La plupart d’entre nous dans cette pièce, on se dit chrétien. Quand on se dit chrétien, on est en train de dire qu’on a une certaine relation avec Dieu. Mais au jour le jour, notre vie ordinaire n’a pas l’air très différente de celle de quelqu’un qui ne se dit pas chrétien. On mange, on dort, on va au travail, on fait des courses, on fait des trucs pour s’amuser… Normal.
Mais en étant préoccupé comme on l’est par les affaires courantes de notre vie, est-ce qu’on a conscience de la véritable histoire qui est en train de se dérouler dans cet univers et tout autour de nous ? Et est-ce qu’on se rend compte de la place qu’on a, nous, dans cette histoire ?
Peut-être que je suis… médecin, et chaque jour, je vois mes patients dans mon cabinet. Peut-être que je suis un parent au foyer, et je m’occupe quotidiennement de mes jeunes enfants et de ma maison. Peut-être que je suis prof et que je passe mes journées à enseigner des collégiens, ou des lycéens, et ensuite à corriger des copies. Peut-être que je suis consultant pour une agence de comm, ou ingénieur, ou développeur web, ou juriste, ou comptable, ou réceptionniste, ou conseillère conjugale et familiale, ou retraité, ou étudiant, ou serveuse dans un restaurant de falafels… et j’ai plein de choses assez ordinaires à faire, finalement, chaque jour—et c’est comme ça pour la plupart des gens dans notre société.
Mais si je suis chrétien, est-ce que je me rends compte qu’il y a quelque chose de plus grand qui est en train de se passer que simplement mon train-train quotidien ? Est-ce que j’ai conscience de ce que le grand Dieu de l’univers est en train de faire, et de la place que j’ai, moi, dans ce projet ? Si je suis chrétien, oui, ça veut dire que j’ai une certaine relation avec Dieu, et donc une place toute particulière dans cette grand histoire !
Mais le problème, c’est que notre vie est tellement remplie de plein de choses—des choses pour la plupart qui sont bonnes et utiles et même nécessaires—notre vie est tellement remplie d’occupations et de préoccupations, qu’on a du mal à garder à l’esprit ce qui est peut-être le plus important par rapport à notre existence, à savoir : quelle est notre relation à Dieu et à son projet. Qu’est-ce qui est vraiment en train de se passer dans ma vie et dans ce monde ?
Le texte qu’on va lire dans un instant est là pour nous rappeler certaines vérités essentielles qui concernent notre relation à Dieu et à son projet, si on est des croyants. C’est un texte original, parce que c’est un cantique, c’est-à-dire un chant, un texte poétique qui a été composé pour être chanté. Ce texte en particulier a été écrit juste après une belle victoire militaire qui a été gagnée par les Israélites environ 1200 ans av. Jésus-Christ (on a vu les circonstances de cette victoire la semaine dernière).
Ce texte, on l’appelle « le Cantique de Débora », et s’il a été écrit juste après une belle victoire militaire, et s’il a été consigné ensuite dans le récit qu’on est en train d’étudier, et dans la Bible, eh bien c’est parce que ce texte a été écrit justement pour la postérité.
Beaucoup de chansons et d’hymnes ont été écrits dans l’histoire des humains, pour commémorer des événements marquants—de la même façon, ce Cantique de Débora est intégré dans notre Bible un peu comme un monument. Il est là pour rappeler aux Israélites—et à nous aussi par extension—à la fois un événement marquant, et à travers cet événement, un ensemble de valeurs qu’on est censé porter en tant qu’héritiers de cette histoire. Vous voyez ce que je veux dire ?
De nos jours, on parle parfois du « récit national » qui est censé imprégner notre esprit si on est français, et conditionner nos valeurs en tant que citoyens de la France. Si vous pensez à la statue de Louis XIV sur la Place Bellecour, par exemple, c’est censé nous rappeler quelque chose qui concerne notre histoire—l’histoire de la France—et un certain nombre de valeurs qui sont associées à ça. Et ce ne serait pas exactement les mêmes choses qui seraient communiquées, si la statue au milieu de la Place Bellecour, c’était une statue de Captain America, ou de Jean-Luc Mélanchon, ou de Panoramix le druide !
