On a tous des problèmes dans la vie—et plein de genres de problèmes différents—mais j’ai remarqué une chose : c’est qu’on discrimine facilement entre nos problèmes, et ce qui se passe souvent, c’est qu’on accorde plus d’importance aux problèmes qui sont extérieurs à nous (les problèmes qu’on subit) plutôt qu’aux problèmes qui sont à l’intérieur de nous (les problèmes qui viennent de nous). Je ne sais pas si vous voyez ce que je veux dire…
Par exemple. Peut-être que j’ai des problèmes au travail ; et je peux facilement pointer la faute de mon chef, ou de la gestion globale de l’entreprise, ou de la conjoncture économique—et c’est vrai, c’est de leur faute et je n’y suis pour rien ! Et ça me stresse et ça me préoccupe, mais en attendant, dans ma vie à côté de ça… qu’est-ce qui se passe dans mon cœur, quelles sont les convoitises qui m’obsèdent, ou quels sont les sentiments de haine ou les désirs de vengeance que j’éprouve envers mon prochain, et est-ce que j’accorde à ces choses-là autant d’attention et d’énergie qu’à mes problèmes professionnels ?
Autre exemple. J’ai peut-être de graves problèmes de santé, je n’y suis pour rien, et ça me mine—je suis démoralisé et extrêmement inquiet pour mon avenir. Ma vie est centrée autour de ça, et dans un sens, c’est normal ! Mais en attendant… pourquoi est-ce que je ne suis pas tellement préoccupé par mon manque de patience, de douceur ou de maîtrise de soi envers mon conjoint ou mes enfants ?
Autre exemple. J’ai peut-être des problèmes relationnels : quelqu’un m’a critiqué, ou m’a trompé, ou m’a peut-être même abandonné. C’est injuste et douloureux, et j’ai vite fait de m’indigner des fautes de cette personne—et sûrement avec raison. Mais est-ce que je m’indigne souvent de mes calomnies, de mes paroles blessantes, ou de mes accès de colère ?
Autre exemple. Je suis terriblement angoissé par l’évolution du monde : les guerres, la pollution, le réchauffement climatique, les inégalités sociales, le trafic humain… Et j’y pense tout le temps, au point où je n’arrive pratiquement pas à fonctionner normalement dans mon quotidien. Mais est-ce que je réfléchis avec autant d’angoisse à ma propre existence, à ma relation personnelle à Dieu (s’il existe), et à ma destinée éternelle ?
Autre exemple. L’Église dont je suis le pasteur n’a pas son propre local pour s’implanter dans le quartier et pour y développer ses activités et son témoignage—et ça fait super longtemps que ça dure, et c’est stressant, et je peux faire beaucoup d’efforts pour essayer de remédier à cette situation. Mais qu’en est-il de l’état de ma vie intérieure, qu’en est-il de ma santé spirituelle, de mon amour pour Dieu, de mon service et de mon témoignage ?
Vous voyez ce que je veux dire ? On discrimine facilement entre nos problèmes, et c’est plus facile d’accorder de l’attention et de l’énergie à ce qui nous arrive de l’extérieur, qu’à ce qui nous arrive de l’intérieur.
Encore un exemple. Le peuple d’Israël (1000 ans avant Jésus-Christ) fait l’objet de l’oppression de ses ennemis, et la vie en terre promise est super compliquée. C’est compliqué et incertain militairement, économiquement, socialement—et beaucoup de gens le ressentent, et ça les stresse et ça les préoccupe, et ils sont capables de déployer beaucoup d’énergie pour essayer de pallier à ces difficultés. Mais est-ce que les Israélites se préoccupent autant de leur relation avec Dieu ? Est-ce qu’ils sont autant révoltés par leurs propres infidélités à Dieu, est-ce qu’ils font leur propre examen de conscience, est-ce qu’ils se rendent compte qu’ils sont d’abord un danger pour eux-mêmes à cause de ce qu’il y a dans leur cœur ?
