À qui ou à quoi est-ce que vous en voulez le plus, ce matin ? On a tous dans la vie, des gens, ou des choses, qui nous dérangent – qu’est-ce qui vous dérange le plus, ou qui est-ce qui vous dérange le plus, au moment où je vous parle ? Alors on va réfléchir à ça dans un instant, mais d’abord, j’aimerais faire un constat, et je ne sais pas si vous allez être d’accord avec moi.
On rencontre tous des difficultés dans la vie. Parfois ce sont de graves difficultés – un accident, un diagnostic inquiétant, une trahison, le chômage, la précarité – et parfois, ce sont des difficultés moins graves – rater son bus, se casser un ongle, trouer son pantalon, perdre une boucle d’oreille, marcher sur un Lego… Mais dans un cas comme dans l’autre, il me semble qu’on a facilement tendance à faire un truc : c’est chercher un bouc émissaire.
Chercher un bouc émissaire, ça veut dire qu’on a vite fait de reprocher à quelqu’un d’autre, ou à des circonstances extérieures à nous, les difficultés qu’on traverse. C’est à cause de mon patron qui n’est pas sympa ; c’est à cause de mon réveil qui n’a pas sonné ; c’est à cause de la météo qui a décidé de gâcher ma journée ; c’est à cause de mes enfants qui ne pensent qu’à eux ; c’est à cause de mon conjoint qui n’est pas attentif à mes besoins ; c’est à cause de mes parents qui m’ont donné une enfance malheureuse ; c’est à cause des écolos, ou des Américains, ou des immigrés, ou des moustiques, ou des cyclistes ; bref, c’est à cause de toutes ces circonstances contraires et de tous ces ennemis qui sont extérieurs à moi, que ma vie est difficile !
Et bien sûr, tout ça, ce n’est pas forcément entièrement faux. Mais à force de reprocher nos difficultés aux ennemis qui sont extérieurs à nous, on risque d’oublier ou de minimiser petit-à-petit le fait que notre ennemi le plus redoutable, en réalité, il n’est pas extérieur à nous – il est à l’intérieur de nous.
Est-ce qu’on est plus soucieux de ce qui nous arrive de l’extérieur, que de ce qui nous arrive de l’intérieur ? Est-ce que, à force d’en vouloir aux gens ou aux circonstances autour de nous, on finit par ne plus trop penser à cette réalité pourtant essentielle : c’est que moi, j’ai des problèmes, moi, je suis un être dysfonctionnel et défaillant, j’ai quelque chose en moi qui ne tourne pas rond, et c’est ça qui devrait me déranger plus que qui que ce soit ou quoi que ce soit d’autre. Et donc le texte qu’on va regarder dans un instant, il est là pour nous ramener vers ce genre de lucidité sur nous-même.
On est dans le livre des Juges, un livre qui fait partie de la Bible et qui raconte des événements qui se sont produits dans l’histoire d’Israël plus de mille ans avant la naissance de Jésus-Christ, à une époque où les Israélites avaient commencé à vivre en terre promise, mais où il n’y avait pas encore de roi qui gouvernait le pays. Et donc c’était une période assez chaotique, et on a vu la dernière fois le début d’une histoire vraiment horrible, qui nous est racontée pour nous montrer que les Israélites, en fait, étaient capables des mêmes atrocités que les non-Israélites, c’est-à-dire les païens.
Autrement dit, ceux qui connaissent Dieu et ceux qui ne connaissent pas Dieu ont tous un cœur infecté par le mal. Et justement, la dernière fois, on a vu cette histoire bouleversante d’une femme originaire de Bethléem qui a été violentée et abusée sexuellement toute la nuit par des hommes de la ville de Guibea – des gens qui font partie de la tribu de Benjamin. Donc des Israélites ont commis une infâmie, une « turpitude » à l’encontre d’une femme qui était elle-même une Israélite. Et la violence a été si extrême que cette femme est morte.
Par la suite, le mari (ou pseudo-mari) de cette femme a récupéré son cadavre et l’a découpé en douze morceaux qu’il a envoyés un peu partout dans le territoire d’Israël – ce qui a créé un véritable « séisme », comme on dit, puisque la nouvelle s’est vite propagée, et tout le monde a été extrêmement choqué par toute cette affaire. Et maintenant, donc, on va lire ce qui s’est passé après. Et en gros, ce qu’on va voir, c’est que toute cette histoire va déclencher une véritable guerre civile.