Bref, le Cantique de Débora, c’est un genre de monument pour nous. C’est un mémorial qui vise à nous rappeler des aspects très importants de la relation de Dieu avec son peuple, à travers la commémoration d’un événement particulier : la défaite du roi Yabîn et de son général Sisera, face aux Israélites, sous la conduite du chef Baraq et de la prophétesse Débora.
Et donc on va lire et étudier ce texte pour pouvoir prendre un peu de recul à notre tour, un peu de hauteur ce matin par rapport à nos préoccupations quotidiennes, et pour essayer de remettre toutes les affaires courantes de notre vie dans la bonne perspective, en fait—et nous rappeler qu’est-ce qui est en train de se passer, en réalité, dans ce monde, et quelle est notre place dans cette histoire. Tout simplement : quelle est notre relation à Dieu et à son projet, si on est des croyants ?
Et ce qu’on va retenir avant tout ce matin, c’est que si on fait partie du peuple de Dieu, alors on est le centre du monde… pour Dieu ! Et ce serait bien si on arrivait à garder cette perspective en tête dans notre vie quotidienne.
Alors premièrement : Dieu défend son peuple. La première chose qu’on voit dans ce texte, en effet, c’est que dans son projet, Dieu s’est attaché à nous, si on est croyant, et qu’il veut prendre soin de nous en toutes circonstances. Il nous a pris pour lui, on a beaucoup de valeur pour lui, et du coup, il est toujours pour nous, même quand on traverse des choses difficiles—et même si ces choses difficiles qu’on traverse, c’est de notre faute !
Regardez le texte (v. 1-8). Ça commence par une petite introduction, où le narrateur nous explique que Débora et Baraq vont se mettre à chanter après avoir gagné cette fameuse victoire contre Yabîn (v. 1), et ensuite le thème du chant est annoncé (v. 2-3) : c’est un chant de commémoration de ce qui s’est passé, un chant en l’honneur de l’Éternel, un chant qui va louer Dieu et nous parler de lui. OK.
Mais ensuite, on a vraiment le premier point de ce chant (v. 4-8). Et c’est la description d’un contraste (et on va voir, en fait, que ce chant s’articule en trois parties qui sont trois contrastes, justement). Ce premier contraste, c’est entre d’une part, la puissance irrésistible de Dieu (v. 4-5), et d’autre part, la faiblesse ou la précarité du peuple d’Israël (v. 6-8). D’un côté, Dieu a agi avec puissance dans l’histoire ; de l’autre côté, le peuple d’Israël s’est montré très vulnérable dans l’histoire. Contraste, donc, entre les deux.
Mais la puissance de Dieu, dans notre cantique ici, est rappelée par rapport à la manière dont Dieu est intervenu à l’origine pour se constituer ce peuple—comment il a agi avec une puissance irrésistible pour prendre ce peuple pour lui. Au verset 5, la montagne qui est mentionnée, c’est le Mont Sinaï, c’est-à-dire la montagne sacrée où Dieu a conclu une alliance avec le peuple d’Israël après avoir fait sortir les Israélites d’Égypte sous la conduite du grand prophète Moïse. Et si on devait relire cette histoire (dans le livre de l’Exode), tout dans cette histoire est absolument spectaculaire : les plaies d’Égypte, la traversée de la Mer Rouge, la colonne de feu qui conduisait le peuple dans le désert, et bien sûr, la révélation de Dieu au Mont Sinaï avec « le tonnerre, les éclairs, le son du cor et la montagne fumante » (Ex 20.18) !
Débora et Baraq commencent leur chant en rappelant par quelle puissance irrésistible Dieu est allé au secours des Israélites en Égypte pour faire de ces gens-là son peuple.