Et ça en fait, c’est vraiment la portée du texte qu’on va lire dans un instant. On va lire la fin de l’histoire de Gédéon—c’était quelqu’un que Dieu avait envoyé au peuple d’Israël comme libérateur (comme « juge »), et qui avait été l’instrument de Dieu pour délivrer les Israélites de leurs ennemis à un moment particulier de leur histoire. Et la dernière fois, on a vu comment Gédéon avait gagné cette victoire ; et maintenant, on va voir comment ça se termine. Gédéon est en train de poursuivre les ennemis qui ont pris la fuite, et on va voir la fin de l’histoire de cette confrontation, mais aussi la fin de l’histoire de Gédéon lui-même.
Et vous allez voir qu’en fait, ça ne se termine pas très bien. L’histoire de Gédéon n’est pas super concluante, parce qu’on va se rendre compte que malgré la délivrance que Dieu a accordée aux Israélites, leur situation va rester très fragile, et ça, c’est à cause d’eux-mêmes.
Et c’est ça la leçon que ce texte veut communiquer au lecteur—d’abord aux Israélites, puis à nous aujourd’hui—c’est qu’on a plein de problèmes dans la vie, mais le problème le plus grave, c’est nous ! Et ce qu’on doit surtout retenir de ce passage, c’est qu’il ne faut pas sous-estimer l’ampleur du problème qu’il y a en nous, de peur de négliger la véritable délivrance que Dieu nous présente.
Au-delà de tous les problèmes qui nous arrivent de l’extérieur, eh bien avant tout, on est un danger pour soi-même, et il faut impérativement qu’on s’en rende compte si on veut pouvoir progresser dans la vie !
Alors ce passage attire notre attention sur trois choses qu’il y a en nous, trois choses mauvaises qui viennent de nous—et ce n’est sûrement pas tout ce qu’il y a de mauvais en nous, mais en tout cas ce sont les trois choses qui sont visées en particulier par ce texte. On a un cœur égocentrique, un cœur idolâtre, et un cœur oublieux.
Premièrement, un cœur égocentrique, c’est-à-dire un cœur centré sur soi, un cœur préoccupé avant tout par nos propres intérêts. Ce qu’on va voir pour commencer, c’est qu’on a tendance par nature à regarder à notre propre intérêt avant tout autre chose—et que ça peut vraiment en fin de compte nous porter préjudice. Regardons ce qui se passe dans le texte (v. 4-21).
Gédéon et ses trois cents hommes sont en train de poursuivre les méchants pour les chasser de la terre promise, et le texte nous dit qu’ils sont fatigués (v. 4). Donc ils demandent de la nourriture dans deux villes habitées par des Israélites, mais les deux fois, les chefs de la ville refusent (v. 5-9), et le texte nous dit pourquoi : c’est parce qu’ils estiment que c’est trop risqué pour eux. Ils veulent garder une position de neutralité dans ce conflit, parce que rien ne dit que Gédéon et ses 300 hommes vont gagner contre les 15 000 Madianites qu’ils sont en train de poursuivre. Et si jamais ils aident Gédéon, et que ce sont les Madianites qui gagnent, eh bien il y a un risque que les Madianites se vengent ensuite de ceux qui auront aidé leurs adversaires. Vous suivez ?
Le problème, c’est qu’en refusant de l’aide à Gédéon, finalement les chefs de ces deux villes ne sont pas en train de maintenir une position de neutralité—en fait, ils sont en train d’aider les Madianites ! Et ce qu’ils craignaient de la part des Madianites, ils vont le recevoir de la part de Gédéon, puisque c’est Gédéon qui va revenir après avoir vaincu les Madianites, et qui va se venger de ces deux villes qui auront aidé ses adversaires.
En fait, on voit bien dans le texte que ces Israélites qui refusent d’aider Gédéon se retrouvent finalement en position d’ennemis, et ils reçoivent le même sort que les Madianites, notamment des deux rois (Zébah et Tsalmounna) qui sont mis à mort. Ces deux rois étaient responsables de la mort des frères de Gédéon (v. 18-19), donc ils sont châtiés ; et de la même façon, les habitants des villes de Soukkoth et de Penouél n’ont pas aidé Gédéon (ils ont donc aidé les ennemis de Gédéon), donc ils sont châtiés.
