ce moment-là ? D’habitude, le texte dit : « Les Israélites crièrent à l’Éternel, et l’Éternel leur suscita un libérateur, un tel, qui les sauva » (cf. Jg 3.9 ; 3.15).
Mais ici, le texte ne dit pas ça. Personne ne se lève tout de suite, dans le texte, pour être le libérateur d’Israël. À la place, on a une grosse surprise. Une femme, Débora, est prophétesse à cette époque-là, et elle siège en Israël pour prononcer le droit auprès de ceux qui la sollicitent. Et c’est elle qui va appeler un gars qui s’appelle Baraq pour lui transmettre un ordre de la part de Dieu : il doit partir faire la guerre au roi Yabîn et au chef de son armée qui s’appelle Sisera.
Et là, deuxième grosse surprise ! Baraq hésite. Baraq n’accepte pas tout de suite l’appel de Dieu. Baraq dit : « OK, mais viens avec moi, s’il-te-plaît, Débora. » Et Débora accepte, mais le texte insiste bien sur le fait que c’est un petit peu humiliant cette histoire pour Baraq. Débora lui annonce que l’Éternel « vendra Sisera aux mains d’une femme » (on ne sait pas encore qui ce sera, cette femme, alors on suppose que ce sera Débora), et ensuite le texte dit : « Débora se leva et se rendit avec Baraq à Qédech », et encore au verset suivant : « une dizaine de milliers d’hommes montèrent sur ses pas, et Débora monta aussi avec lui ».
Je veux bien que vous compreniez que l’image qu’on a, ici, c’est celle d’un gars qui a été appelé à être un chef de guerre, mais qui va à la guerre en tenant la main de sa maman, si j’ose dire ! On est vraiment censé être frappé par le contraste entre Baraq et les trois libérateurs qui l’ont précédé dans le texte : Otniel, Éhoud et Chamgar. L’avenir d’Israël, ici, est suspendu à la bonne volonté d’un gars qui a un peu peur, et qui lui-même est suspendu à la présence d’une femme pour l’encourager et le rassurer.
C’est une image, en fait, de la précarité de la foi d’Israël à ce moment-là de son histoire.
Alors attention, le but du texte, ce n’est pas qu’on se dise : « Ah ouais, quand même. Quand on se retrouve à dépendre des femmes, alors c’est vraiment la lose ! » Comme si l’intention du texte était principalement de nous dire quelque chose sur les femmes, ou sur le rapport entre les hommes et les femmes dans le plan de Dieu. Pas du tout. L’intention du texte ici, est de nous dire quelque chose sur notre foi et sur le rapport de Dieu avec notre foi.
Et Débora, dans notre texte, représente quelque chose d’extrêmement positif pour nous. Elle représente le secours que Dieu nous offre dans la faiblesse de notre foi. Elle représente la miséricorde de Dieu envers nous qui sommes fragiles.
Baraq a une petite foi. Israël a une petite foi. Et Dieu leur donne Débora pour leur tenir la main. Et ça, en réalité, il ne faut pas le voir comme quelque chose de honteux pour Baraq ou pour Israël, mais plutôt comme quelque chose de merveilleux de la part de Dieu.
De nos jours, on a cette tendance un peu machiste de se dire que ce serait la honte pour un adulte de se retrouver dans une situation où il voudrait simplement que sa maman soit là pour le consoler ou pour le rassurer. La honte, vraiment ? Vous savez, il existe beaucoup de situations d’affliction, d’angoisse, de danger, d’épuisement, de désespoir, où des adultes mûrs et indépendants souhaitent par-dessus tout la présence de leur maman.
Imaginez moi, par exemple, qui pleure, qui gémis, recroquevillé dans mon lit, qui me sens perdu, et qui appelle ma maman à l’aide. Est-ce que ça vous ferait rire ? Ou bien est-ce que ça vous ferait de la peine ? Et même, est-ce que ça ne représenterait pas quelque chose que vous reconnaissez aussi en vous-même—une fragilité potentielle qui existe aussi en vous ?