Mais tout de suite après, Débora et Baraq rappellent quelque chose de beaucoup plus récent à leur époque : c’est la grande précarité dans laquelle se trouvaient les Israélites lorsqu’ils étaient opprimés par le méchant roi Yabîn—à leur époque, donc. Les routes étaient abandonnées, les voyageurs faisaient des détours pour éviter d’être agressés par les méchants, les villes étaient vulnérables aux attaques, il y avait des faux dieux dans le pays, la guerre était imminente, et on n’avait pas d’armes pour se défendre. C’est la description de la situation qui existait au début du chapitre précédent, avant qu’on ne découvre la manière dont Dieu est intervenu pour défendre son peuple (ce qu’on a vu la semaine dernière).
Mais justement. Au cœur de cette première partie du cantique de Débora, on a le rappel de la manière dont Dieu—qui avait pris ce peuple pour lui de manière si spectaculaire—comment Dieu a ensuite défendu son peuple lorsqu’il s’est trouvé précaire et vulnérable. Comment ? Eh bien il a envoyé Débora qui s’est « levée comme une mère en Israël » (v. 7).
Alors je ne vais pas vous refaire la prédication de la semaine dernière, mais je vais quand même me répéter un petit peu. Dieu a défendu son peuple, il a secouru son peuple dans sa précarité, en lui envoyant une mère, une maman. Et on avait vu la semaine dernière que Débora, c’était vraiment l’incarnation de la miséricorde de Dieu envers son peuple fragile. Elle représente le secours que Dieu nous offre dans la faiblesse de notre foi—la maman qui nous tient la main, mais la maman qui nous défend aussi.
Il y a quelques années, avec ma famille, on a eu la chance de visiter le parc national de Yellowstone (dans le Nord-Ouest des États-Unis), au tout début du printemps. C’était hors saison, donc on n’a pas croisé grand-monde, mais on a quand même croisé une maman grizzli avec ses petits oursons. Le grizzli, c’est un ours redoutable qui peut faire 300 kg, et 3 mètres de haut quand il se dresse sur ses pattes arrière. Et là-bas, aux États-Unis, tout le monde sait qu’il ne faut jamais se trouver entre une maman ourse et ses petits. Quand on a vu cette maman grizzli avec ses petits oursons, c’était très mignon à regarder, mais on a fait comme la poignée d’autres personnes qui étaient alentour—on est resté à distance, abrités dans notre voiture, on a pris des photos et à part ça, on les a laissés tranquilles !
Les mamans sont souvent des figures de tendresse et de compassion—des figures de miséricorde, comme on l’a dit la semaine dernière. Mais une maman, c’est aussi une figure protectrice. N’est-ce pas ? Et le Cantique de Débora commémore cet aspect de la relation qu’on a avec Dieu, si on est croyant. Dieu est plein de miséricorde envers nous dans notre faiblesse, il est attentif à notre situation et à nos besoins comme une maman ourse envers ses petits—ou comme Débora envers les Israélites.
Dieu a agi avec une puissance irrésistible pour se constituer son peuple, et maintenant, ce peuple lui est tellement précieux qu’il ne va jamais l’abandonner. Dieu a délivré les Israélites d’Égypte par une intervention spectaculaire et coûteuse—un grand prix a été payé pour que ces gens deviennent le peuple de Dieu, et bien sûr que maintenant (à l’époque de Débora), Dieu va les défendre dans leur précarité, comme une mère défend ses enfants.
Et nous aujourd’hui, à plus forte raison si on est chrétien : Dieu nous a délivrés par une intervention spectaculaire et coûteuse, puisqu’il s’est approché en personne, par Jésus-Christ, pour prendre sur lui le poids de nos fautes, pour nous en délivrer. Il a voulu souffrir et mourir à notre place, et ensuite ressusciter des morts le troisième jour, pour qu’on soit pardonné et justifié et réconcilié pour toujours avec Dieu. Un grand prix a été payé, vous voyez, pour qu’on devienne le peuple de Dieu si on a la foi en Jésus, et bien sûr que maintenant, Dieu va nous défendre, comme une mère défend ses enfants.
