On aspire tous à avoir des relations interpersonnelles positives, agréables, bienfaisantes. Mais si vous avez vécu un petit peu sur cette terre, vous savez que les relations, c’est compliqué.
C’est un truc qui est caractéristique de notre nature humaine, en fait ; ça veut dire que partout, dans toutes les sociétés, les relations, c’est compliqué. C’est compliqué dans l’entreprise, c’est compliqué à l’école, c’est compliqué à la fac, c’est compliqué dans l’immeuble, c’est compliqué dans le voisinage, c’est compliqué en France, aux États-Unis, en Corée, au Cameroun, au Portugal … et vous l’avez deviné, c’est compliqué aussi… dans l’Église.
Peut-être que vous avez encore ce matin le souvenir tout frais d’une dispute—dans l’Église ! Ou d’une trahison. Peut-être que vous avez connu quelqu’un d’hypocrite, qui faisait semblant de vous apprécier, mais qui parlait de vous dans votre dos. Ou bien, vous avez déjà connu la souffrance d’être incompris par l’un de vos amis dans la foi. Peut-être que vous avez déjà observé de la rivalité dans l’Église. Ou de la jalousie. Peut-être que ça venait même de vous. Ou peut-être de la colère, ou de l’impatience envers quelqu’un d’autre.
Peut-être que vous avez eu l’impression que quelqu’un cherchait à vous contrôler : un parent, un conjoint, un responsable spirituel ? Ou peut-être que vous avez souffert de l’indifférence des autres dans l’Église. Peut-être que vous êtes timide, et ça nuit à la qualité de vos relations interpersonnelles parce que les gens vous trouvent inintéressant et froid. Peut-être que vous éprouvez une grande affection pour quelqu’un, mais cette affection est unilatérale. Ou bien peut-être que c’est un amour interdit ou impossible, et ces sentiments viennent parasiter en quelque sorte vos relations. Ou peut-être encore qu’il y a du mépris entre vous et d’autres personnes. Peut-être même que vous avez fait l’objet de racisme ou de violences verbales ou physiques. Oui, peut-être même dans l’Église.
Bref, on aimerait bien avoir des relations optimales avec les gens de notre entourage, surtout dans l’Église, où on a des choses si importantes en commun ! Mais c’est compliqué de se sentir relationnellement épanoui et satisfait.
Alors je tiens à préciser que de mon point de vue, dans notre Église, par la grâce de Dieu, je trouve qu’on a plutôt—globalement—de super bonnes relations entre nous. Je suis très, très reconnaissant à Dieu pour ça. Mais j’ai conscience aussi qu’il y a certainement des choses que je ne sais pas—des conflits parmi nous, des tensions, des frustrations, des gens qui ont du mal à s’intégrer, des gens qui ne peuvent pas encadrer le pasteur… C’est possible !
Parce que les relations, c’est compliqué. Qu’est-ce qui peut nous aider, alors ? Est-ce qu’une meilleure organisation interne, ça pourrait aider ? Une petite formation au travail en équipe ? Une bonne séance de team building ? Plus de temps passé ensemble ? Moins de temps passé ensemble ? Une communication aux petits oignons ? Une meilleure charte graphique ? Une excellente assistante administrative ? Un pasteur différent ?
Eh bien toutes ces choses, ça peut être bien, ça peut être intéressant. Mais ce n’est pas ça qui va vraiment nous aider à optimiser nos relations, à les protéger et à cimenter notre unité. Qu’est-ce qui va nous aider, alors ? Jésus.
Vous souriez peut-être, mais si vous ne retenez que ça ce matin, eh bien j’aurai atteint mon but. Oui, Jésus est toujours ce qu’il y a de plus important pour nous, en tant que chrétiens individuels et en tant que communauté de chrétiens. Jésus est ce qu’il y a de plus important pour vous, même si vous n’êtes pas encore un croyant—et peut-être que ce matin, pour la première fois, vous allez comprendre pourquoi je dis ça.