On n’est pas des super-héros. On est encore moins des robots. On est des êtres précaires, et on a beau être des croyants, notre foi est fragile, elle fluctue, et parfois elle est vraiment toute petite, et on a besoin qu’on nous prenne par la main. Et Dieu le sait. Et Dieu est miséricordieux. Débora, dans ce texte, c’est la merveilleuse miséricorde de Dieu envers la fragilité de la foi d’Israël—et ce sont les femmes qui incarnent le mieux ce genre de miséricorde.
Dans un autre passage de la Bible, le grand prophète Moïse avait parlé de la relation entre Dieu et son peuple, et il avait dit :
« L’Éternel entourait son peuple, il en prenait soin, il le gardait comme la prunelle de son œil, pareil à l’aigle qui éveille sa nichée, voltige sur ses petits, déploie ses ailes, les prend, les porte sur ses plumes. » (Dt 32.10-11)
C’est l’image d’un aigle femelle, d’une maman-aigle, qui prend soin de ses bébés fragiles et vulnérables !
Un autre prophète, le prophète Ésaïe, transmets des promesses de consolation de la part de Dieu à son peuple, en disant :
« Vous serez allaités ; vous serez portés sur les bras et caressés sur les genoux. Comme un homme que sa mère console, ainsi moi je vous consolerai. » (És 66.12-13)
Notre foi est faible, mais Dieu est comme ça : il est miséricordieux ! Je sais que l’image peut être gênante pour certains, mais franchement, si vous êtes croyant : dans la faiblesse de votre foi, est-ce que vous ne voudriez pas être portés sur les bras et caressés sur les genoux ? Est-ce qu’il n’y a pas quelque chose en vous qui aspire très profondément à ça ? À être accueilli, tenu, entouré, rassuré et protégé ? Écoutez bien : Dieu est comme ça !
Et c’est vraiment la première leçon de ce texte. On doit faire attention à ne pas laisser nos préjugés machistes, hollywoodiens, « à la dure », parasiter notre perception de qui est Dieu et de la foi qu’il attend de nous. Le summum de la foi, ce n’est pas d’être une brute autonome et insensible, ou une intelligence artificielle qui a parfaitement intégré la loi de Dieu dans son algorithme et qui fait toujours mécaniquement ce que Dieu lui demande.
On verra dans un instant ce que c’est que la vraie foi. Mais on doit vraiment faire attention à ne pas imaginer que Dieu nous demande de faire des efforts pour avoir la foi ou pour avoir une foi plus solide. Comme si on devait chercher et puiser en nous-mêmes les ressources pour avoir une meilleure foi—et si c’est ça qu’on doit faire, alors c’est la culpabilité qui va nous habiter quand on n’y arrivera pas. Parfois on se dit : « Ma foi est toute petite, alors Dieu n’est pas content de moi. » Mais c’est tellement faux !
Ma foi est toute petite, oui, mais Dieu est miséricordieux. Il m’aime, et il veut prendre soin de moi, il veut me tenir la main. Dieu ne méprise pas ceux qui ont une toute petite foi ; au contraire, il vient se tenir à leur côté pour les soutenir. C’était le premier point.
Maintenant, la deuxième chose que ce texte veut nous faire comprendre, c’est que Dieu agit avec puissance même par le moyen d’une petite foi, parce que ce n’est pas la qualité de la foi qui compte, mais l’objet de la foi. Autrement dit, peu importe si notre foi est faible ou forte, parce que ce n’est pas la puissance de notre foi qui fait la différence, c’est plutôt la puissance de ce en quoi repose notre foi—ou plutôt de celui en qui repose notre foi. Et si notre foi—si faible soit-elle—est en Dieu, alors on est parfaitement en sécurité !
Ma foi est faible, mais Dieu est fort—Dieu, en qui repose ma faible foi, est fort !
Revenons au texte. À partir du verset 11, l’auteur nous raconte maintenant ce qui se passe une fois que Baraq a réuni les dix mille combattants et qu’ils se mettent en route avec Débora pour faire la guerre au roi Yabîn et à son général Sisera. Le verset 11 est un petit détail qui est ajouté entre parenthèses, et qui aura son importance plus tard. Mais pour l’instant, ce que le texte nous raconte, c’est surtout la défaite cuisante des troupes de Sisera, avec ses fameux neuf cents chars de fer.
