À quel point pensez-vous avoir besoin de l’Église ? Disons que si vous êtes là ce matin, c’est déjà que l’Église, ça ne vaut pas rien pour vous – vous devez quand même avoir au moins un petit peu d’intérêt pour ça. Mais à quel point pensez-vous vraiment en avoir besoin ?
Parmi nous, j’imagine qu’il y a des gens qui ne louperaient jamais un culte (sauf si ils étaient vraiment trop malades pour sortir de chez eux, et dès le lundi, ils sont là devant leur ordi à rafraîchir la page d’accueil du site web de l’Église pour pouvoir écouter la prédication dès qu’elle sera publiée !). Parmi nous, il y a des gens qui remplissent des carnets entiers de notes en écoutant les prédications le dimanche matin, qui se sont engagés comme bénévoles dans deux ou trois services de l’Église, qui sont membres, qui donnent 10% de leurs revenus tous les mois en soutien à l’Église, qui lisent attentivement la lettre de nouvelles de l’Église chaque mois et qui notent consciencieusement dans leur agenda toutes les dates importantes de la vie de l’Église, bref, des gens qui apparemment, considèrent que l’Église a vraiment une place super importante dans leur vie, et qui vont recevoir avec empressement l’influence de l’Église dans leur vie, à travers l’enseignement et les relations interpersonnelles.
Mais parmi nous, il y a sûrement aussi des gens qui trouvent que tout ça, c’est peut-être un peu exagéré. Et donc, pour certaines personnes, finalement, l’Église, c’est bien, mais avec modération. L’Église, c’est bien, mais il y a à prendre et à laisser. L’Église, c’est bien, mais il ne faut pas la laisser prendre le contrôle de notre vie.
Et si vous êtes français, surtout, il y a des chances que vous ayez un petit côté anticlérical, un petit côté révolutionnaire, un petit côté gaulois réfractaire qui fait que dès qu’une institution a quelques relents d’autorité, eh bien vous allez intuitivement avoir une réaction de méfiance. Vous n’allez quand même pas laisser quelqu’un d’autre vous dire ce que vous devriez faire et encore moins ce que vous devriez penser !
Et donc au fond, vous n’estimez pas avoir énormément besoin de l’Église. Parfois peut-être que vous avez envie de l’Église, mais ça, ça peut changer d’une semaine sur l’autre, ou d’un trimestre sur l’autre. Vous avez peut-être envie de l’Église de temps en temps, mais fondamentalement, vous ne croyez pas en avoir besoin plus que ça.
Et cette question – à quel point est-ce qu’on a vraiment besoin de l’Église – c’est la question qui est soulevée dans le texte qu’on va lire dans un instant.
On est dans la suite du livre des Juges, qu’on étudie maintenant depuis plusieurs mois. Le livre des Juges, c’est une partie de l’Ancien Testament qui raconte des épisodes de l’histoire d’Israël qui ont eu lieu plus de mille ans avant l’époque de Jésus-Christ. Et la dernière fois, on a vu la fin de l’histoire du dernier « juge » parmi les douze qui sont mentionnés dans le livre. (Les « juges » sont des conducteurs, généralement des chefs de guerre, que Dieu a suscités pour défendre les Israélites contre leurs oppresseurs, à cette époque particulière où les Israélites avaient commencé à vivre en terre promise, mais où il n’y avait pas encore de roi pour gouverner le pays.)
Et donc maintenant, après la fin de l’histoire du douzième juge, on passe à une nouvelle section du livre, qui va aussi être la dernière. Dans cette section (chapitres 17-21), il n’y aura plus de juges – et d’ailleurs, chose remarquable, il n’y aura pas non plus d’ennemis ou d’oppresseurs extérieurs à Israël. On va avoir à la place essentiellement deux histoires internes à Israël. Aujourd’hui, on va voir la première moitié de la première histoire.
C’est l’histoire d’un certain Mika – et vous allez voir que dans cette histoire, il se passe des choses vraiment bizarres, des choses qui sont censées nous intriguer, et même nous choquer si on connaît un tout petit peu le reste de la Bible.
Et l’auteur de ce texte a vraiment un but, c’est de montrer à ses lecteurs (qui sont des Israélites à l’origine) à quel point ils ont besoin d’être gouvernés par quelqu’un, par un bon roi fidèle et sage qui va les aider, en fait, à avoir une bonne relation avec Dieu, et à maintenir cette relation et même à progresser dans cette relation.