En tout cas, pour ce qui concerne notre aspiration à des relations entre nous qui soient épanouissantes et durables, le texte qu’on va lire dans un instant va nous montrer que pour obtenir ça, dans l’Église, il faut—par-dessus tout le reste—qu’on se laisse diriger par Jésus et par nul autre.
On est dans le livre des Juges ; on reprend là où on s’était arrêté la dernière fois. Les « juges » sont des chefs que Dieu a envoyés au peuple d’Israël à une époque qui remonte à plus de mille ans avant Jésus-Christ. L’un de ces juges s’appelle Jephté, et on va voir la suite et la fin de son histoire aujourd’hui. Pour rappeler un tout petit peu le contexte, Jephté vient de remporter une victoire écrasante contre les ennemis d’Israël appelés les Ammonites. Mais en même temps, il a pensé pouvoir marchander avec Dieu, et ça lui a coûté très cher.
À la suite de tout ça, on va découvrir maintenant des divisions internes incroyables, au sein du peuple d’Israël, et on va découvrir en fin de compte l’incapacité des juges d’empêcher le délitement et le déclin progressifs d’Israël. Qui sera à la hauteur de la tâche, quand il semble que personne n’est capable d’assurer durablement l’unité du peuple et son épanouissement ?
Il nous faut un chef extraordinaire. Ce chef, c’est Jésus. Et si dans l’Église, on se laisse au bout du compte diriger par lui, eh bien on va avoir entre nous des relations positives, agréables, bienfaisantes—et un jour, cette communion sera parfaite. Ça vous dit ?
Pour connaître entre nous, dans l’Église, des relations qui soient épanouissantes et durables, il nous faut—par-dessus tout le reste—nous laisser diriger par Jésus et par nul autre. C’est toute la leçon de ce passage. Mais prenons les choses dans l’ordre.
Premièrement, un mal profond. La première chose que ce texte veut nous faire comprendre, c’est qu’il y a en nous tous un problème qui est à la racine de toutes nos complications relationnelles—c’est notre cœur insatisfait et tourné vers nous-même.
Dans le texte, il se passe un truc qui doit nous faire lever les yeux au ciel et secouer la tête. La tribu d’Éphraïm n’est pas contente. Et on est censé se dire : « Encore ? Non mais ils sont graves, ceux-là ! » Parce qu’en fait, on a déjà été exactement dans la même situation quelques chapitres plus tôt dans le livre des Juges. C’était au chapitre 8. C’était à l’époque d’un autre juge, appelé Gédéon. Et Gédéon avait remporté une belle victoire contre un autre peuple ennemi d’Israël : c’étaient les Madianites. Mais « les hommes d’Éphraïm » n’étaient pas contents, parce que Gédéon était allé au combat sans eux (cf. Jg 8.1-3).
Qu’est-ce qui se passe dans notre passage ? Exactement la même chose. Jephté remporte une belle victoire, grâce à Dieu, mais les hommes d’Éphraïm ne sont pas contents. Vraiment pas contents ! « Nous voulons incendier ta maison et te brûler avec elle. » (v. 1) Et pourquoi ? Parce que Jephté est allé taper des Ammonites sans nous !
Ils me font penser à Obélix, dans la bande dessinée Astérix et Obélix, qui n’est pas content quand les Gaulois de son village vont taper des Romains sans lui. Obélix, il aime taper les Romains, et donc si jamais il apprend qu’il a loupé une occasion de mettre des baffes aux soldats qui occupaient les camps autour de son village, eh bien il est vexé !
Ça, c’est les hommes d’Éphraïm dans notre passage. Dieu a accordé à Israël une énorme victoire contre leurs ennemis, mais ils sont vexés quand même. Et pas qu’un peu !