C’est une victoire éclatante pour Israël, mais notez bien ce que c’est que l’auteur met surtout en valeur. Versets 14 et 15 : « Voici le jour où l’Éternel livre Sisera entre tes mains. L’Éternel se met en campagne devant toi. […]. L’Éternel mit Sisera, tous ses chars et tout son camp en déroute devant Baraq. »
Donc Baraq est là, il a accepté l’appel de Dieu par la foi, une toute petite foi. Dieu lui a donné Débora pour soutenir sa foi, et elle est donc là elle aussi, et elle relaie auprès de Baraq les instructions de Dieu, un peu comme un coach au bord du ring, qui dit à son champion : « Vas-y, c’est le bon moment, lève-toi, mets-lui un crochet dans la mâchoire et ensuite un huppercut du gauche, car voici le jour où l’Éternel livre ton adversaire entre tes mains. » Et donc Baraq qui est rassuré un peu par la présence de Débora et par ses encouragements, fait ce qu’elle lui dit, et la victoire est là. Mais l’auteur nous dit bien que c’est l’Éternel qui gagne. Autrement dit, il y a eu une énorme victoire pour Israël par le moyen de la foi, mais personne ne peut prétendre que c’était par le moyen d’un foi ultra puissante—au contraire, c’était par le moyen d’une petite foi en un Dieu ultra puissant.
Vous comprenez ? Dans cette histoire, le général Sisera, lui, avait une grande foi. Il avait une grande foi dans ses neuf cents chars de fer. Baraq, lui, avait une petite foi—il avait besoin de la présence de la prophétesse Débora à côté de lui pour la soutenir, sa foi—mais sa foi était en l’Éternel. Et donc il a gagné la victoire.
Ce n’est pas la qualité de la foi, mais l’objet de la foi qui compte. Et ça, ça devrait vraiment nous encourager, nous tous qui avons une foi toute petite et fragile !
Vous avez sûrement déjà entendu cette analogie, qui est souvent utilisée pour décrire la différence entre la qualité de la foi et l’objet de la foi. Tous les passagers qui montent dans un avion ont la foi—ils estiment que l’avion et le pilote sont dignes de confiance. Simplement, certains ont une foi plus solide que d’autres. Ceux qui ont une foi solide sont ceux qui sont détendus, qui dorment pendant le vol, ou qui discutent et qui rigolent avec leur voisin. Ceux par contre qui ont une foi plus fragile sont ceux qui sont stressés, qui se rongent les ongles, qui imaginent dix mille façons dont l’avion pourrait s’écraser, qui poussent peut-être des cris à la moindre turbulence et qui n’arrivent certainement pas à dormir pendant que l’avion est en l’air. Mais le truc, c’est que la différence de la qualité de la foi entre ces différents passagers ne va avoir aucune incidence sur leur arrivée, ou non, à destination.
En 2015, vous vous rappelez peut-être le crash du vol Germanwings qui reliait Barcelone à Düsseldorf. L’avion s’est écrasé en France, dans les Alpes de Haute-Provence, sous l’action délibérée du copilote qui voulait se suicider, et qui a cruellement entraîné 143 passagers et membres d’équipage avec lui dans sa mort. Parmi ces malheureux passagers, il y avait sûrement des gens qui ne se faisaient aucun souci en montant dans l’avion, ni pendant le vol. Des gens peut-être qui dormaient même au moment du crash. Mais la qualité supérieure de leur foi ne leur a été d’aucune utilité, parce que l’objet de leur foi était défaillant.
Mes bien-aimés, la question qu’on doit se poser, avec notre ami Baraq qui nous ressemble, ce n’est pas : « Est-ce que j’ai suffisamment la foi ? », mais plutôt : « Est-ce que ma foi—si petite soit-elle—est en l’Éternel, le Dieu unique et vivant ? »
Le pasteur et auteur Tim Keller, qui est décédé il y a quelques semaines, a dit ceci : « Avoir une foi très solide en une branche très fragile, c’est d’une infériorité mortelle au fait d’avoir une foi très fragile en une branche très solide. »
Vous voyez ? Dans nos doutes, dans nos difficultés, dans notre faiblesse, à quelle branche est-ce qu’on s’accroche ? Il faut qu’on arrête d’être préoccupé, voire obnubilé, par le degré de puissance de notre conviction, et qu’on se préoccupe bien plutôt de ce vers quoi notre espoir est tourné au fond—si faible soit-il, cet espoir ! La puissance de nos convictions, nos forces morales intérieures, notre capacité de croire, tout ça, ça fluctue tellement et en plus, c’est tellement trompeur—et en fin de compte, de toute façon, ce sont des choses qui sortent de nous, qui reposent sur nos capacités, qui nous renvoient à nous-mêmes ! La seule chose parfaitement fiable de cet univers, c’est le Dieu unique et vivant, qui est l’auteur de cet univers, et l’auteur de notre vie. C’est l’Éternel, le Dieu de la Bible, le Dieu de Débora et de Baraq, le Dieu d’Israël et de Jésus-Christ.