Or nous qui lisons ce passage plus de trois mille ans après les événements qui y sont rapportés, on a des éléments en plus qui viennent nous aider à comprendre comment ce passage s’applique à nous aujourd’hui. Cette clef de compréhension, je vous la donne tout de suite, et je la développerai tout-à-l’heure : c’est que depuis cette époque, Dieu a effectivement donné à son peuple un roi parfait – parfaitement fidèle et sage – c’est Jésus-Christ, et ce roi gouverne son peuple aujourd’hui par des moyens que Dieu a établis et qui sont administrés (tenez-vous bien) par l’Église.
Dans la mesure, donc, où l’histoire qu’on va lire dans un instant est là pour nous montrer qu’on a besoin d’être gouvernés par un bon roi dans l’intérêt de notre relation avec Dieu, eh bien la leçon de ce passage pour nous aujourd’hui, c’est tout simplement la suivante : c’est que normalement, on ne peut pas se passer de l’Église, si on veut avoir une bonne relation avec Dieu. On a besoin d’être gouverné par Jésus, sans quoi on se met vraiment en danger – et comment est-ce qu’on se soumet à la gouvernance de Jésus ? On se soumet à sa gouvernance quand on s’attache pleinement à son Église.
Donc lisons le texte avant d’aller plus loin. Et au cas où ce ne serait pas très clair à la lecture du passage, sachez d’avance qu’à peu près tout ce qui se passe dans cette histoire, ce n’est pas bien ! Et vous allez voir qu’il y a deux parties à ce passage. La première, où on voit comment on peut facilement se tourner vers une religion inventée (quand on n’est pas gouverné par quelqu’un qui sait mieux que nous), et la seconde, où on voit comment on peut facilement se tourner vers une religion intéressée.
Alors premièrement, le danger d’une religion inventée. La première chose que ce texte veut nous faire comprendre, c’est qu’on a beau être sincère, on a beau avoir un fort sentiment religieux et être disposé favorablement envers la spiritualité – eh bien, si on est livré à nous-mêmes, on va partir dans tous les sens. On va s’inventer des trucs pas possibles, en pensant qu’on fait bien, mais en réalité, on risque de faire des trucs abominables aux yeux de Dieu !
Regardez ce qui se passe dans la première moitié de ce passage (v. 1-6). C’est assez surprenant. Un homme a piqué 1100 sicles d’argent à sa mère, c’est-à-dire à peu près 12 kg. Étant donné que ce même bonhomme va rémunérer un prêtre 10 sicles par an un peu plus tard dans le texte (v. 10), ça veut dire que 1100 sicles, ça représente plus de 100 ans de salaire ! C’est vraiment beaucoup d’argent !
Mais ce gars, qui s’appelle Mika, rend l’argent à sa mère, sûrement parce qu’il a peur des imprécations qu’il a entendues (une imprécation, c’est une parole de malédiction). Donc Mika entend sa mère qui maudit le voleur de son argent, et il se dit : « Ouh là là, je vais conjurer le sort en rendant l’argent. » Et ensuite, sa maman se dit la même chose : « Mince, j’ai maudit mon fils, je vais conjurer le sort en le bénissant à la place, et même, je vais consacrer une partie de cet argent à l’Éternel pour rembourser la malédiction de mon fils. »
Et elle se dit : « Il faut vraiment que je fasse quelque chose de bien pour annuler la malédiction de mon fils, alors qu’est-ce que je pourrais faire pour rendre Dieu propice ? Je vais donner de l’argent à un artisan (2 kg environ) et il va nous fabriquer des icônes religieuses qu’on va placer ensuite dans la maison de mon fils – là, c’est sûr, on va être couvert, c’est ce genre de truc qu’il faut faire pour montrer qu’on est très pieux. »
Donc c’est ce qui se passe, et en plus, Mika lui-même va faire construire des objets religieux supplémentaires (« un éphod et des téraphim », v. 5) pour les ajouter chez lui, et en plus, il va prendre un de ses fils et le nommer prêtre de la famille.
Donc avec la maman, le fils et le petit-fils, on a une famille très religieuse, vous voyez ? Mais le problème, c’est que les Israélites qui lisent cette histoire quelques années plus tard, et nous aussi si on connaît un peu la Bible, eh bien on devrait être très dérangé ! Il y a des choses extrêmement dissonantes dans cette histoire !