Du coup, Jephté leur répond ; et lui aussi, il est vexé, en fait. Il explique qu’il les a bien invités à venir, mais qu’ils ne sont pas venus (v. 2-3), et qu’il a dû exposer sa vie—sous-entendu qu’il a pris de gros risques pour combattre les Ammonites tout seul. Alors on ne sait pas si c’est vrai qu’il a convoqué les Éphraïmites, puisque le texte ne rapporte rien là-dessus. Par contre le texte avait rapporté la manière dont Jephté avait fait une promesse téméraire à Dieu en échange de sa faveur—et là, curieusement, Jephté n’en parle pas du tout, et se décrit plutôt comme un vaillant guerrier qui est allé à la guerre tout seul avec ses hommes parce que personne ne voulait l’accompagner. Il y a un petit peu d’apitoiement sur soi-même !
Le texte nous rapporte donc une dispute entre deux clans en Israël—une dispute provoquée à la base par l’attitude récurrente des hommes d’Éphraïm. Et ça, ça doit nous interpeller. Qu’est-ce qu’il y a chez ces gens pour qu’ils ne soient jamais contents ? Qu’est-ce qu’ils ont, à se plaindre, à râler, à trouver des raisons d’être mécontents, alors que Dieu a accordé à Israël une grande victoire contre leurs ennemis ?
Vous avez peut-être déjà rencontré des gens comme ça. On les trouve partout : dans les syndics de copropriété, dans les conseils de quartier, dans les assemblées générales des associations, dans les équipes sportives, dans les orchestres, dans les réunions de famille, et bien sûr… dans les Églises ! Ce sont les éternels insatisfaits. Ils ont toujours une critique à faire, quelque chose à redire—le verre est toujours à moitié vide. Ils se plaignent toujours de quelque chose qui ne va pas, quelque chose qui leur manque, quelque chose qui les déçoit—au lieu d’exprimer de la reconnaissance, de la satisfaction ou de l’encouragement.
Alors peut-être que vous pouvez penser à des gens comme ça. Mais arrêtez tout de suite, et regardez plutôt à l’intérieur de vous-même. Est-ce qu’on n’est pas, nous tous, naturellement centrés sur nous-mêmes ?
Vous et moi, on arrive peut-être plus ou moins bien à désamorcer nos réactions naturelles et à étouffer, en général, ce qui se passe réellement à l’intérieur de nous. Peut-être qu’avec le temps, on a réussi à développer un bon système de filtrage, et on arrive à gérer tant bien que mal nos vexations, sans menacer trop souvent nos amis dans l’Église d’incendier leur maison et de les brûler avec.
Néanmoins. Notre posture naturelle consiste à juger tout ce qui se passe autour de nous comme si on en était le centre. Et parce que notre cœur est naturellement insatisfait, on est rarement content de ce qui se passe autour de nous—on en voudrait toujours plus, ou quelque chose de différent, ou quelque chose de nouveau, quelque chose qui nous mette en valeur, qui vienne peut-être contribuer à remplir un vide intérieur—émotionnel ou existentiel.
Et ça, d’après la Bible, c’est le mal profond qui se manifeste chez les hommes d’Éphraïm dans notre texte, et qui, chez nous aussi, vient nuire à notre relation les uns aux autres. Dans le Nouveau Testament, l’apôtre Jacques dit :
« D’où viennent les luttes, et d’où viennent les querelles parmi vous, sinon de vos passions, qui guerroient dans vos membres ? Vous convoitez et vous ne possédez pas ; vous êtes meurtriers et envieux, sans rien pouvoir obtenir… » (Jc 4.1-2)
Vous voyez ? Il y a en nous tous un problème qui est à la racine de toutes nos complications relationnelles—c’est notre cœur insatisfait et tourné vers nous-même. Est-ce qu’on est déjà conscient de ça ?