Alors ce n’est pas du tout glorieux ce qui se passe. Parce que non seulement il y a un conflit entre les Israélites et leurs oppresseurs, mais il y a aussi un conflit entre les Israélites ! Normalement, Dieu était en train de délivrer les Israélites de leurs ennemis, par la main du libérateur qu’il leur avait envoyé, et ça devait bien se passer, c’était censé être une belle histoire—l’histoire d’une délivrance spectaculaire (300 hommes contre 135 000 !). Mais ça finit par une guerre civile entre Israélites !
Et donc on voit que même quand Dieu intervient pour résoudre les problèmes externes de son peuple, il y a quand même des problèmes internes qui viennent gâcher la fête. Et le problème ici est dû au fait que tout le monde ne tire pas dans le même sens. Tout le monde n’est pas avant tout préoccupé par le projet de Dieu—il y en a qui sont avant tout préoccupés par leurs propres intérêts.
Alors comprenez bien que les habitants de Soukkoth et de Penouél, ils n’ont pas forcément tort d’être inquiets. Leurs villes se situaient dans une zone vulnérable : ils se trouvaient de l’autre côté du Jourdain, à l’Est, et donc ils étaient tout près de la frontière avec les nations alentour. Un peu comme si vous habitiez près de la frontière Est de l’Ukraine, tout près de la Russie. Vous seriez en première ligne des affrontements, et donc la prudence serait justifiée.
Mais en même temps, il y a quelque chose d’autre qui serait justifié, dans notre texte—ce serait de soutenir Gédéon, de venir en aide à ses hommes fatigués, parce qu’ils sont en train de réaliser le projet de Dieu. Il y a deux choses qu’on peut comprendre et qu’on peut défendre, dans cette histoire : à la fois le désir de sécurité des habitants de ces deux villes, et la demande de Gédéon d’obtenir de la nourriture pour ses hommes.
Le problème, c’est que les habitants de ces deux villes ont été plus préoccupés par leur propre intérêt que par le projet de Dieu—en fait, ils ont été tellement préoccupés par leur propre intérêt qu’ils ont fini par se positionner (peut-être malgré eux) comme adversaires du projet de Dieu, et ami des ennemis de Dieu !
C’est un peu comme dans les sports collectifs. Prenons le rugby, par exemple. Imaginons de nouveau notre équipe de rugby amateur de Seine-et-Marne qui se retrouverait au Stade de France, face aux All Blacks de la Nouvelle-Zélande. Eh bien si vos joueurs amateurs étaient tous surtout préoccupés par leur intérêt personnel dans ce match, ils n’auraient aucune chance de le gagner : « Ah, si j’arrive à récupérer le ballon, je vais essayer de le garder, je ne vais pas faire de passe, je vais essayer de marquer moi-même des essais, comme ça je vais soigner mes stats, je vais me montrer—mais si jamais ça chauffe un peu trop sur le terrain, je ne vais pas insister, je vais vite rendre le ballon à l’adversaire parce que je ne veux pas me faire mal. » Vous comprenez que ces préoccupations ne seraient pas en soi foncièrement mauvaises. Mais si elles passent avant l’intérêt collectif, eh bien les joueurs qui penseraient comme ça seraient en fin de compte en train d’aider l’adversaire.
Et notre texte veut nous alerter sur le fait que notre cœur est comme ça. Il est égocentrique. On a tendance par nature à regarder à notre propre intérêt avant tout autre chose—et ça peut vraiment en fin de compte nous porter préjudice.
Notre intérêt personnel n’est pas forcément une mauvaise chose. Ce n’est pas une mauvaise chose d’être préoccupé par notre bien-être, par notre santé, par notre réputation, par notre avenir professionnel, par notre vie sentimentale… Le problème, c’est quand ces choses-là deviennent les choses les plus importantes, au détriment du projet plus grand de Dieu.
Le pasteur et auteur Tim Keller disait que le péché, ça ne consiste pas seulement à faire des mauvaises choses ; plus fondamentalement, ça consiste à prendre de bonnes choses et à les traiter comme des choses ultimes. « Le péché, ça consiste à fonder notre vie et notre raison d’être sur n’importe quelle chose—même sur une très bonne chose—plus que sur Dieu. »
Est-ce qu’on est prêt, du coup, à nous méfier de nous-mêmes et de ce qui nous semble spontanément être important dans la vie ? Ce n’est pas que ces choses sont forcément mauvaises—mais est-ce qu’on se pose régulièrement la question de ce qui est le plus important ?