Le prophète Zacharie dit ceci au sujet des croyants : « Celui qui vous touche, touche la prunelle de son œil. » (Za 2.12) (C’est un passage que vous avez dû lire il y a une ou deux semaines, si vous suivez le plan de lecture de la Bible avec les petites cartes de TPSG.)
Et donc on doit se rappeler cette réalité, déjà. Dieu défend son peuple. Voilà une pensée qui doit nous habiter. Voilà déjà dans quelle perspective on devrait avancer dans cette vie—dans toutes les affaires courantes de cette vie, les heureuses et les malheureuses : dans son projet, Dieu s’est attaché à nous, et il veut prendre soin de nous en toutes circonstances.
Deuxièmement : Dieu déploie son peuple. Si on regarde la suite du texte (v. 9-23), la deuxième chose qu’on voit, c’est que dans son projet, Dieu compte sur nous pour qu’on s’engage avec lui et qu’on prenne part à son œuvre.
Alors là, on a une section assez longue du texte (15 versets), et c’est la section centrale du Cantique de Débora. L’idée générale de cette section est très simple : c’est que d’une part, il y a une partie du peuple d’Israël qui a répondu présent à l’appel qui lui avait été adressé (à rejoindre Baraq pour affronter les troupes du roi Yabîn et de son général Sisera) ; mais d’autre part, il y a une partie du peuple d’Israël qui n’a pas répondu présent à cet appel. Et dans les paroles de ce cantique (qui commémore cette bataille et la victoire qui en a résulté), eh bien Débora et Baraq veulent souligner ce contraste (un deuxième contraste, donc), entre « ceux du peuple qui se sont portés volontaires » (v. 9), et à l’inverse, ceux qui « ne vinrent pas à l’aide de l’Éternel, à l’aide de l’Éternel, parmi les héros » (v. 23) !
Parmi les tribus d’Israël qui se sont mobilisées : Benjamin, Zabulon, Issacar, Nephthali. Par contre, ceux qui sont restés bien au chaud chez eux : Ruben, Galaad (une partie de la tribu de Gad), Dan, et la ville de Méroz qui, dans le chant, est emblématique de ce désengagement et qui, par conséquent, est maudite par l’Ange de l’Éternel (v. 23).
Le sens est très clair : le cantique veut honorer la mémoire de ceux qui se sont engagés pour Dieu, et dénoncer ceux qui n’ont pas voulu s’engager pour Dieu. La victoire a été éclatante (v. 19-22), mais on se rappellera que l’Éternel a pu compter sur la participation des uns, et pas des autres. Vous voyez où le cantique veut en venir ? Il veut « mémorialiser » ce concept, l’enregistrer dans la mémoire du peuple de Dieu, l’inscrire dans son récit national : c’est que Dieu veut accomplir son projet à travers nous. Dieu déploie son peuple !
Est-ce qu’on y pense souvent, à ça, si on est croyant ? Est-ce qu’on pense au fait qu’on a un rôle à jouer dans l’accomplissement des projets de Dieu ?
Vous savez, il existe pas mal de métiers dans la vie, où on peut être d’astreinte, c’est-à-dire où on a des périodes où on doit être joignable à toute heure de la journée et de la nuit, pour réaliser des missions, si c’est nécessaire. Par exemple, les policiers et les pompiers, parfois doivent se tenir disponibles pour des interventions si on les appelle. Ils peuvent quitter leur lieu de travail, rentrer chez eux, ils peuvent faire d’autres choses, il peuvent même se coucher et dormir dans leur lit, mais ils doivent impérativement répondre présent si on les appelle—à toute heure de la journée ou de la nuit, quand ils sont d’astreinte.
Eh bien notre texte veut nous rappeler que si on est croyant, on est d’astreinte, nous aussi. On est d’astreinte pour Dieu. Dieu nous a pris pour lui, il l’a fait de manière spectaculaire et coûteuse, on est donc précieux pour lui, il nous défend (comme on l’a vu), mais ce n’est pas juste pour qu’on reste tranquillou dans notre petit coin bien au chaud, tout confortable dans notre petit royaume privé à attendre d’aller au paradis un jour ! Non, Dieu veut nous déployer pour faire sa volonté dans le monde et pour accomplir ses projets.