D’abord, Mika a volé de l’argent à sa mère ! Il a enfreint le cinquième et le huitième commandements en même temps, et sûrement le neuvième aussi parce qu’il a très certainement menti à sa mère quand elle cherchait son argent. Ensuite, il rend l’argent, mais ce n’est pas par repentance, c’est parce qu’il a peur du mauvais sort. Ensuite, avec sa maman, ils vont faire construire des objets religieux pour les utiliser dans leur culte, et ça, c’est contraire au deuxième commandement.
Les termes employés dans notre passage, d’ailleurs, sont très significatifs : « La maman de Mika donna l’argent au fondeur, qui en fit une statue et une image en métal fondu. On les plaça dans la maison de Mika » (v. 4). Mais dans la loi de Moïse, qui a été écrite avant ces événements, il est dit :
« Maudit soit l’homme qui fait une statue ou une image en métal fondu, horreur aux yeux de l’Éternel, œuvre des mains d’un artisan, et qui la place dans un lieu secret ! – Et tout le peuple répondra et dira : Amen ! » (Dt 27.15)
Donc vous voyez la dissonance ? On a à la fois des gens qui semblent se comporter avec beaucoup de zèle religieux, mais il y a un truc qui ne colle pas ! Ces gens-là se retrouvent à faire des trucs contraires à la loi de l’Éternel, des trucs qui sont littéralement horribles à ses yeux, mais ces gens-là, on dirait qu’ils ne s’en rendent pas du tout compte. C’est presque comique. En fait, c’est tragi-comique !
Et pourquoi ça se passe comme ça ? L’auteur nous donne la réponse au verset 6 :
« En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon. »
Autrement dit, s’il y avait eu un roi en Israël, un roi fidèle et sage pour gouverner le pays, eh bien Mika et sa famille, ils n’auraient pas fait tout ça.
Elle n’a pas l’air très méchante, cette famille. Mais à défaut d’être gouvernée par quelqu’un de fiable, elle a complètement dévié de la religion voulue par l’Éternel. Vous voyez, on a beau être sincère, on a beau avoir un fort sentiment religieux et être disposé favorablement envers la spiritualité – eh bien, si on est livré à nous-mêmes, on va partir dans tous les sens.
C’est un peu comme si je vous invitais chez moi pour une fondue au fromage. Sauf que je ne connais pas la recette, je n’ai pas de livre de recettes chez moi, je n’ai pas de téléphone et ma connexion à internet est en panne. Alors je me dis : « Bon, une fondue au fromage, par définition, il doit y avoir du fromage dedans. Et ça doit être fondu. Allez, qu’est-ce que j’ai comme fromage ? Du Babybel. De la Vache qui rit. Du parmesan. Allez, je mélange tout ça, je mets au micro-ondes. Ah oui, ça fond quand même. Hmm, mais il faudrait que ce soit un peu plus liquide, qu’est-ce que je pourrais ajouter dedans ? Un peu de jus d’orange ? Un peu de whisky ? Un peu de café ? »
Bref, je ne suis pas sûr que vous appréciez beaucoup ma fondue au fromage. « Maudit soit l’homme qui fait une fondue au fromage avec du Babybel et de la Vache qui rit, horreur aux yeux des Suisses, œuvre d’un sauvage, et qui la place dans un caquelon. »
Mais trêve de plaisanterie : on sait qu’il y a plein de domaines dans la vie, où on ne peut pas juste deviner ce qu’il faut faire, intuitivement. Eh bien, c’est comme ça dans le domaine de notre relation avec Dieu ! Et je dirais même à plus forte raison dans le domaine de notre relation avec Dieu, puisque c’est certainement le domaine de notre existence qui est le plus important ! Si beaucoup de gens seraient offensés par mon invention culinaire, à combien plus forte raison Dieu lui-même, le Dieu unique et trois fois saint, sera-t-il offensé par nos inventions religieuses, par ces trucs qui viennent de nous, de notre imagination, et qu’il n’a jamais demandés, ou pire, qu’il a expressément désignés comme lui étant désagréables ?