Peut-être que vous n’êtes pas convaincu aujourd’hui que Dieu existe—mais est-ce qu’il y a une question plus importante que ça dans votre vie ? Et si vous croyez qu’il y a un Dieu : qui est-il, comment est-il, quel est son projet pour l’univers, quelle est votre place dans ce projet, et comment est-ce qu’on peut le savoir ? Ces questions sont peut-être un peu plus importantes que le modèle de votre prochaine voiture ou le lieu de vos prochaines vacances.
Et si on est croyant ce matin, ce n’est pas une mauvaise chose de se préoccuper de sa réputation, mais est-ce qu’on s’en préoccupe plus que de parler de Jésus à notre entourage ? Ce n’est pas une mauvaise chose d’être prévoyant sur le plan de nos finances personnelles, mais est-ce qu’on s’en préoccupe plus que de soutenir l’œuvre de Dieu en faveur du monde, à travers les dons qu’on peut faire à l’Église ? Ce n’est pas une mauvaise chose de prendre des vacances, d’avoir des loisirs, de faire la fête avec ses amis, mais est-ce qu’on s’en préoccupe plus que d’être nourri spirituellement et de grandir dans la foi à travers notre participation fidèle au culte et aux groupes de maison ?
Il faut qu’on prenne du recul et qu’on se rende compte qu’on est faillible et fragile, et dangereux pour nous-mêmes, premièrement, parce qu’on a un cœur égocentrique.
Deuxièmement, on a un cœur idolâtre, c’est-à-dire un cœur enclin à remplacer le vrai Dieu par autre chose. Ce qu’on va voir maintenant c’est que dans la vie, on a tendance à placer nos espoirs dans des choses ou dans des personnes qui en fin de compte nous détournent de la vraie solution à nos vrais problèmes. Revenons à notre texte (v. 22-27).
Gédéon et ses hommes ont donc maintenant vaincu les Madianites, ils les ont chassés de la terre promise, et ça a été plutôt spectaculaire. Si on a bien suivi l’histoire depuis le début, on se rend compte que Dieu a vraiment accompli ce qu’il avait promis. Et rappelez-vous la semaine dernière : Dieu a voulu exprès réduire les forces et les ressources de Gédéon pour que la victoire soit d’autant plus incroyable, et qu’on se dise : « Waouh, merci Seigneur ! L’Éternel est intervenu avec puissance, il a accompli des miracles, il nous a délivrés de la main de nos ennemis ! »
Rappelez-vous ce que Dieu lui-même avait dit, quand il avait expliqué pourquoi il voulait dépouiller Gédéon de ses ressources et réduire le nombre de ses hommes :
« Le peuple que tu as avec toi est trop nombreux pour que je livre Madian entre ses mains ; Israël pourrait en tirer gloire contre moi et dire : C’est ma main qui m’a sauvé. » (Jg 7.2)
Mais maintenant que tout ça est arrivé, qu’est-ce qui se passe ?
« Les Israélites dirent à Gédéon : Domine sur nous, toi, puis ton fils, puis le fils de ton fils, car tu nous as sauvés de la main de Madian ! » (v. 22)
Donc déjà, il y a un problème. Les Israélites ne voient pas—ou ne veulent pas voir—que c’est Dieu qui les a délivrés, et donc qu’ils devraient désirer servir Dieu en réponse à cette faveur incroyable qu’il leur a manifestée. Non, ils veulent servir Gédéon ! Et la réponse de Gédéon semble être une tentative de correction par rapport à cette attitude des Israélites.
Mais le problème aussi, c’est que Gédéon lui-même va nous décevoir. On ne sait pas vraiment quelles sont ses motivations, mais le texte nous raconte qu’il va quand même faire quelque chose un peu comme s’il avait l’autorité d’un roi en Israël. Il dit : « Je ne dominerai pas sur vous », mais quand même, il va un peu dominer sur eux ! Et ça ne va pas être bon pour eux, puisque Gédéon va fabriquer un « éphod » (v. 27) avec l’or qu’il aura prélevé sur le butin des Israélites (suite à la victoire sur les Madianites). Cet « éphod », c’est un nom bizarre, mais c’est juste un objet sacré, un emblème religieux—et le problème, c’est que ça va devenir une idole (c’est le sens du texte qui dit que ça devient « un objet de prostitution » pour tout Israël, c’est-à-dire que les gens vont se mettre à placer leur foi dans cet objet).