Mais ce que l’auteur veut nous montrer, surtout, c’est la dangerosité du mal qu’il y a à l’intérieur de nous. Ce qui doit nous frapper à la lecture de ce texte, c’est de voir que les Israélites n’ont pas besoin d’ennemis extérieurs pour se pourrir la vie, pour souffrir, pour faire souffrir les autres, et pour saborder le projet de Dieu pour leur vie !
Et ça, en fait, c’est la leçon que Dieu veut faire comprendre à son peuple au moment où ces choses se passent ; et c’est ce qu’il veut montrer aux Israélites des générations suivantes en leur rappelant leur histoire à travers ce récit ; et c’est ce qu’il veut encore nous expliquer aujourd’hui à travers ce texte qui a été consigné dans les Saintes Écritures. Cette leçon, on pourrait la résumer de la manière suivante : ce qui devrait nous préoccuper plus que tout autre chose dans la vie, ce n’est pas le mal qui existe autour de nous, mais c’est le mal qui existe en nous.
Dans le texte, on va voir les effets… du mal qui émerge d’Israël, et qui émerge non pas des peuples alentour. Dieu va montrer aux Israélites, dans la douleur, combien ce mal est préoccupant, et dangereux, et destructeur. Et il veut nous dire : « Regarde ! Regarde ce truc tellement mauvais. Eh bien ça, c’est vraiment toi ! »
Ce qui devrait nous préoccuper plus que tout autre chose dans la vie, ce n’est pas le mal qui existe autour de nous, mais c’est le mal qui existe en nous. Est-ce qu’on est prêt à recevoir ce message de la part de Dieu ? Prenons les choses dans l’ordre.
Premièrement, un ennemi intérieur. La première chose qu’on voit dans notre passage (v. 1-18), c’est qu’on doit prendre conscience que le mal est si attaché à nous que notre priorité numéro un devrait être, pour chacun, de balayer devant sa porte. C’est tellement facile de se plaindre de tout ce qui ne va pas autour de nous – et de tout ce qui ne va pas chez les autres – mais on devrait s’arrêter un instant, et se regarder attentivement dans le miroir. Que dis-je, on devrait s’ausculter soi-même, se faire son propre électrocardiogramme (son propre examen du cœur), se faire son propre bilan complet de santé morale et spirituelle – après quoi, on devrait prendre extrêmement au sérieux le diagnostic, et chercher à se faire soigner.
Qu’est-ce qui se passe dans le texte ? La communauté d’Israël se rassemble pour essayer de comprendre ce qui s’est passé pour que cette femme soit découpée en douze morceaux avant que les morceaux soient envoyés un peu partout dans le pays. L’auteur nous dit que le « Lévite », c’est-à-dire le pseudo-mari de la femme, prend la parole et qu’il raconte ce qui s’est passé. Nous, on connaît l’histoire, et on se rend compte que le Lévite passe sous silence sa propre lâcheté – lui qui, en réalité, a donné sa femme en sacrifice pour se sauver lui-même. Quoi qu’il en soit, le Lévite incrimine les habitants de la ville de Guibea, qu’il accuse d’avoir commis « une infamie et une turpitude en Israël » (v. 6), ce qui est vrai.
Alors, ce qui se passe, c’est que tout le peuple d’Israël va se mobiliser pour venger cette femme et rétribuer les coupables, en exigeant que la ville de Guibea soit rasée de la carte (en gros), et que les criminels soient exécutés (v. 10-13). Mais le problème, c’est que la tribu de Benjamin ne va pas être d’accord avec le reste du peuple d’Israël, et cette tribu-là va préférer se solidariser avec les habitants de Guibea pour défendre la ville et défendre les coupables. Pourquoi ? Parce que ce sont des Benjaminites, tout simplement.
Et donc on va avoir d’un côté, 400 000 Israélites prêts à en découdre avec la ville de Guibea et du coup, avec la tribu de Benjamin ; et de l’autre côté, on a 26 000 Benjaminites (qui sont aussi des Israélites), prêts à se défendre. Et l’auteur nous fait monter la mayonnaise, si j’ose dire, en nous faisant bien sentir la grande détermination des Israélites d’un côté – des hommes de guerre, tirant l’épée – et de l’autre côté, le caractère redoutable des Benjaminites qui comptent dans leurs rangs 700 tireurs d’élite, des snipers (gauchers) qui pouvaient lancer une pierre avec la fronde, viser un cheveu et ne pas le manquer ! (v. 16)
On est dans un film, là, vous comprenez ? C’est la grande bataille finale, en quelque sorte. On n’a jamais vu ça dans tout le livre des Juges. Au total, 426 000 hommes de guerre, en âge de se battre, réunis sur le champ de bataille. C’est 26 fois la population de Coulommiers. C’est le double de la taille de toute l’armée française aujourd’hui.