Et donc si on veut éviter de partir dans tous les sens dans notre relation avec Dieu, on a besoin d’être gouverné dans ce domaine. On ne peut pas se fier à soi-même. On ne peut pas se fier à notre sens religieux, à nos idées, à nos envies, à notre créativité, ou à notre logique. On doit prendre conscience de ça, et faire attention : on a vraiment besoin d’aide et d’autorité extérieures dans le domaine de notre relation avec Dieu.
Et on va y revenir dans un moment, mais pour l’instant, je veux quand même citer notre confession de foi, qui dit ceci :
« Le vrai Dieu lui-même a ordonné et fixé par sa propre volonté la façon de lui rendre un culte, de telle sorte qu’aucun culte ne peut lui être rendu selon l’imagination et les désirs des hommes, ou selon les suggestions de Satan, sous quelque représentation que ce soit, ou de quelque autre manière que ce soit non prescrite dans la Sainte Écriture. » (Westminster 21.1)
Donc on a déjà là une première piste : celle de la Bible, comme source d’information fiable de la part de Dieu pour nous guider dans le domaine de notre relation avec lui. Et on va y revenir, je vous assure. Mais d’abord, le deuxième point.
Deuxièmement : le danger d’une religion intéressée. La deuxième chose que ce texte veut nous faire comprendre, dans la deuxième partie du passage qu’on a lu (v. 7-13), c’est que si on est livré à nous-mêmes, non seulement on va partir dans tous les sens au niveau de notre relation avec Dieu, mais on va assez naturellement glisser vers une religion qui nous arrange.
Alors qu’est-ce qui se passe dans notre histoire ? Il y a un nouveau personnage qui apparaît, c’est un « Lévite », nous dit le texte (v. 7). Un Lévite, dans la Bible, c’est un Israélite qui descend de la tribu de Lévi (qui était un des douze fils de Jacob – Jacob dont le nom a été changé à Israël a eu douze fils qui sont devenus les douze tribus d’Israël). Mais surtout, un Lévite selon la loi de Moïse, c’était quelqu’un qui faisait partie d’une tribu qui était un peu à part, comparée aux autres tribus, puisque cette tribu de Lévi était censée être consacrée au service de Dieu (voir Nb 1.47-54 ; Nb 3.5-12 ; Nb 4, 8, 18 ; Dt 18.1-8…).
Donc les Lévites, c’était un peu comme un clergé, si vous voulez. C’était la tribu qui était censée être spécialiste du culte de l’Éternel.
Et donc on découvre un Lévite qui semble être un peu vagabond dans notre texte, et surtout, Mika le rencontre et se dit : « Wouah, quelle chance ! Je vais pouvoir passer à un niveau supérieur, en remplaçant mon fils par un véritable Lévite, un sacrificateur A.O.P. appellation d’origine protégée ! Il faut absolument que je l’embauche ! »
Et donc Mika lui fait une super proposition, avec rémunération et avantages en nature (v. 10). Et le gars, il accepte, et il devient « un père et un sacrificateur » pour Mika, c’est-à-dire qu’il est perçu comme un protecteur, un chef spirituel, un médiateur pour Mika et pour sa famille. Et Mika est très content, il va intégrer ce Lévite « comme un fils » dans sa famille (v. 11). Il avait un fils dont il avait fait un sacrificateur, c’était déjà pas mal ; maintenant il a un sacrificateur dont il a fait un fils, c’est encore mieux !
Imaginez que vous ayez toujours rêvé d’avoir dans votre foyer, sous votre toit, quelqu’un qui sache faire des gnocchi—parce que vous adorez les gnocchi, vous comprenez ! Mais vous ne savez pas les faire vous-même. Alors vous prenez un de vos enfants, et vous lui dites : allez, toi tu vas apprendre à faire des gnocchi, parce que j’aime trop ça et j’ai trop envie d’avoir quelqu’un chez moi qui sache les faire ! Mais le problème, c’est que votre enfant, il va peut-être regarder un peu sur internet, il va peut-être essayer d’apprendre, mais ça ne sera jamais aussi bien que si vous aviez quelqu’un d’origine italienne chez vous qui sache faire ça bien comme il faut, avec une méthode artisanale vraiment authentique. Et si un jour, vous avez quelqu’un comme ça qui veut bien habiter chez vous, un peu comme un enfant adoptif, alors ce n’est plus à votre enfant que vous allez demander de faire des gnocchi, mais bien à cette personne-là, n’est-ce pas ? Vous êtes passé à un niveau supérieur !