Est-ce qu’on est conscient de ça, quand on se sent un peu jaloux de l’attention portée par quelqu’un dans l’Église à une autre personne plutôt qu’à nous ? Ou quand on a l’impression qu’on pourrait mieux animer le groupe de maison que celui qui le fait, mais que personne ne nous le demande ? Ou quand on est un peu vexé que personne ne semble avoir voulu retenir les idées qu’on a proposées lors d’une réunion ? Ou quand on est envieux de ceux qui ont des responsabilités reconnues et visibles dans l’Église, alors que nous, on fait beaucoup mais qu’on reste dans l’ombre, et personne ne nous remercie ? Ou encore, quand les gens ne répondent pas à notre sollicitation pour un événement ou pour un service, et qu’on a du mal à ne pas le prendre personnellement ?
Ces difficultés sont souvent compréhensibles. Mais il y a un mal profond en nous, et on doit en avoir conscience pour ne pas nous laisser passivement et aveuglément diriger par ces envies, ces passions, ces convoitises qui sont en nous (comme dit l’apôtre Jacques)—sous peine de basculer dans la tristesse, le ressentiment, voire le conflit.
Regardons la suite.
Dans un premier temps, on a vu chez les hommes d’Éphraïm ce mal profond qu’il y a dans notre cœur à tous, qui génère de l’insatisfaction, de la jalousie et de l’amertume. Mais maintenant, le texte va nous décrire jusqu’où ça peut conduire—il va nous décrire des symptômes horribles de ce mal, quand on lui lâche la bride ! Justement, quand on se laisse diriger par « les passions qui guerroient dans nos membres ». Et ça ne va pas être joli.
La deuxième chose que ce texte veut nous faire comprendre, c’est que si on tient vraiment à se gouverner soi-même, on peut tomber très, très, très bas, et causer beaucoup, beaucoup, beaucoup de dégâts !
Regardez ce qui se passe dans notre passage. Jephté répond aux reproches et aux menaces des hommes d’Éphraïm… en leur faisant la guerre (v. 4). Alors on doit être frappé par ce qui se passe ici, parce qu’il y a un contraste saisissant entre la gestion du conflit par Jephté, et la gestion du même conflit quelques chapitres plus tôt par Gédéon. Gédéon—si vous vous rappelez—avait réussi à « apaiser » la colère des hommes d’Éphraïm (cf. Jg 8.3), et ils s’étaient séparés en bons termes.
Mais Jephté, lui, on a l’impression au contraire qu’il démarre au quart de tour. Il répond aux menaces de la tribu d’Éphraïm par une grande violence. Alors, il faut vraiment être choqué, ici, par la virulence du conflit. Le texte nous dit que les gens d’Éphraïm insultent les gens de Galaad sur la base de leur origine ethnique : « Vous êtes des fugitifs d’Éphraïm, vous autres de Galaad ! » (v. 4) Pour bien comprendre ce qu’il se passe, il faut comprendre que les gens de Galaad et les gens d’Éphraïm sont des cousins très proches, en fait. Ils sont tous issus de la lignée de Joseph le patriarche (un des douze fils de Jacob). Dans le grand arbre généalogique d’Israël, ils sont plutôt rapprochés !
Donc les gens d’Éphraïm ont vraiment une grande haine pour des gens très proches—et c’est vrai que souvent, on est jaloux des gens les plus proches de nous, non ? On a plus souvent des conflits avec les gens qui nous sont les plus proches : conjoints, parents, enfants, coéquipiers et collègues. Quand deux frères se vouent une haine meurtrière, c’est particulièrement choquant, et bouleversant même, par rapport à d’autres types de conflits.
Eh bien on est censé être choqué ici aussi. D’autant plus que cette haine est vraiment réciproque, entre les gens d’Éphraïm et les gens de Galaad. Et il y a une véritable escalade dans la haine et la violence, d’après le texte. Parce que les gens de Galaad vont non seulement battre les gens d’Éphraïm, non seulement conquérir une partie de leur territoire, mais en plus ils vont traquer très intentionnellement les Éphraïmites pour les éliminer.