Par l’étude des Saintes Écritures, on peut apprendre comment il est. Par la fréquentation de l’Église, à travers le partage avec des amis chrétiens, et même à travers de bons livres de théologie, on peut vraiment apprendre à connaître et à reconnaître le vrai Dieu, et à faire reposer nos espoirs sur lui.
On peut apprendre à dire : « Ma foi est faible, mais Dieu est fort ! Et ce n’est pas la faiblesse de ma foi—si petite, si fragile soit-elle, peut-être même pratiquement inexistante—ce n’est pas la faiblesse de ma foi qui va empêcher Dieu d’être fort, et qui pourrait l’empêcher d’agir avec puissance dans ma vie, pour moi et à travers moi, si je suis croyant ! » Et c’est justement ce qui nous amène au dernier point.
La troisième et dernière chose que ce texte veut nous faire comprendre, c’est que Dieu va de toute façon accomplir son projet pour ceux qui se confient en lui. Dieu sait mobiliser les moyens qu’il veut, même les plus inattendus ou étonnants de notre point de vue, pour accorder aux croyants—même aux plus faibles d’entre eux—tout ce qu’il a promis de leur donner, et il n’en manquera rien ! Même la fragilité de notre foi ne peut pas faire échouer le projet de Dieu en faveur des croyants. Ma foi est faible, mais Dieu est déterminé !
Revenons une dernière fois au texte. L’histoire de la confrontation entre les Israélites et le méchant roi Yabîn a commencé de manière très surprenante, et elle va se terminer aussi de manière très surprenante !
L’auteur nous explique qu’il y avait un pacte qui existait entre Yabîn, le méchant roi, et un certain Héber, le Qénien. Et je ne sais pas si vous vous rappelez, mais on avait vu il y a quelques semaines que les Qéniens, c’étaient les descendants du beau-père de Moïse, et qu’au lieu de déposséder les habitants de la terre promise comme Dieu l’avait demandé au moment de la conquête de ce territoire, ils s’étaient vraisemblablement plutôt installés en bonne entente avec ces habitants (cf. Jg 1.16). Donc ce n’est pas très surprenant qu’il existe un pacte entre au moins un clan des Qéniens et Yabîn, le roi cananéen.
Et de plus, la petite remarque du verset 11 trouve toute son importance ici, parce qu’elle nous permet de comprendre comment ça se fait que Sisera, en s’enfuyant, va tomber sur cette famille de Qéniens chez qui il pense qu’il va pouvoir trouver refuge (alors que les Qéniens ne vivent pas normalement dans cette région). Cette famille de Qéniens est là pour des raisons historiques, et il y a un accord politique entre les deux, pour des raisons également historiques. Mais tout ça, c’est important pour nous, les lecteurs, pour une seule raison, et c’est la suivante : c’est pour qu’on soit surpris et même choqué par ce qui va se passer.
La femme du chef des Qéniens (Yaël, femme de Héber), se montre toute gentille envers Sisera. Normal, ils sont alliés sur le plan politique. Elle lui dit : « Viens, viens mon seigneur, viens dans ma tente, cache-toi chez moi, mets-toi sous la couverture, tiens, bois de ce bon lait, détends-toi, repose-toi ! » Rien de surprenant jusqu’ici. Mais ensuite, sans que le texte ne nous donne la moindre indication sur la motivation de Yaël, eh bien cette femme alliée des Cananéens va prendre un piquet de tente et un marteau, et elle va s’approcher de Sisera qui s’est endormi tout tranquille et rassuré, et elle va lui planter si fort dans la tempe que ça va lui traverser le crâne et pénétrer dans la terre en-dessous !