Donc vous voyez ce qui se passe ? On est juste après une intervention incroyable de Dieu en faveur de son peuple, mais le peuple au lieu de répondre par la reconnaissance à Dieu et par la foi en Dieu, porte ses espoirs tout de suite sur autre chose.
Comment vous dire ? On est vraiment censé avoir le cœur brisé par ce qui se passe. Imaginez un père de famille qui s’occupe de ses enfants, qui les aime, qui les a vus naître, qui pourvoit à tous leurs besoins, qui les protège, qui les nourrit, qui les délivre quand ils sont en danger—et ces enfants n’ont aucune reconnaissance envers leur papa. Pire, ils rejettent son amour. Pire, ils l’insultent et s’enfuient de lui. Pire, ils vont se réfugier auprès d’un inconnu rencontré dans la rue. Pire, cet inconnu est un psychopathe et un violeur d’enfants.
C’est un peu ce qui se passe dans notre texte. Mais surtout, c’est ce qui se passe dans notre cœur. Dans notre cœur idolâtre.
Le théologien réformateur Jean Calvin, au 16ème siècle, disait :
« Le cœur humain est une fabrique d’idoles. »
C’est parce qu’en fait, on est tellement enclin à remplacer le vrai Dieu par autre chose dans notre vie. Et ça, c’est tout-à-fait la conséquence logique du point précédent. La raison pour laquelle on est porté vers l’idolâtrie, c’est parce que les faux dieux qu’on se choisit ou qu’on se fabrique vont servir nos intérêts personnels. On s’incline facilement devant des choses ou des personnes qui vont dans notre sens et qui semblent pouvoir nous procurer un avantage assez facilement et immédiatement.
L’argent. La vie est plus facile, non, quand on a de l’argent ! Oui, mais l’argent ne peut pas nous procurer le pardon de nos fautes et la vie éternelle. S’incliner devant l’argent, c’est un piège qui nous détourne du vrai Dieu et du salut que lui seul peut nous donner.
Ou bien la politique. C’est important, la politique, pour garantir à notre société un maximum d’équité et de confort de vie. Oui, mais les moyens politiques ne pourront jamais non plus éradiquer le mal du cœur de l’homme. La politique peut faire du bien, mais ne peut pas sauver. Et quand on place tous ses espoirs dans la politique, c’est un piège qui nous détourne aussi du vrai Dieu et du vrai salut.
Ou bien une relation sentimentale. On peut avoir l’impression qu’il va manquer quelque chose d’essentiel à notre vie si on n’a pas cette relation sentimentale avec cette personne dont on est éperdument amoureux(se). Eh bien le sentiment amoureux et le mariage sont des bonnes choses, mais ce sont des choses momentanées, et ce ne sont pas des choses qui procurent le salut ou qui donnent fondamentalement un sens ou de la valeur à notre vie.
On a un cœur porté vers l’idolâtrie. Vous voyez ? Dans la vie, on a tendance à placer nos espoirs dans des choses ou dans des personnes qui en fin de compte nous détournent de la vraie solution à nos vrais problèmes. Cette vraie solution se trouve seulement auprès du vrai Dieu, auprès de l’Éternel, le Dieu unique et vivant, celui qui nous a créés, qui nous aime, qui nous nourrit, qui nous parle, et qui veut nous sauver, alors même que nous, on se détourne tout le temps de lui, on doute de lui, on l’ignore, on le remplace, on s’enfuit même parfois de lui pour se réfugier auprès de faux dieux qu’on s’est fabriqués nous-mêmes parce qu’ils nous semblent aller plus dans le sens de nos intérêts personnels et immédiats !