Encore une fois, on est censé secouer la tête. Ces gens sont si proches, si semblables, que c’est sur la prononciation d’une consonne qu’on peut les distinguer. Et c’est sur la prononciation d’une consonne, qu’on va décider de leur vie ou de leur mort ! Vous imaginez ? C’est comme si dans l’Église Lyon Gerland, on avait la haine des Clermontois—et donc on donnerait des consignes à notre équipe d’accueil de ne surtout pas laisser entrer les Clermontois. Mais comment les reconnaître ? Ils nous ressemblent à tous points de vue !
Eh bien, demandez aux gens à l’entrée de dire : « Je voudrais du lait frais. » Et si la personne dit : « Je voudré du lé fré », c’est sûrement un Clermontois ! Couic ! (Alors heureusement, si ça vous inquiète, je peux vous donner le nom d’un ou deux orthophonistes qui fréquentent notre Église—ce qui aurait pu être d’une grande utilité pour les Éphraïmites !)
Mais vous comprenez ? On est censé être assez éberlué par la détermination des gens de Galaad à traquer les gens d’Éphraïm qui sont leurs cousins proches, et à attraper même des fugitifs pour les assassiner. Et le texte nous dit qu’il « périt en ce temps-là quarante-deux mille hommes d’Éphraïm » ! (v. 6) Il ne faut pas passer trop vite sur cette précision. La pire catastrophe fratricide qu’on a eue dans le livre des Juges, jusqu’ici, c’était sous la conduite d’Abimélek, le méchant fils de Gédéon, qui s’était rendu responsable de la mort de 1000 personnes environ à Sichem (des gens de la tribu de Manassé).
Et maintenant, 42 000 ? Sous la conduite de Jephté, un des juges ? À cause de quoi ? À cause d’une dispute stupide ? Et les Galaadites vont être si intransigeants et impitoyables que leur haine va se cristalliser sur un tout petit détail—la prononciation d’un mot qui n’est même pas très courant en hébreu ! Parce qu’à part ça, ils ne pourraient même pas distinguer un Éphraïmite d’un Galaadite ! C’est dire à quel point le conflit a dégénéré, vous comprenez ?
Le texte nous décrit les symptômes horribles de ce mal profond qu’il y a en nous—ce cœur égocentrique, insatisfait, susceptible, rempli de passion (au sens péjoratif) et enclin à la colère. Si on tient vraiment à se gouverner soi-même, on peut tomber très, très, très bas, et causer beaucoup, beaucoup, beaucoup de dégâts !
Ça aussi, on doit le reconnaître. Quand on est déçu dans nos relations avec les autres—notamment dans l’Église—quand on est un peu frustré, un peu agacé, un peu vexé, un peu jaloux, un peu envieux… jusqu’où est-ce que notre cœur susceptible peut nous conduire ? Il peut nous conduire très loin, si on se fie à lui. Il peut nous conduire à la médisance, à la duplicité, à la colère, au conflit, à l’esprit de parti, à la calomnie, à la division. Des toutes petites choses peuvent devenir des montagnes infranchissables dans nos relations ; de tous petits détails peuvent devenir des scandales insupportables. Une petite différence d’opinion sur un sujet politique, une différence de goût par rapport au style de musique dans la louange, la manière d’organiser certains services dans l’Église comme l’enfance ou la logistique ou l’entraide, des différences dans la manière d’élever nos enfants, le fait d’employer ou non des mots comme « malaisant », « deadline », « random », « bankable », « challengeant »…
Bref, on a tous nos schibboleth qui sont nos critères d’approbation des gens autour de nous. Mais ça, en fait, ce n’est pas bien. Parce que ça procède de notre cœur tourné vers nous-même, et si on se laisse diriger par ça, ça peut provoquer bien des dégâts dans nos relations, notamment dans le cadre de l’Église. Qu’est-ce qui peut nous aider à la place ?
Eh bien regardons la suite du texte, et avant de voir ce qui peut nous aider, voyons déjà ce qui ne peut pas nous aider. Troisièmement : un remède inadéquat.
La troisième et dernière chose que ce passage veut nous faire comprendre, c’est qu’aucun moyen humain ordinaire ne pourra jamais inverser notre tendance à l’autodestruction—on a bien plutôt besoin d’une intervention extraordinaire.