Pardon pour cette nouvelle illustration culinaire, mais c’est un peu ce qui se passe dans le texte. Mika est très content, parce qu’on a déjà vu qu’il avait un sentiment religieux assez fort, et maintenant il a une opportunité inespérée, c’est d’avoir un spécialiste des gnocchis – pardon, un spécialiste de la religion qui va habiter chez lui ! Et on voit pourquoi il est si content, au verset 13 : « Maintenant, je sais que l’Éternel me fera du bien, puisque j’ai ce Lévite pour sacrificateur. » (Sous-entendu : « au lieu de simplement mon fils » !)
Et ça aussi, en fait, c’est censé mettre très mal à l’aise les Israélites qui lisent cette histoire. Et nous aussi, si on connaît un petit peu la Bible. Parce qu’en fait, normalement, d’après la loi de Moïse toujours, on n’est pas censé pouvoir offrir des sacrifices n’importe où, n’importe quand. On n’est pas censé avoir son prêtre personnel et son petit lieu de culte privé. Et le Lévite, il n’aurait jamais dû accepter cette offre d’emploi. Normalement, les Lévites étaient censés s’occuper du Tabernacle et des ustensiles du culte de l’Éternel – le Tabernacle, c’était le sanctuaire que Dieu avait commandé de fabriquer, et il se trouvait à cette époque dans la ville de Silo, et non chez Mika (même si ce n’était pas très loin). Donc ce Lévite, c’est un peu comme un déserteur quand même, et il accepte d’être payé pour faire quelque chose d’autre que ce à quoi il était normalement appelé.
Et surtout, ce Lévite, il aurait dû prendre ses jambes à son cou en voyant le petit sanctuaire privé de Mika avec des idoles dedans ! Il aurait dû fuir en voyant la statue et l’image en métal fondu, et l’éphod et les Téraphim. Il aurait dû sévèrement réprimander Mika, et immédiatement retourner à son poste à Silo.
Mais le Lévite est intéressé par l’argent et par la stature qu’on lui propose ; et Mika est intéressé par la plus grande faveur de Dieu qu’il pense obtenir en rémunérant ce prêtre. « En ce temps-là, il n’y avait point de roi en Israël. Chacun faisait ce qui lui semblait bon. » Et quand on fait ce qui nous semble bon, on fait ce qui nous arrange – y compris dans le domaine religieux ou spirituel.
On a cette tendance, en fait, profondément ancrée en nous – cette tendance à penser que la religion c’est une technique qu’on doit apprendre à maîtriser pour pouvoir obtenir des bienfaits spirituels en retour. Mika pense que plus il en fera, et plus il aura des outils religieux pointus et sophistiqués, mieux il se portera dans sa relation avec Dieu. C’est archi-faux, mais cette façon de penser nous vient assez naturellement.
Or la religion biblique, telle que Dieu l’avait révélée déjà aux Israélites notamment par l’intermédiaire de Moïse, eh bien ça part du constat que nous, en fait, on est absolument incapable de produire quoi que ce soit comme performance religieuse, ou d’acheter quoi que ce soit comme dispositif religieux, qui nous permette d’obtenir la faveur de Dieu en retour.
Vous pouvez acheter ou construire la plus belle église du 7ème arrondissement, vous pouvez embaucher le meilleur pasteur de France, vous pouvez aller allumer tous les cierges que vous voulez à la Basilique de Fourvière, vous pouvez réciter tous les Notre Père que vous voulez, ou toutes les prières puritaines qui ont jamais été publiées, vous pouvez faire le signe de croix autant de fois que vous voulez, faire un régime ultra strict pendant le Carême, vous mettre de la cendre sur le front, vous confesser auprès d’un prêtre, et même auprès de l’archevêque de Lyon, vous pouvez lire toute la Bible dix fois par an, apprendre par cœur tout le chapitre 8 de l’épître aux Romains, ou même tout le Nouveau Testament, vous pouvez faire vœu d’obéissance, vœu de pauvreté, vœu de chasteté – et beaucoup de ces choses sont vraiment bien – mais rien de tout ça ne va vous faire obtenir la faveur de Dieu en retour !