Bon, je ne veux pas trop m’étendre là-dessus, mais quand même. Il faut taper, très, très fort pour enfoncer d’un seul coup un piquet de tente à travers la boîte crânienne (deux fois) jusque dans la terre. Si j’étais médecin légiste, je me dirais : « Il y a un truc inhabituel, là. Il y a une vraie intention de tuer. Une véritable détermination. »
Alors on ne sait pas ce qui a motivé Yaël. Mais ce qu’on sait, c’est que c’est le moyen que Dieu a utilisé pour accomplir son projet. Il a voulu intervenir pour secourir son peuple qui criait à lui. Il a voulu délivrer son peuple et humilier ses adversaires. Et il a parfaitement atteint ses objectifs. Simplement, il a voulu employer un moyen complètement inattendu.
Et ce que ça doit nous montrer, c’est la détermination de Dieu à secourir son peuple malgré la précarité de la foi du peuple—et pour cela, à mobiliser les moyens les plus étonnants qui soient, même en utilisant l’instabilité psychologique ou la duplicité d’une femme alliée des méchants ! Et le résultat, c’est l’humiliation des ennemis de Dieu, par Dieu, devant les Israélites (v. 23), et c’est même l’élimination du peuple de Yabîn de la terre sainte (v. 24).
Tout ça, alors qu’au début, on a un Baraq qui a une toute petite foi. Mais vous voyez : ma foi est faible, mais Dieu est déterminé. Il va accomplir avec puissance son projet pour tous ceux qui se confient en lui, même si leur foi est hésitante, voire minuscule. Bien sûr, l’intervention de Yaël prive en quelque sorte Baraq d’une certaine gloire, comme Débora l’avait dit, mais rien dans le texte ne nous dit que c’est grave, ça, pour Baraq ! Au contraire, le texte dit à la fin que c’est Yabîn qui est humilié, et non Baraq. Ce qui est souligné ici, c’est vraiment la façon dont Dieu est à la manœuvre pour réaliser ce qu’il a prévu.
Vous savez, moi ça m’est déjà arrivé d’être vraiment déterminé dans la réalisation d’un projet—si déterminé que j’ai fait des trucs assez étonnants, voire un peu fous. Par exemple, l’année dernière, j’étais tellement déterminé à ce qu’on ait un violoncelle pour la célébration de Noël que j’ai fait un aller-retour en voiture à Clermont-Ferrand juste pour récupérer un violoncelle pour ma violoncelliste, et le rapporter à Lyon. Quatre heures de route dans la journée, juste pour ça ? C’est un peu fou, mais en même temps, j’étais vraiment déterminé !
Ou bien, chaque semaine, vous savez, je suis assez déterminé à vous apporter une prédication qui soit fidèle au texte biblique et un minimum intéressante—donc je peux faire des trucs un peu fous comme me coucher super tard ou me lever super tôt pour avoir le temps de la préparer comme il faut, cette prédication ! Hier soir par exemple, j’étais en train de cuire de la viande au barbecue pour le repas, et en même temps j’avais mon ordi portable et ma Bible ouverte à côté des cuisses de poulet, parce que j’étais déterminé à vous transmettre aussi fidèlement que possible le message de ce texte ce matin !
Mais ma détermination à moi, ce n’est rien, comparée à la détermination de Dieu à sauver ceux qui se confient en lui—même si leur foi est minuscule.
Dans notre texte, Dieu utilise cette femme ambivalente pour réaliser la délivrance de son peuple. Et dans toute la Bible, c’est comme ça : Dieu utilise des moyens ambivalents, des moyens étonnants, pour réaliser son projet. Une famine, une trahison, un mensonge, un viol, un inceste—Dieu n’est jamais l’auteur de ces mauvaises choses, mais dans sa providence, voilà les moyens pour le moins étonnants que Dieu va utiliser souverainement pour accomplir son projet en faveur des croyants.