À travers le prophète Ésaïe, Dieu dit ceci concernant sa relation avec son peuple. Il dit :
« J’ai tendu mes mains tout le jour vers un peuple rétif [rebelle, indocile] qui marche dans une voie mauvaise au gré de ses pensées. » (És 65.2)
Dieu nous présente la vraie solution à nos vrais problèmes—il le fait résolument, avec persévérance, avec insistance, dans sa grande miséricorde—tout le jour, il tend ses mains vers nous, mais nous, on ne reçoit pas son amour. Pourquoi ?
Eh bien c’est le troisième point. On a un cœur oublieux, c’est-à-dire un cœur qui oublie vite—qui oublie vite ce que Dieu a dit et ce que Dieu a fait. La troisième et dernière chose qu’on voit dans ce texte, en effet, c’est qu’on a un besoin vital d’apprendre, de recevoir et de nous rappeler qui est Dieu et ce qu’il a fait pour nous sauver. Un besoin vital !
Regardez ce qui se passe dans le texte (v. 28-35). On a la conclusion de l’histoire de Gédéon. L’auteur conclut en nous disant qu’à travers Gédéon, Dieu a accordé une délivrance vraiment significative aux Israélites (v. 28). Après ça, Gédéon a eu une heureuse vieillesse et il est mort. Tout est bien qui finit bien ? Pas vraiment ! On a déjà vu dans ce passage, d’abord les conflits internes à Israël, et ensuite l’idolâtrie d’Israël.
Et maintenant, d’autres choses viennent encore assombrir le tableau. La polygamie de Gédéon, premièrement. Le texte ne condamne pas explicitement le fait qu’il avait de nombreuses femmes, mais l’auteur pointe déjà les problèmes que ça va engendrer par la suite, en nous disant qu’il a eu 70 fils, et notamment un fils qui s’appelle Abimélek. Ces précisions sont en train d’anticiper les gros problèmes qui vont arriver par la suite !
De plus, le texte nous dit qu’une fois que Gédéon est mort, les Israélites vont retomber dans le culte des Baals, qui est une abomination absolue puisque le culte des Baals, ça implique des sacrifices d’enfants et de la fornication rituelle (on avait vu ça précédemment).
Qu’est-ce qui se passe ? L’auteur nous donne l’explication :
« Les Israélites ne se souvinrent pas de l’Éternel, leur Dieu, lui qui les avait délivrés de la main de tous les ennemis qui les entouraient. » (v. 34)
Et en fait, on ne s’en rend peut-être pas compte quand on lit le texte comme ça, mais on est dans un véritable tournant du livre des Juges. On ne le sait pas encore à ce stade, mais le verset 28 est très significatif, quand l’auteur dit que « le pays fut tranquille pendant quarante ans durant la vie de Gédéon ». Pourquoi est-ce que c’est significatif ? Parce que l’auteur nous a dit plusieurs fois jusqu’ici que « le pays fut tranquille » après les exploits du premier juge Otniel (Jg 3.11), après les exploits du deuxième juge Éhoud (Jg 3.30), et après la délivrance accordée par la main de Baraq et de Débora (Jg 5.31). Mais maintenant, après les exploits de Gédéon, c’est la dernière fois dans tout le livre des Juges que l’auteur nous dit que « le pays fut tranquille ». Et ça, d’un point de vue littéraire, c’est très important, parce que ça illustre la trajectoire globale du livre des Juges : c’est une spirale descendante, en fait. C’est une détérioration progressive, c’est une déchéance, c’est une situation morale et spirituelle qui empire de plus en plus pour le peuple d’Israël.
Notre passage est triste, en fait. L’histoire de Gédéon ne finit pas bien. Dieu a fait de grandes choses pour son peuple, mais son peuple est oublieux. Et nous aussi, on est oublieux.
Je me rappelle, quand j’étais un enfant, j’étais trop fort au jeu de Memory. Vous savez, le jeu où on doit retourner deux tuiles, et si ce sont les mêmes, on les récupère et on peut rejouer. Mais si ce ne sont pas les mêmes, on les repose à leur place et c’est à la personne suivante de jouer. Mais on doit essayer de se rappeler les images qu’il y a sous les tuiles de manière à ce qu’on puisse reconstituer progressivement les paires, et la personne qui arrive à ramasser un maximum de tuile gagne la partie. J’étais très fort à ce jeu ! J’avais une bonne mémoire.