Certes, on a nos propres activités, notre propre métier, et un projet de vie qui nous est propre. Mais tout en faisant tout ça, tout en nous occupant de nos affaires quotidiennes, on est d’astreinte pour Dieu. À toute heure de la journée ou de la nuit, on est son peuple, il est notre Dieu, et il veut se servir de nous.
Souvent, quand on pense à Dieu, on se dit qu’il est tellement grand, tellement puissant et irrésistible, qu’il n’a pas besoin de nous. Et on a raison ! Dieu n’a pas besoin de nous. Mais ce n’est pas parce qu’il n’a pas besoin de nous, qu’il ne nous demande pas pour autant de faire des choses pour lui. En fait, Dieu est si puissant et irrésistible, qu’il a souverainement décrété qu’il accomplirait certaines de ses œuvres à travers des gens dont, en réalité, il n’a pas besoin ! C’est fou comme il est fort, Dieu !
Et c’est dans ce sens que le Cantique de Débora parle de gens qui sont venus, ou non, « à l’aide de l’Éternel » (v. 23). Si on est croyant, Dieu nous sollicite pour venir à son aide ! Ça fait bizarre de le dire comme ça, mais ce que ça veut dire tout simplement, c’est que Dieu veut se servir de nous pour accomplir ses projets.
On est au service de Dieu, même quand on est médecin et qu’on soigne ses patients au cabinet, même quand on est prof et qu’on enseigne nos élèves, même quand on est ingénieur dans une multinationale, ou comptable dans une PME, ou quand on sert des falafels à Monplaisir—on est au service de Dieu, on est d’astreinte pour lui, et on doit garder ça à l’esprit et se demander en permanence : « Qu’est-ce que c’est, que Dieu me demande ? »
Il me demande d’aimer mon prochain. Il me demande de prier pour le salut de ceux qui ne le connaissent pas encore. Il me demande de l’honorer par mes paroles et mes actes. Il me demande de respecter les autorités, d’être honnête, et de témoigner—quand c’est possible—de la merveilleuse espérance que j’ai en Jésus-Christ si je suis chrétien. Il me demande de respecter le jour du Seigneur et d’assister fidèlement aux réunions de l’Église. Il me demande d’être solidaire de mes frères et sœurs dans la foi, et de mettre mes dons à leur profit. Il me demande de soutenir la mission de l’Église qui consiste à faire des disciples de toutes les nations et à les intégrer dans la communauté de la foi et à les équiper ensuite pour être déployés à leur tour au service de Dieu !
Dieu me demande de « venir à son aide » dans l’accomplissement de son projet pour cet univers ! C’est dingue ! Mais c’est le sens actuel de ma vie.
Si je suis croyant, je suis d’astreinte pour Dieu. C’est ce qu’on affirme à chaque fois qu’on prie le Notre Père : « Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. » Et le Catéchisme de Heidelberg nous explique que quand on prie ça, en fait, on prie « que tous les hommes et nous, nous renoncions à notre propre volonté et que, sans aucun murmure, nous obéissions à sa volonté qui seule est bonne, et qu’ainsi chacun s’acquitte de son devoir et de sa vocation aussi promptement et fidèlement que les anges dans le ciel. » (Heidelberg, Q.124)
Et donc le Cantique de Débora est là comme un monument pour nous inciter à nous rappeler aussi cette réalité : Dieu déploie son peuple. Cette pensée doit nous habiter, elle aussi, chaque jour, à chaque instant, à toute heure de la journée et de la nuit : dans son projet, Dieu compte sur nous pour qu’on s’engage avec lui et qu’on prenne part à son œuvre.
Troisièmement et dernièrement : Dieu délivre son peuple. On revient une dernière fois au texte, et ce qu’on voit dans la dernière partie du Cantique de Débora (v. 24-31), c’est que dans son projet, si on est croyant, Dieu nous destine à sortir victorieux de toutes nos luttes et de toutes nos souffrances.