Et vous le savez certainement, le projet de délivrance ultime que Dieu voulait réaliser pour ceux qui se confient en lui, c’est la délivrance du mal et de la mort, de façon à ce qu’on soit pardonné de nos fautes, et réconcilié pour toujours avec Dieu. Pour ça, chose étonnante, Dieu a pris la nature d’un homme et il est né d’une femme vierge ! Et ensuite, chose étonnante, il s’est offert volontairement en sacrifice pour prendre sur lui la peine de nos fautes pour nous en délivrer. Et pour ça, chose étonnante, il a employé des gens méchants—des Juifs et des païens—comme instruments de ses souffrances pour que sa mort en sacrifice soit réalisée, et pour que la délivrance des croyants soit accomplie !
C’est ultra ambivalent, tout ça, à vue humaine, mais c’est la preuve de la détermination de Dieu à réaliser le salut de ceux qui se confient en lui. Comme le dit l’apôtre Pierre dans une prière :
« Car en vérité, contre ton saint serviteur Jésus, à qui tu as donné l’onction, Hérode et Ponce Pilate se sont ligués, dans cette ville, avec les nations et avec les peuples d’Israël, pour faire tout ce que ta main et ton conseil avaient déterminé d’avance. » (Ac 4.27-28)
C’est étonnant ! Mais telle est la détermination de Dieu envers le salut de ceux qui ont foi en lui, même une toute petite foi. Dieu va de toute façon accomplir son projet pour ceux qui se confient en lui.
Et franchement, regardez ce qui se passe à l’époque de la mort de Jésus. Il n’y a plus un disciple pour le défendre ou le soutenir. Ils sont tous partis. Seules des femmes se tiennent à proximité de la croix et assistent à ses derniers instants. Et ensuite, ce sont encore des femmes qui sont les premiers témoins de sa résurrection le troisième jour. Parce que même les disciples de Jésus, qui ont passé trois ans avec lui, ont une foi toute petite. Mais heureusement qu’il y a les femmes, n’est-ce pas, comme dans notre histoire !
Heureusement surtout, que Dieu est déterminé à réaliser son projet de salut pour les croyants, même pour les croyants les plus fragiles, et qu’il va mobiliser tous les moyens nécessaires, y compris les plus étonnants, pour ça !
Alors tout ça pour dire quoi, finalement ? Tout ça pour dire que la faiblesse de notre foi ne pose aucun problème à Dieu.
Vous vous rappelez ? Au début, on parlait du fait que la plupart d’entre nous, très vraisemblablement, on trouve que notre foi est trop petite, et on en éprouve une certaine honte à l’intérieur. Mais le texte de ce matin nous rappelle une bonne nouvelle : c’est que la taille de notre foi, ce n’est pas très grave.
Ma foi est faible, peut-être, mais Dieu est miséricordieux. Envers les croyants, Dieu n’est pas un tyran cruel et implacable, hyper exigeant, qui serait tout le temps en train de nous dire : « Allez, prends-toi en main, flûte ! Fais un effort ! Fais quelque chose pour ta foi qui est si petite et ridicule, autrement, moi, je ne vais rien faire pour toi ! » Non, Dieu n’est pas comme ça ; il est plutôt plein de bonté, de compassion et d’amour. Il nous prend, faibles comme on est, et il nous tient la main, il nous soutient, il nous protège. Si c’est vrai, alors, on doit prendre le temps de méditer là-dessus. On doit recevoir ce réconfort de la part de Dieu, en réfléchissant plus à comment il est d’après la Bible, et en accueillant dans nos pensées et dans notre cœur cette tendresse infinie de Dieu qui nous aime comme un père et comme une mère à la fois, et qui veut nous « caresser sur ses genoux » spirituellement !
Mais non seulement il est miséricordieux, il est aussi fort ! Ma foi est faible, mais Dieu est fort. Si ma foi est en lui, c’est ça qui est important, et ce n’est pas la qualité de ma foi qui va faire la différence. Mais est-ce que ma foi est réellement en lui ? Il y en a parmi nous qui peuvent passer par des périodes de doute profond. J’ai envie de vous dire : ne vous inquiétez pas de l’état de votre foi, inquiétez-vous de l’objet de votre foi. Est-il raisonnable de penser que le Dieu de la Bible est le seul vrai Dieu, le Dieu unique et vivant ? Est-il raisonnable de penser que Jésus est son Fils, et qu’il est mort et ressuscité pour le salut des croyants ? On n’a pas besoin d’avoir des certitudes sur tout ; on n’a pas besoin de se sentir parfaitement en paix à l’intérieur ; on peut avoir des hésitations, des angoisses, ou même de la colère—vous savez quoi ? Dieu est quand même plus fort. Il n’est pas un copilote suicidaire, il est le commandant de bord parfait qui ne fait jamais aucune erreur. Portons notre attention sur lui plutôt que sur nous-mêmes et sur nos faiblesses ; apprenons à le connaître selon ses attributs et ses perfections, et ça va nous rassurer.