Regardez ce qui se passe dans le texte à partir du verset 7. On a la conclusion de l’histoire de Jephté, et ensuite une énumération de trois autres juges qui sont venus après lui : Ibtsân de Bethléhem, Élôn de Zabulon, et Abdôn le Piratonite. Ce qui est intéressant à remarquer, c’est la manière dont le texte juxtapose certains détails sur ces quatre juges (en comptant Jephté)—des détails qui doivent nous frapper.
Premièrement, la diversité de leurs origines. On a ici les 8ème, 9ème, 10ème et 11ème juges qui sont mentionnés dans le livre des Juges, et si on récapitule, tous ces Juges, en fait, sont issus d’une grande diversité de régions géographiques en Israël et même de tribus différentes.
Deuxièmement, le temps pendant lequel ces juges ont exercé leur fonction en Israël est court par rapport à ce qu’il y a eu précédemment dans le livre des Juges : six ans, sept ans, dix ans, et huit ans. Avant Jephté, on avait eu Tola, 23 ans, et Yaïr, 22 ans. Avant ça, on avait eu des précisions comme pour Otniel ou pour Débora : « Le pays fut tranquille pendant quarante ans » (Jg 3.11 ; 5.31), ou pour Éhoud : « Le pays fut tranquille pendant quatre-vingts ans » (Jg 3.30). Mais là, rien n’est dit sur la tranquillité du pays, mais on a des juges qui ne restent pas très longtemps.
Troisièmement, le texte répète comme un refrain : « Jephté mourut et fut enseveli… Ibstân mourut et fut enseveli… Élôn mourut et fut enseveli… Abdôn mourut et fut enseveli. »
Je ne sais pas si vous voyez ce qui est en train de se passer. L’auteur est en train de souligner l’insuffisance des juges pour inverser le déclin et le délitement d’Israël. Si vous avez suivi cette série de messages sur le livre des Juges, vous avez peut-être été frappé de voir comment la situation dégénère en fait progressivement au fil de l’histoire. L’idolâtrie des Israélites empire, leur infidélité à l’Éternel empire, leurs divisions internes empirent, les juges que Dieu leur envoie sont de moins en moins bons, et maintenant, on voit que le système lui-même des juges est de plus en plus fragile et instable.
Et c’est possible qu’en nous donnant des précisions sur le nombre d’enfants qu’avaient certains juges, l’auteur veut dresser un contraste entre la prospérité et la puissance apparentes de certains juges selon des critères humains, et l’insuffisance de leur rôle pour vraiment corriger les problèmes du peuple d’Israël.
En gros, qu’est-ce qu’on voit dans ces versets ? On a eu des chefs qui avaient l’air impressionnant, on a essayé des chefs qui venaient d’un peu partout, mais finalement, on arrive à les garder de moins en moins longtemps, et ils finissent tous par disparaître de toute façon, et personne n’a réussi à inverser la tendance du peuple à s’autodétruire.
Et vous comprenez bien quelle est la question qui est soulevée, ici. Quel espoir est-ce qu’il y a pour le peuple de Dieu ? Qu’est-ce qui serait efficace pour les tirer d’affaire ? Qui sera suffisant pour les sauver ?
Ça me fait penser un peu à la fameuse épée du roi Arthur, plantée dans le rocher, que personne n’arrive à déloger. Sur la lame, il est écrit que celui qui arriverait à retirer l’épée du rocher deviendrait le roi de toute la Bretagne. Et donc plein de gens essaient de retirer l’épée du rocher, mais personne n’y arrive. Et on a les juges dans notre livre des Juges, qui sont un peu comme ça. Ils se succèdent les uns après les autres, mais malgré tous leurs efforts, personne n’arrive vraiment à sortir l’épée du bloc de granit. Personne n’arrive à établir un règne positif et durable pour Israël. Personne n’arrive à inverser la déchéance du peuple.