On n’a jamais vu ça dans tout le livre des Juges. Et justement. L’auteur insiste : par trois fois, il précise que « la communauté s’assembla comme un seul homme » (v. 1), « tout le peuple se leva comme un seul homme » (v ; 8), « les hommes d’Israël s’assemblèrent […], unis comme un seul homme » (v. 11). Depuis le début du livre des Juges, on a vu ce peuple d’Israël qui se délitait, qui se divisait, qui se démobilisait devant les peuples étrangers (les Cananéens) alors qu’ils étaient censés les déposséder du pays. On a vu les Israélites baisser les bras, rendre les armes, pactiser avec l’ennemi.
Mais maintenant, qu’est-ce qu’on voit ? C’est un genre de réveil ! « La communauté s’assembla comme un seul homme devant l’Éternel, à Mitspa. » (v. 1) On n’a jamais vu ça, et c’est censé nous montrer qu’il y a une prise de conscience vraiment forte. Il y a comme un électro-choc. Il y a un truc qui a réussi à mobiliser tout le monde (ou presque).
Alors c’est sûr que tous les événements dans le livre des Juges ne nous sont pas forcément rapportés dans l’ordre chronologique. Et donc c’est encore plus significatif que l’auteur ait voulu nous rapporter cette histoire en dernier alors qu’elle n’a pas forcément eu lieu en dernier, historiquement, par rapport aux autres épisodes du livre. C’est parce que dans l’esprit de l’auteur, ce qui se passe ici est emblématique, ou représentatif, de ce qu’il veut nous faire comprendre en dernier dans son récit.
Qu’est-ce qu’il veut nous faire comprendre ? C’est que le véritable combat d’Israël, ce n’est pas contre les Cananéens ; c’est contre lui-même. On a commis « une infâmie et une turpitude en Israël » (v. 6) ; il faut « extirper le mal du milieu d’Israël » (v. 13). Voilà ce qui est vraiment grave. Voilà où le combat doit se situer, et se mener, en priorité.
Le livre des Juges, globalement, c’est vraiment ça : c’est l’histoire de Dieu qui fait l’éducation de son peuple pour lui montrer qu’il a un problème plus grand et plus grave que simplement la présence de peuples méchants qui vivent autour de lui en terre promise. Ce problème, c’est celui du mal qui vit au milieu du peuple, parmi le peuple, dans le cœur-même des Israélites.
Et regardez ce qui se passe au verset 18. On a compris que le combat n’était pas contre les Cananéens, mais contre le mal qui est « au milieu d’Israël » et qui est représenté à ce moment-là par la tribu de Benjamin. Et les Israélites demandent à Dieu :
« Qui de nous montera d’abord pour combattre les fils de Benjamin ? L’Éternel répondit : Juda pour commencer. »
En fait, en lisant ce verset dans cet ultime épisode du livre des Juges, ça doit nous faire tilt ! On doit se dire : « Mais j’ai déjà entendu ça quelque part ! »
Retournez au tout premier verset du livre des Juges.
« Après la mort de Josué, les Israélites consultèrent l’Éternel en disant : Qui de nous montera d’abord contre les Cananéens, pour les combattre ? L’Éternel répondit : Juda montera. » (Jg 1.1)
L’auteur a fait exprès de nous rapporter cette histoire en dernier, parce que ça lui sert à boucler la boucle.
C’est comme dans un film de Christopher Nolan ! Le livre des Juges, c’est l’œuvre d’un historien qui est aussi un excellent écrivain, et qui veut nous montrer et nous illustrer la moralité de toute cette période chaotique de l’histoire d’Israël. C’est que finalement, le peuple d’Israël a un besoin plus pressant que celui d’extirper les Cananéens de la terre promise ; c’est celui d’extirper le mal du milieu d’Israël !
On arrive vers la fin du livre des Juges, et c’est comme un grand reset. On a eu des récits de défaites et d’échecs et de fiascos les uns après les autres. On a noté à quel point les récits empiraient au fur et à mesure. À chaque fois, il y a eu comme un cycle qui se répétait : les Israélites se détournent de Dieu, Dieu les livre à l’oppression de leurs ennemis, les Israélites crient à l’Éternel, l’Éternel leur envoie un libérateur, les Israélites sont délivrés et ils sont contents, puis les Israélites se détournent de Dieu, et le cycle recommence.