Alors ce qui se passe dans les paroles du chant, c’est qu’on a une sorte de « variation » sur le thème de la mort de Sisera, le chef de guerre de Yabîn. Le chant se concentre pendant 7 versets sur les circonstances de la mort de Sisera—vous vous rappelez ? Il s’est réfugié dans la tente d’une femme alliée (Yaël), mais une fois qu’il s’est endormi, cette femme lui a enfoncé un piquet de tente dans la tête.
Dans notre chant, c’est assez drôle parce qu’il y a à la fois une description vraiment théâtrale et insistante et explicite du meurtre de Sisera sous la main de Yaël (v. 24-27), et ensuite, il y a des paroles pleines d’ironie et de sarcasme qui visent la maman de Sisera. Cette pauvre dame qui s’inquiète que son fiston tarde à revenir—mais voilà, ça doit être parce que son fiston, c’est quelqu’un d’important, il est trop occupé à partager le butin, à violer les prisonnières, et à récupérer des jolis vêtements de couleur ! « Ah, c’est quelqu’un d’important, mon fils ! »
Franchement, quand on lit les paroles de ce chant, on se dit que le heavy metal a dû être inventé 1200 ans av. Jésus-Christ ! « D’une main elle a saisi le pieu, et de sa droite le marteau des travailleurs ; elle a martelé Sisera, lui a fendu la tête, fracassé et transpercé la tempe. À ses pieds il s’est affaissé, il est tombé, il s’est couché ; à ses pieds il s’est affaissé, il est tombé ; là où il s’est affaissé, il est tombé raide mort ! »
C’est très poétique, non ? Mais le chant insiste sur quoi, ici ? Il insiste sur le fait que c’est une défaite cuisante. Sisera a été martelé, fendu, fracassé, transpercé—il est tombé, il s’est affaissé, il s’est couché, affaissé, tombé, affaissé, tombé, tombé raide mort ! Bref, il a été en quelque sorte pulvérisé, atomisé, écrabouillé, anéanti ! Et sa pauvre petite maman qui lui préparait son plat préféré pour son retour, toute fière de la réussite de son fiston…
Mais voici surtout où le chant veut en venir (v. 31) :
« Périssent ainsi tous tes ennemis, Éternel ! »
Mais attention, voici le troisième contraste :
« Ceux qui aiment l’Éternel [eux] sont comme le soleil, quand il paraît dans sa force. »
Donc le texte met en opposition ici la défaite totale des ennemis de l’Éternel, et la sécurité totale de ceux qui aiment l’Éternel. La mort pathétique de Sisera, et la défaite du roi Yabîn, et la victoire des Israélites sur leurs oppresseurs dans cette histoire—tout ça, en fait, c’est repris et célébré dans le Cantique de Débora, et c’est érigé en monument, comme une image et un mémorial de la délivrance certaine et totale que Dieu va accorder à son peuple.
Il y a un contraste entre la défaite des ennemis de Dieu, et la délivrance des amis de Dieu. Et ce contraste est aussi entre la mère impuissante de Sisera, et la mère protectrice d’Israël—Débora ! Ces deux mamans représentent deux religions, en fait. La fausse religion d’un côté, impuissante pour sauver, parce qu’elle invoque tout sauf le vrai Dieu ! Et la vraie religion de l’autre côté, puissante pour sauver parce que c’est la religion de l’Éternel, c’est la foi au Dieu unique et vivant, au seul vrai Dieu—qui a fait se lever Débora comme une mère en Israël, justement pour manifester sa miséricorde et sa puissance à son peuple. Et en fin de compte pour le délivrer.
« Ceux qui aiment l’Éternel sont comme le soleil quand il paraît dans sa force. » C’est-à-dire comme le soleil quand il se lève et qu’il monte jusqu’au firmament. C’est irrésistible, c’est indéniable, et c’est inéluctable.