Il est miséricordieux, il est fort, et enfin, il est déterminé. Ma foi est faible, mais Dieu est déterminé. Déterminé à sauver tous ceux qui ont foi en lui—même si c’est une toute petite foi. « Toutes choses coopèrent au bien de ceux qui aiment Dieu, de ceux qui sont appelés selon son dessein. […] Lui qui n’a pas épargné son propre Fils, mais qui l’a livré pour nous tous, comment ne nous donnera-t-il pas aussi tout avec lui, par grâce ? […] Je suis persuadé que [rien ni personne] ne pourra nous séparer de l’amour de Dieu en Christ-Jésus notre Seigneur. » (Rm 8.28-39)
Si vous êtes venu ici comme un non-croyant ce matin, je veux vous redire que je suis ravi de votre présence, et j’espère que vous vous êtes senti bien accueilli. Mais je veux aussi vous dire que je souhaite de tout cœur que vous ayez pu comprendre un peu mieux ce que c’est que c’est que la foi, finalement, d’après la Bible. La foi, ce n’est pas un truc qu’on doit accomplir par nous-même pour obtenir la faveur de Dieu, au contraire : la foi, c’est arrêter d’essayer d’obtenir la faveur de Dieu par nos efforts, et c’est nous reposer en Dieu—plus spécifiquement encore, c’est nous reposer en Jésus qui a tout accompli à notre place. J’aimerais tellement que vous ayez cette foi-là, en Jésus—même si elle est toute petite et hésitante, ce n’est pas grave ! Parce que ce n’est pas la foi qui sauve, c’est Jésus qui sauve, et la faiblesse de notre foi ne pose aucun problème à Dieu !
J’ai une dernière remarque à faire pour terminer. Quand j’ai commencé à étudier ce passage, j’avais un a priori négatif sur Baraq. Je me disais qu’il était vraiment un mauvais exemple pour nous—l’exemple d’un lâche, d’un peureux, de quelqu’un qui résiste à Dieu et qui ne veut pas lui faire confiance. Mais finalement, après avoir longtemps réfléchi à ce texte, je me suis rendu compte que Baraq, en fait, c’est l’homme que je veux être. Il a une petite foi, comme moi, mais il reçoit le secours miséricordieux que Dieu lui présente, à travers Débora ; il avance avec hésitation mais il fait ce que Dieu lui dit, à travers Débora, et parce que sa petite foi est dans un grand Dieu, il voit Dieu accomplir des choses incroyables pour lui et à travers lui ; et enfin, même si ce n’est pas lui qui a tué Sisera, eh bien au chapitre suivant, il se réjouira quand même avec Débora de l’œuvre irrésistible de Dieu en faveur des croyants. En fait, Baraq n’est pas un mauvais exemple ; il est un bon exemple d’un homme qui nous ressemble, faible et hésitant, mais qui triomphe quand même à la fin, par la grâce de Dieu, par le moyen de la foi. Et c’est pourquoi son nom figure dans le panthéon des exemples de foi qui nous est donné dans Hébreux, chapitre 11, aux côtés de tous ces autres gens dans l’histoire biblique, qui étaient pour certains tellement ambivalents—tellement dysfonctionnels, en fait, et fragiles et pécheurs—mais qui ont quand même obtenu le prix de leur vocation, parce qu’en fin de compte, ils n’ont pas cherché à l’obtenir, ce prix, par leurs propre efforts.
Nous aussi, on est peut-être des croyants hyper hésitants et fragiles, mais la faiblesse de notre foi ne pose aucun problème à Dieu, et il ne nous aime pas moins pour autant, et il ne nous sauvera pas moins pour autant.