Aujourd’hui, j’ai plus de quarante ans… Et ma mémoire n’est plus ce qu’elle était ! Demandez aux personnes de mon entourage : des fois je ne me rappelle pas certains endroits où j’ai été, certaines personnes que j’ai rencontrées, certaines choses que j’ai faites. Je ne me rappelle pas des films que j’ai regardés, je ne me rappelle pas certains prénoms, et même parfois certains mots de mon vocabulaire, que j’ai employés toute ma vie, mais qui ne me reviennent pas !
C’est dur de constater qu’on est capable d’oublier des choses. Et des fois, on oublie des choses vraiment importantes : on oublie un rendez-vous, on oublie une promesse qu’on a faite, on oublie un passeport dans une chambre d’hôtel… Et si vous connaissez des personnes qui souffrent de la maladie d’Alzheimer, vous avez certainement pu constater la souffrance que ça pouvait générer, de ne simplement pas pouvoir se rappeler certaines choses.
Est-ce que vous pouvez imaginer : un mari qui a été fidèle à sa femme toute sa vie, qui l’a aimée, qui a pris soin d’elle, qui l’a soutenue pendant 60 ans de mariage, et un jour sa femme le regarde, et elle ne le reconnaît pas. Elle ne sait plus qui est cet homme, parce qu’elle a perdu la mémoire !
Mais il y a pire qu’oublier qui est son conjoint et ce qu’il ou elle a fait pour nous. Il y a oublier qui est Dieu et ce qu’il a fait pour nous.
C’est ce qui arrive aux Israélites dans notre texte. Et c’est un avertissement solennel qui nous est adressé à nous aussi aujourd’hui. On a un besoin vital d’apprendre, de recevoir et de nous rappeler qui est Dieu et ce qu’il a fait pour nous sauver.
Alors aujourd’hui, peut-être que vous avez besoin d’apprendre, ou peut-être que vous avez besoin de recevoir, ou peut-être que vous avez besoin de vous rappeler qui est Dieu et ce qu’il a fait pour nous sauver. Alors écoutez bien.
Le vrai Dieu est le Dieu de la Bible, le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu des Israélites dans l’Ancien Testament, le Dieu de Jésus-Christ et des apôtres dans le Nouveau Testament. Il est le créateur de tout ce qui existe, et il gouverne souverainement tout l’univers et il conduit toute l’histoire selon son projet, vers un but qu’il fixé lui-même, qui vise sa gloire et le bonheur éternel des croyants.
Le problème d’après la Bible, c’est que nous tous, on a voulu vivre dans l’indépendance de Dieu, et ça, ça a eu des conséquences dramatiques sur nous-mêmes, sur toute l’humanité et sur toute la création. Tous les problèmes de notre vie et du monde autour de nous, en fin de compte, remontent à cette cause ultime : c’est qu’on a voulu vivre sans Dieu. Mais en voulant vivre sans Dieu, on s’est coupé de l’auteur de la vie, on a commis un affront terrible envers celui qui nous a créés, et on s’est rendu coupable devant Dieu—coupable du mal qu’il y a maintenant en nous et qu’on commet contre Dieu, contre notre prochain, contre nous-même et contre la création de Dieu.
Comme je le disais en introduction : on a plein de problèmes, mais notre problème le plus grave, notre problème fondamental, c’est nous ! C’est ce qu’il y a dans notre cœur. Et ce qu’il y a dans notre cœur nous condamne. Et c’est très grave.
Mais la bonne nouvelle, c’est que Dieu a pourvu à notre délivrance. Il s’est approché de nous par Jésus-Christ, et il a voulu assumer lui-même le coût de cette délivrance. Pour ça, Jésus s’est offert volontairement lui-même en sacrifice pour prendre sur lui la peine de nos fautes—du mal qu’il y avait en nous—et il a voulu non seulement prendre nos fautes sur lui, mais mettre sa justice sur nous en échange. Il a emporté nos péchés avec lui dans sa mort sur la croix, et le troisième jour, il est ressuscité en vainqueur sur le mal et sur la mort, et sur tous les ennemis de Dieu et des croyants.