Mais dans la légende, un jeune écuyer qu’on n’attendait pas arrive à déloger l’épée, et il devient roi. Il s’appelle Arthur.
Et nous, dans notre histoire, dans l’histoire véritable des hommes, on a un fils de charpentier galiléen, qu’on n’attendait peut-être pas, mais dont la naissance est annoncée en ces mots par l’ange Gabriel :
« Il sera grand et sera appelé Fils du Très-Haut, et le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père. Il règnera sur la maison de Jacob éternellement et son règne n’aura pas de fin. » (Lc 1.32-33)
Après sa naissance, Jésus a grandi, il était revêtu de l’Esprit de l’Éternel, il a vécu une vie d’obéissance parfaite à Dieu, sans jamais pécher, et il s’est présenté à la croix pour s’offrir volontairement en sacrifice, pour une raison très simple : il a voulu détourner sur lui-même la peine des péchés de son peuple. Il a voulu porter sur lui-même le mal profond qui était dans notre cœur, et en régler le prix, pour délivrer de cette manière les croyants de la punition qu’on méritait de la part de Dieu, à cause de ce mal qui était en nous et qui nous détruisait et qui détruisait les autres.
Mais ce qu’il y a, c’est que Jésus n’est pas simplement mort pour expier nos péchés, il est aussi ressuscité le troisième jour pour triompher de la puissance du péché. Par sa mort et sa résurrection, Jésus a vaincu tous les ennemis de Dieu et des croyants. Et si on a la foi en lui, si on se repose en lui, eh bien tous les bienfaits de la mort et de la résurrection de Jésus nous sont communiqués. Ça veut dire que si on est croyant, le péché n’a plus de pouvoir de condamnation sur nous, et n’a plus de pouvoir de contrôle sur nous, et n’a plus le pouvoir de la mort sur nous non plus.
Par sa mort, sa résurrection, et son ascension auprès du Père, Jésus le Fils de Dieu a établi son règne, un règne parfait, un règne éternel, au profit de son peuple—c’est-à-dire de tous les croyants. C’est comme ça, en fait, que Jésus a délogé l’épée du rocher—l’épée qu’aucun autre juge ou chef en Israël n’a réussi à déloger—et il est devenu roi non pas seulement de toute la Bretagne, mais de tout l’univers. Et il a été donné pour chef suprême à l’Église.
« Jephté fut juge en Israël pendant six ans », mais le règne de Jésus est éternel. « Jephté le Galaadite mourut et fut enseveli au milieu des villes de Galaad », mais Jésus mourut, fut enseveli, et « le troisième jour il est ressuscité des morts, il est monté au ciel, il siège à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, il viendra de là pour juger les vivants et les morts. »
Aucun moyen humain ordinaire ne pourra jamais inverser notre tendance à l’autodestruction—on a bien plutôt besoin d’une intervention extraordinaire. Les Israélites qui lisent ce texte avec un peu de recul et de lucidité—les Israélites qui lisent leur propre histoire dans les siècles qui ont suivi—ils pouvaient le comprendre, ça. Ils avaient besoin d’une intervention extraordinaire.
Et cette intervention extraordinaire est arrivée—lorsque les temps furent accomplis (Ga 4.4)—lorsque Dieu a envoyé son Fils Jésus-Christ tout accomplir pour que tous ceux qui se confient en lui reçoivent par sa grâce, par le moyen de la foi, le pardon de leurs péchés et l’assurance de la vie éternelle. Autrement dit : l’inversion de leur déchéance. Et c’est pour ça que même si vous êtes venu au culte ce matin sans être un croyant, eh bien Jésus est quand même ce qu’il y a de plus important pour vous. Et je vous exhorte de tout cœur à vous intéresser à lui, à apprendre à le connaître à travers les textes de la Bible et à travers le témoignage de vos amis chrétiens, et à placer votre confiance en lui.
Jésus est toujours ce qu’il y a de plus important.