Or le problème, c’est que si on est livré à nous-mêmes, on va aller dans cette direction ! Si on a personne pour nous gouverner dans ce domaine, on va assez naturellement glisser vers une religion qui nous arrange – une religion intéressée, où on va pouvoir servir nos propres intérêts par nos propres techniques. Et c’est une religion qui nous arrange, en fait, quand on peut acheter le dispositif qui va nous obtenir la faveur de Dieu.
Mais la religion biblique, la vraie religion, la seule religion véritable, c’est l’inverse de ça. D’après la Bible, on n’a absolument aucun levier qu’on peut actionner sur Dieu. C’est Dieu seul qui est l’auteur de notre salut. Nous, on ne peut pas mettre en place un système de médiation entre nous et Dieu, on ne peut pas construire un pont pour relier les deux rives et passer par-dessus cet abîme qui nous sépare de Dieu ; on n’a tout simplement pas les moyens, et même Mika avec tout son argent n’avait pas les moyens.
D’après la Bible, c’est Dieu qui a payé lui-même le coût de cette médiation entre nous et lui. Il s’est présenté lui-même comme ce médiateur, en prenant la nature humaine en la personne de Jésus-Christ. Et il a payé le prix de notre réconciliation avec lui – le prix de sa faveur envers nous – en s’offrant lui-même sur la croix. Il a prix sur lui la peine de nos fautes qui nous séparaient de lui, il en a réglé le prix, et maintenant, si on place notre confiance en lui (gratuitement, tout simplement en nous reposant sur lui), eh bien sa justice, ses mérites, ses richesses nous sont imputées. Et par conséquent, on devient l’objet de la faveur complète de Dieu pour toujours !
C’est seulement par la grâce de Dieu qu’on obtient ce que Mika espérait. Mika cherchait à obtenir la faveur de Dieu en multipliant les efforts religieux et en achetant même son propre médiateur personnel – mais en réalité, c’est Dieu qui a produit tous les efforts pour nous, et qui nous présente sa faveur à ses frais, en produisant le seul médiateur digne et efficace : Jésus-Christ, mort et ressuscité pour tous ceux qui s’attachent à lui par la foi.
Mais ça, voyez-vous, on ne peut pas le deviner. On a besoin d’être instruit. On a besoin d’être éclairé. On a besoin d’être gouverné par quelqu’un qui sait mieux que nous et qui nous révèle ces choses. Les Israélites n’avaient pas de roi à cette époque-là, et l’auteur veut vraiment qu’on comprenne que ça leur portait préjudice ! Quand on fait ce qui nous semble bon, eh bien en fait, on se plante !
Alors Dieu leur a donné des juges, il leur a donné par la suite des rois, et il leur a donné des bons prêtres parfois, et des bons prophètes aussi qui leur ont rappelé les voies de Dieu, et qui ont parfois réformé le pays pour corriger ce qui n’allait pas et rétablir une meilleure relation avec Dieu. Et donc en lisant cette histoire, les Israélites étaient censés mieux apprécier ce que Dieu leur donnait comme moyens d’être gouvernés dans la vérité.
Mais il n’y a jamais eu dans l’histoire d’Israël de conducteur parfait – il n’y a jamais eu de prophète, de prêtre ou de roi parfaitement fidèle et sage – jusqu’à ce que Jésus arrive, un peu plus de mille ans après ces événements. Jésus a été le prophète parfait, il a enseigné les voies de Dieu de la part de Dieu. Il a été le prêtre parfait, il s’est offert lui-même comme sacrifice pour expier les péchés de ceux qui se confient en lui. Et il est le roi parfait, puisqu’il est ressuscité en vainqueur sur le mal et sur la mort, et il est monté au ciel, et il siège aujourd’hui à la droite de Dieu, le Père tout-puissant, et il règne spirituellement sur toute la création, et il a été donné pour chef suprême à l’Église – qui est le peuple de Dieu sur la terre.