De cette façon, maintenant, tous les gens qui se reposent en lui, qui reçoivent tout simplement, gratuitement, par une simple attitude de confiance sincère—qui reçoivent ce que Jésus a fait, peuvent être assurés qu’ils sont pardonnés par Dieu pour toujours, que Dieu les a déclarés justes pour toujours, qu’ils ont été délivrés de toute condamnation pour toujours, qu’ils sont adoptés comme enfants de Dieu pour toujours, et qu’ils entreront un jour dans le paradis de Dieu pour y vivre avec lui et avec les autres croyants pour toujours !
Et aujourd’hui, si vous venez d’écouter ce que je viens de dire, peut-être que vous venez d’apprendre quelque chose que vous n’aviez jamais su jusqu’à maintenant. Je vous le dis sincèrement : vous n’apprendrez jamais rien de plus important que ça. Et peut-être qu’aujourd’hui, vous avez besoin de recevoir ce que vous venez d’entendre, parce que vous ne l’avez jamais reçu. Je vous exhorte de fond du cœur à placer votre confiance en Jésus—il en va de votre destinée éternelle !
Mais pour beaucoup d’entre nous, en fait on a besoin de nous rappeler ce qu’on vient d’entendre. Parce qu’on a un cœur égocentrique, un cœur idolâtre, et un cœur oublieux. Et ce n’est pas parce qu’on a plus de quarante ans ! C’est par nature.
Finalement, tout ce qu’on a vu dans ce passage, c’est quoi ? C’est qu’on a plein de problèmes dans la vie, mais le problème le plus grave, c’est nous ! Et toute la leçon qu’on a voulu retenir ce matin, c’est qu’il ne faut pas sous-estimer l’ampleur du problème qu’il y a en nous, de peur de négliger la véritable délivrance que Dieu nous présente.
Oui, c’est vrai qu’on discrimine entre nos problèmes, n’est-ce pas ? C’est plus facile d’accorder de l’attention et de l’énergie à ce qui nous arrive de l’extérieur, qu’à ce qui nous arrive de l’intérieur. Mais on a besoin de prendre du recul, on a besoin de faire notre examen de conscience, on a besoin de se rappeler qu’en réalité, fondamentalement, c’est nous qui sommes un danger pour nous-mêmes, et on a tellement besoin de nous tourner vers Dieu—vers le vrai Dieu—qui a pourvu à notre salut en son Fils Jésus-Christ.
Et pour maintenir cette lucidité sur nous-mêmes, et notre reconnaissance à Dieu pour sa grâce, on a besoin les uns les autres, n’est-ce pas ? On a besoin de s’encourager, de s’exhorter, de prier les uns pour les autres. On a besoin de venir à l’Église chaque dimanche, on a besoin de vivre ce temps de liturgie où on confesse nos péchés et où on reçoit l’annonce de la grâce, on a besoin d’écouter attentivement la prédication, on a besoin de chanter avec nos frères et sœurs dans la foi, on a besoin de prendre le pain et la coupe qui nous rappellent le prix qui a été payé pour notre salut.
On a aussi besoin de retrouver nos amis chrétiens en semaine, notamment dans les groupes de maison, pour partager un peu plus autour de la Bible, pour prier de manière un peu plus personnelle, pour échanger des nouvelles et pour s’encourager les uns les autres dans la foi. Les groupes de croissance sont aussi des moyens super pour entretenir notre foi et la conscience de notre fragilité et de notre besoin de Dieu (les groupes de croissance, ce sont des petits groupes de deux personnes de même sexe qui se rencontrent régulièrement pour partager, s’exhorter et prier ensemble).
On est un danger pour soi-même, et c’est vrai qu’on l’oublie, ou qu’on ne s’en rend pas compte—et c’est pourquoi ce texte a été écrit, pour nous avertir. Même l’histoire de Gédéon ne finit pas bien, parce que le vrai problème des Israélites, ce n’était pas les Madianites—c’était les Israélites ! Et même Gédéon n’a pas pu les délivrer du mal qu’il y avait en eux. Heureusement, nous avons le Gédéon ultime en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, le libérateur avec un grand L, le messie, qui garantit notre sécurité pour toujours, si notre foi est en lui !