Mes bien-aimés, si on est croyant, si on aime l’Éternel, eh bien notre délivrance arrive aussi certainement que le soleil brille ! Et c’est une pensée qui doit nous habiter aussi, dans notre vie quotidienne. L’histoire de l’univers avance dans cette direction. On peut être tout préoccupé par plein de choses dans la vie—des choses réjouissantes ou des choses déprimantes—mais il faut qu’on pense à lever la tête et à regarder plus loin et plus haut. Le jour vient de la défaite définitive de tous les ennemis de Dieu, et de tous les ennemis de sa création, et de tous les ennemis de son peuple ; et ce jour sera aussi celui où tous les croyants seront définitivement délivrés de la souffrance, du péché et de la mort.
Jésus est venu, il est mort, et il est ressuscité, pour garantir que ce jour arrive. Il est monté au ciel et il s’est assis à la droite de Dieu le Père, et il règne et il appelle à lui, par la prédication de l’Évangile, des hommes, des femmes et des enfants qui vont peupler son paradis. Et il déverse dans le cœur de ceux qui l’aiment son Esprit-Saint qui constitue « le gage de notre héritage »—cet héritage qu’on va recevoir (Ép 1.13), lorsque Jésus reviendra pour juger les vivants et les morts et pour nous accueillir dans la plénitude de son royaume.
L’histoire a un sens, l’histoire a un but, l’histoire a une fin qui est déjà écrite par Dieu ; et malgré toutes les afflictions qu’on va peut-être connaître ici-bas, on peut être sûr que dans son projet, si on est croyant, Dieu nous destine à sortir victorieux de toutes nos luttes et de toutes nos souffrances.
Dieu délivre son peuple. Il est comme ça, et son projet est comme ça. Nos maladies seront vaincues comme Sisera. Nos infirmités seront vaincues. Nos péchés seront vaincus. Nos mauvais désirs, nos mauvaises pensées, nos peurs, notre honte, nos sentiments persistants de culpabilité, les accusations du diable, tout ce qui pèse sur notre âme, tout ça, ce sera fracassé et pulvérisé et écrabouillé pour toujours comme Sisera. Et Débora et Baraq veulent qu’on y pense, à ça. Ils ont écrit un chant pour qu’on y pense !
Alors pour conclure.
Au début, on constatait qu’on avait tous, globalement, une vie remplie d’occupations et de préoccupations de tous les jours—et qu’on soit croyant ou non-croyant, c’était à peu près la même chose. Mais est-ce qu’on se rend compte qu’il y a quelque chose de plus grand qui est en train de se passer que simplement notre train-train quotidien ? Est-ce qu’on a conscience de ce que le grand Dieu de l’univers est en train de faire, et de la place qu’on a, nous, dans son projet, si on est chrétien ?
Ce n’est pas évident de garder la bonne perspective sur le sens de notre existence ici-bas—une existence qui est forcément définie par la relation qu’on a à Dieu et à son projet.
Mais dans la Bible, on trouve des passages comme le Cantique de Débora, qui est là, consigné dans la Bible comme un monument, un mémorial, qui nous rappelle un événement marquant de l’histoire du peuple de Dieu, et qui nous rappelle surtout, au travers de cet événement, un ensemble de valeurs—ou plus précisément des vérités—qu’on est censé porter en tant qu’héritiers de cette histoire.
Notre vie passe par des hauts et des bas, parfois on a l’impression que notre vie est extrêmement ordinaire et banale, et parfois on a l’impression de complètement perdre le contrôle et d’aller droit dans le mur—mais on doit se rappeler, en toutes circonstances, que Dieu défend son peuple. Il s’est attaché à nous, si on est croyant, il a manifesté sa puissance et son amour par la mort et la résurrection de Jésus pour nous, et maintenant il prend soin de nous comme une maman ourse de ses oursons et il ne nous laissera jamais tomber. On doit se rappeler aussi, en toutes circonstances, que Dieu déploie son peuple. On est à son service, on est d’astreinte pour Dieu, il nous demande d’entrer activement dans son projet qui est de bâtir son Église et de se faire connaître jusqu’aux extrémités du monde. On doit se rappeler enfin, en toutes circonstances, que Dieu délivre son peuple. Oui, le jour vient où on ne sera plus préoccupé par les affaires courantes de notre vie ici-bas, où on ne sera pas non plus atteint par la souffrance, le péché et la mort, mais où notre esprit et notre corps seront totalement émerveillés par les perfections de Dieu, dans son paradis, pour toujours !