Depuis son trône dans le ciel, Jésus poursuit son ministère de prophète parfait : il nous parle à travers les Saintes Écritures pour nous instruire dans la vérité, dans la mesure où ces Saintes Écritures sont lues, enseignées et crues par son peuple. Jésus poursuit aussi son ministère de prêtre parfait : il intercède perpétuellement pour les croyants auprès de Dieu le Père, c’est-à-dire qu’il fait valoir en permanence les mérites de son œuvre, qui nous sont imputés – c’est pour ça qu’on n’aura plus jamais besoin d’un autre sacrifice ni d’un autre prêtre pour être assuré de la faveur de Dieu qui nous a été garantie une fois pour toutes par l’effusion du sang de Jésus sur la croix ! Et enfin, Jésus poursuit son ministère de roi parfait : il veut gouverner son peuple depuis son trône dans le ciel, et il le fait par les moyens qu’il a lui-même établis. Ces moyens sont les offices, les oracles et les ordonnances.
Les offices, c’est-à-dire les fonctions perpétuelles de pasteur, d’ancien et de diacre qu’il a données à l’Église : quand ces fonctions sont exercées dans l’Église, alors Jésus est en train de s’occuper réellement, tangiblement, de son peuple. Les oracles, c’est-à-dire la Parole de Christ, qui est son sceptre (És 11.4), et qui est dispensée dans l’Église : quand la Bible est enseignée (comme c’est le cas maintenant), eh bien Jésus est alors en train de parler avec autorité, réellement et tangiblement, à son peuple. Et les ordonnances, c’est-à-dire ce qu’on appelle les moyens de grâce, tout spécialement les sacrements que sont le baptême et la sainte cène : quand ces choses-là sont vécues dans l’Église, avec la prière, le culte, la communion fraternelle, la discipline d’Église, alors Jésus est en train de gouverner réellement et tangiblement son peuple !
Quelle chance de vivre en 2024 après Jésus-Christ – après que Dieu a suscité un roi parfaitement fidèle et sage pour son peuple – et quelle chance d’avoir des Églises chrétiennes fidèles dans notre pays ! Certes, peut-être pas encore des milliers et des milliers, mais quand même des Églises qui reconnaissent le vrai Christ, qui ont des anciens et des diacres, qui enseignent la Parole du roi, et qui administrent les sacrements.
Vous voyez, on n’est pas du tout obligé de vivre comme à l’époque des juges, où « chacun faisait ce qui lui semblait bon ». Mais est-ce qu’on se rend compte à quel point on a vraiment besoin de l’Église ? Toute la leçon de ce passage, comme on l’a dit en introduction, c’est que normalement, on ne peut pas se passer de l’Église, si on veut avoir une bonne relation avec Dieu. Parce que Jésus est le roi parfait que Dieu a donné à son peuple pour le gouverner, pour le conduire, pour le protéger, pour le nourrir, pour prendre soin de lui – et Jésus fait ça normalement à travers l’Église.
Alors où est-ce que vous en êtes, vous aujourd’hui ?
Peut-être que vous êtes tout jeune dans la foi, ou vous êtes juste en train de découvrir ce que c’est que la foi chrétienne. Vous êtes venu une fois ou deux à l’Église, vous êtes vraiment encore au stade de l’observation ou de la découverte. C’est vraiment génial que vous vous intéressiez à la foi, et que vous ayez cette envie d’avancer dans votre recherche spirituelle. La première chose que je veux vous dire, c’est que j’espère de tout cœur que avez pu voir que Jésus, c’est tout ce qu’il vous faut. Vous pouvez vous reposer en lui, vous appuyer sur lui, vous confier en lui sans réserve, il est totalement digne de confiance, il est bon, il est doux, il est miséricordieux, il est compatissant, il est patient, il est merveilleux. Il est le chemin, la vérité et la vie ; il est le bon berger, et il est la porte de la bergerie ; il est votre accès auprès de Dieu, il vous procure le pardon et la vie éternelle, il est la sécurité des croyants pour toujours !
Venez à Jésus, et apprenez à le connaître de plus en plus, en vous attachant à son Église. Prenez dès que possible la résolution et l’habitude de donner à l’Église la priorité, au moins un jour par semaine, c’est-à-dire le dimanche, le premier jour de la semaine, le jour que Dieu a voulu mettre à part pour qu’on se réunisse avec d’autres croyants pour lui rendre un culte et pour écouter sa Parole. Et vous allez voir que vous allez progresser dans votre foi, et que plus l’Église aura de la place dans votre vie, plus vous aurez envie qu’elle ait de la place !