Mais dans notre passage, il y a une application particulière qui est faite à la question de nos relations, notamment dans le cadre de la communauté des croyants. Parce que le contexte de notre passage, c’est une guerre fratricide qui a fait plus de victimes que dans l’explosion de la bombe atomique sur la ville de Nagasaki le 9 août 1945.
En introduction, on disait que les relations, c’était compliqué. Est-ce qu’on aimerait avoir entre nous, dans l’Église, des relations épanouies, bienfaisantes, pures, qui nous font du bien et qui honorent Dieu ? Des relations solides et durables ? Eh bien pour ça, si on en croit le texte qu’on a examiné ensemble ce matin, il faut qu’on fasse attention.
Faisons un peu d’introspection pour reconnaître à l’intérieur de nous-même nos tendances égocentriques, nos passions et nos envies, notre orgueil et notre susceptibilité, notre jalousie, nos sentiments désordonnés, nos désirs affectifs… C’est un travail difficile mais nécessaire. Est-ce que vous prenez le temps de bien vous connaître ? Est-ce que vous arrivez à identifier à l’intérieur de vous la « loi du péché qui est dans vos membres », et « qui lutte contre la loi de votre intelligence », comme dit l’apôtre Paul (Rm 7.23) ?
C’est important, même dans vos temps de prière, de faire cette introspection à la lumière des Écritures Saintes, pour apprendre déjà à mettre les bons mots sur ce que vous vivez et ce que vous ressentez.
Soyons ultra vigilants, aussi, sur la manière dont nous pouvons parfois faire des fixations sur des petites contrariétés. La Bible dit que « l’amour couvre une multitude de péchés » (1 Pi 4.8). « L’amour ne médite pas le mal », ou « ne soupçonne pas le mal » (1 Co 13.5). Si notre foi est en Jésus, nous devrions reconnaître que Dieu lui-même nous a pardonnés des choses absolument horribles à ses yeux—notre péché est tellement infect au regard de la pureté et de la sainteté et de la justice de Dieu ! Mais Dieu a pris ça sur lui par Jésus-Christ. Par conséquent, nous on peut se faire grâce à notre tour les uns aux autres. On n’est pas obligé de s’arrêter sur une petite remarque ou un regard qui nous a semblé être de travers. On n’est pas obligé de s’agacer à cause d’un malentendu. On n’est pas obligé d’exiger des autres de la reconnaissance et des encouragements.
Inversement, bien sûr, on peut faire un effort, par la grâce de Dieu, pour être prévenant envers les autres, et justement les encourager, les remercier, les rassurer quand c’est nécessaire. On peut faire attention à respecter les autres et à leur parler avec gentillesse, avec patience, avec humilité ! Parce que Jésus lui-même, notre Seigneur, est doux et humble de cœur.
Et pour réaliser tout ça, justement, on a besoin d’avoir une piété personnelle et une piété d’Église perpétuellement centrée sur Jésus-Christ. Ça veut dire méditer sur qui il est, comment il est, ce qu’il a fait, ce qu’il fait encore et ce qu’il fera ! Parlons de lui dans nos familles, parlons de lui dans les groupes de maison, parlons de lui à nos amis. Pensons à lui dans la journée, au travail, dans la voiture. Il est tout pour nous !
C’est Jésus la clef de la transformation de notre vie et de l’épanouissement de notre Église. Comme on l’a dit ce matin : si on veut des relations entre nous qui soient bonnes et durables, il faut—par-dessus tout le reste—qu’on se laisse diriger par Jésus et par nul autre.
Oh ! Viens, Jésus, nous dévoiler le monde fraternel ! Oh ! Viens, Jésus, tracer notre chemin ; visite-nous, Étoile du matin ! Oh ! Viens, chef extraordinaire de l’Église. Dirige-nous, conduis-nous, unis-nous, donne-nous une sainte affection les uns pour les autres dans ta maison, dans la famille du Dieu vivant. Et un jour, dans ton paradis, cette communion sera parfaite.
J’ai hâte.