Dans notre train-train quotidien, c’est assez facile d’atteindre un genre de rythme de croisière où on se dit que notre vie est plutôt bien réglée et qu’on ne s’en sort pas si mal. Et quand ça va bien comme ça, eh bien on a tendance à ne plus trop penser au reste de l’univers et à la grande histoire que Dieu est en train de raconter. C’est une des grandes malédictions collatérales du monde développé : c’est qu’on oublie qui on est vraiment. On oublie qu’il y a un Dieu, qu’on est ses créatures, et que notre existence lui est suspendue.
Inversement, des fois, notre précarité nous rattrape. Un accident, un échec, une maladie. On se retrouve cloué au lit, ou accablé de tristesse, ou complètement dépendant d’autrui. On perd nos repères et on ne sait plus vers qui ou vers quoi se tourner.
Le Cantique de Débora est un monument qui nous donne—ou qui nous redonne—des repères. C’est un monument qu’on a besoin de regarder, pour se rappeler ce qui compte vraiment. Pour prendre du recul et de la hauteur et pour garder la bonne perspective. Si tu es croyant aujourd’hui, tu as besoin de t’exercer à ça : en étudiant fidèlement la Bible, en lisant peut-être des livres de théologie biblique qui augmenteront ta compréhension du grand projet de Dieu dans l’histoire, en prenant peut-être le temps, comme une discipline personnelle, de te demander, très régulièrement, dans le secret de ton cœur : « Qu’est-ce qui compte le plus dans ma vie ? Qu’est-ce qui compte le plus aujourd’hui ? Quelle est ma raison-d’être ici-bas ? Quel est le sens de la journée, ou de la semaine qui est devant moi ? Bref, quel est le projet de Dieu, déjà, et quelle est ma place dans ce projet ? »
Mais si tu n’es pas croyant aujourd’hui, le Cantique de Débora est aussi là pour toi, pour t’inviter à faire le bilan. Qu’est-ce qui va rester quand ta vie touchera à sa fin ? Quel aura été le sens de ton existence quand tu fermeras les yeux une dernière fois et que tu disparaîtras pour toujours dans la nuit ? Le Cantique de Débora—et en fait, toute la Bible—t’annonce aujourd’hui que la vie a un sens, parce qu’il y a un Dieu qui est l’auteur de tout ce qui existe. Dieu t’invite à t’approcher de lui par la foi en Jésus, son Fils, mort et ressuscité pour que tous ceux qui lui font confiance soient rachetés, réconciliés avec Dieu, et restaurés pour toujours.
Dans sa chanson intitulée Où va le monde ?, sortie en 2015, le chanteur Kendji Girac constate la dégradation du monde dans lequel on vit, et il se lamente en disant :
« On aimerait tous avancer, je sais ; qu’en sera-t-il de nos regrets ? J’avoue, je suis inquiet. Où va le monde ? Où va le monde ? Où va le monde ? Où va le monde ? »
Eh bien depuis plus de trois mille ans, une autre chanson—un tube de Débora et de Baraq—nous rappelle que le monde n’avance pas au hasard, mais selon un merveilleux projet que Dieu a conçu de toute éternité, et qui est en train de se réaliser irrésistiblement. Et dans ce projet, si on est croyant, Dieu nous défend, Dieu nous déploie, et à la fin, Dieu nous délivrera. Voilà quelques vérités qui doivent habiter notre esprit au quotidien.
Oui, on a besoin de se rappeler chaque jour que si on fait partie du peuple de Dieu, alors dans un sens en effet, on est le centre du monde… pour Dieu !