Mais peut-être que ça fait quelque temps déjà que vous êtes chrétien. Vous aimez l’Église, vous aimez chanter les louanges de Dieu, vous aimez retrouver d’autres croyants. La prédication, ça vous intéresse. Mais il y a d’autres choses dans votre vie, ou d’autres personnes, qui réclament aussi votre attention, votre temps, et peut-être votre loyauté. Ces choses ne sont sûrement pas mauvaises en soi. Mais parfois, les deux vous semblent incompatibles, même si vous auriez envie d’avoir les deux. Alors votre petit côté gaulois réfractaire commence à vous susurrer que finalement, c’est à vous que ce choix appartient. C’est votre vie après tout ! C’est vous qui pouvez décider de prendre ou de laisser ce que l’Église vous présente, et de prendre ou de laisser ce qui vous est présenté ailleurs. Le problème, comme on l’a vu ce matin, c’est que normalement (ou ordinairement) c’est par l’Église que Jésus, le seul roi parfait, gouverne les croyants – et on a besoin d’être gouverné par ce roi, sans quoi on peut commencer à se faire une religion qui nous arrange, avec une Église à la carte, et finir par se faire beaucoup de mal spirituellement.
Ou peut-être que vous professez la foi en Jésus, mais vous vous sentez vraiment embourbé dans des mauvaises habitudes, dans des péchés, dans des addictions, et vous avez énormément de mal à venir à l’Église et à participer à la vie de l’Église, parce que vous avez trop honte, franchement, et vous vous sentez complètement indigne. Mais en fait, en vous détachant de l’Église, ça va seulement empirer votre situation. J’aimerais que vous n’ayez pas honte de venir – parce que par la foi en Jésus, votre honte a été enlevée, et vous êtes approuvé par Dieu par sa grâce. Mais aussi parce qu’on est tous des malades et des coupables par nature, qui avons besoin de Jésus. Or, c’est dans l’Église et par l’Église et avec l’Église que vous allez ordinairement recevoir le soutien et les remèdes spirituels dont vous avez besoin.
Ou peut-être que vous avez été chrétien, mais que vous traversez une période de doute intense. Vous n’avez plus l’impression d’être un chrétien. Vous ne priez plus, vous n’avez plus du tout envie de lire la Bible. Et vous vous sentez même assez mal quand vous êtes en présence d’autres chrétiens qui eux, semblent vibrer pour Dieu ! Et vous êtes en train de vous éloigner de plus en plus de l’Église, justement. J’ai envie de vous dire : s’il vous plaît, ne faites pas ça ! Vous êtes comme un malade qui a perdu l’appétit ; mais si vous arrêtez de vous alimenter, vous allez certainement mourir, mais ce ne sera pas de votre maladie, ce sera de faim ! Même si vous n’en avez pas l’impression, en réalité, vous avez un besoin vital de l’Église, parce que sans l’Église, vous allez vous habituer à vous gouverner vous-mêmes – et peut-être que c’est ce que vous voulez – mais vous êtes beaucoup moins fiable que Jésus !
Enfin, peut-être que vous êtes un chrétien très convaincu. Vous aimez Dieu, vous aimez vos frères et sœurs dans la foi, vous avez très, très envie de suivre Jésus et de le laisser gouverner votre vie parce que vous lui faites tendrement confiance. Mais peut-être que vous êtes empêché de prendre part à la vie de l’Église – parce que vous êtes malade, ou infirme, ou très âgé, ou peut-être que vous avez des impondérables familiaux ou professionnels. Dans ce cas, c’est au reste de l’Église que je veux m’adresser : mes bien-aimés, c’est à nous de manifester à ces personnes la solidarité de l’Église. Bien sûr, on peut la manifester cette solidarité aux autres personnes que j’ai mentionnées ; mais tout particulièrement aux personnes qui sont matériellement empêchées de participer à la vie de l’Église de Jésus-Christ alors qu’elles désirent être gouvernées par lui, eh bien on doit leur permettre de vivre leur attachement à l’Église, en les appelant au téléphone, en leur rendant visite, en leur signifiant notre affection et notre communion dans la foi.
Normalement, on ne peut pas se passer de l’Église, si on veut avoir une bonne relation avec Dieu !
Merci Jésus d’être venu et d’avoir tout accompli pour nous, pour qu’on puisse avoir cette relation avec Dieu ; merci d’avoir établi ton règne ; et merci d’avoir confié à ton Église les moyens d’administrer ton règne pour le plus grand bien de ceux qui croient en toi !