Vous avez peut-être vu le film Vivre, mourir, recommencer avec Tom Cruise et Emily Blunt (Doug Liman, 2014). Dans ce film de science-fiction, un des personnages doit revivre plusieurs fois le même cycle d’événements qui se termine à chaque fois par l’échec et la mort. Mais ce personnage va justement utiliser cette répétition du cycle pour apprendre comment en sortir. Il va tirer des leçons de ce cycle qui se répète, pour comprendre ce qui lui arrive et développer la capacité, à terme, de surmonter ces circonstances adverses.
Et finalement, c’est un peu ce qu’on a dans le livre des Juges. Un cycle qui se répète, et une leçon qui commence à apparaître de plus en plus clairement. Le véritable combat n’est pas contre l’ennemi extérieur. Il est contre l’ennemi intérieur.
Et cette leçon vaut pour nous aussi, bien sûr. C’est le premier point, comme je l’ai dit tout-à-l’heure : on doit prendre conscience que le mal est si attaché à nous que notre priorité numéro un devrait être, pour chacun, de balayer devant sa porte. Jésus a dit :
« Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l’œil de ton frère, et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil ? » (Mt 7.3)
Parfois, mes bien-aimés, on se persuade tellement que le problème, c’est les autres, que c’est finalement par une crise grave et douloureuse, parfois humiliante, que Dieu va nous faire prendre conscience que le véritable ennemi, il est intérieur. Certes, le mal est aussi chez les autres ; mais d’abord, il est en nous, et ça, ça devrait beaucoup, beaucoup plus nous préoccuper. N’attendons pas de répéter quinze mille fois le cycle, n’attendons pas la crise de trop, n’attendons pas que Dieu nous brise et nous dépouille sous l’effet de sa bonne discipline pour regarder honnêtement dans le miroir – dès maintenant – et pour accepter d’engager le combat là où il a besoin d’être mené en priorité.
Et justement, ça nous amène au deuxième point : un combat difficile. Si on revient au texte (v. 19-28), la deuxième chose qu’on voit, c’est que plus on laisse le mal s’installer en nous, ou parmi nous, plus la discipline de Dieu va être douloureuse. Mais attention, quand on parle de la « discipline » de Dieu, on n’est pas en train de parler de « punition » ou de « rétribution », comme si Dieu voulait simplement nous châtier pour notre infidélité, mais plutôt d’un processus positif par lequel Dieu veut nous corriger, nous enseigner et nous faire progresser dans la bonne direction.
Et donc plus on laisse le mal s’installer en nous, ou moins on se préoccupe de lutter contre ce mal qui est en nous, eh bien plus la discipline de Dieu va être douloureuse le moment venu.
Dans notre passage, les Israélites ont reçu comme consigne de la part de Dieu que la tribu de Juda mènerait l’assaut contre la tribu de Benjamin. Mais quel choc : ça ne se passe pas bien du tout, la tribu de Benjamin gagne la bataille, et 22 000 hommes d’Israël sont tués (v. 21). C’est très, très surprenant, parce que les Benjaminites sont quinze fois moins nombreux que les autres Israélites ! On ne s’attendait pas du tout à ça, et assez naturellement, on se dit qu’il y a un bug quelque part.
Les Israélites se disent eux aussi : « Si ça se trouve, on a mal compris l’Éternel ! » Alors ils vont le consulter de nouveau (v. 23). Et Dieu leur dit d’y retourner. Et… rebelote ! 18 000 Israélites sont tués (v. 25), et les Benjaminites jubilent. Mais nous, on ne jubile pas et on ne rit pas quand on y pense : deux fois, les Israélites ont mené le combat conformément aux consignes de Dieu, pour extirper le mal d’Israël, et deux fois, ils ont été vaincus, par des Benjaminites quinze fois moins nombreux, à tel point que les Israélites ont perdu 40 000 hommes, soit dix pourcent de leurs troupes !
On n’y comprend rien, et les Israélites n’y comprennent rien, mais ce qui est clair, c’est que c’est tellement peu probable, que ça doit venir de l’Éternel.
En fait, Dieu est là aussi en train de faire l’éducation de son peuple. Il est en train de leur montrer que ce n’est pas facile « d’extirper le mal du milieu d’Israël ». Il est en train de leur montrer que le mal, une fois qu’il est bien installé, il ne va pas se laisser faire ! Il est en train de leur montrer que même à quinze contre un, c’est ultra compliqué, ça va avoir un coût, et même, c’est au-dessus de leurs forces et de leurs moyens !
Telle est la puissance de destruction de ce que la Bible appelle « le péché ». C’est-à-dire la propension qu’on a à suivre nos mauvais désirs plutôt que les voies de Dieu qui en réalité sont bonnes pour nous. Le péché est plus fort que nous, et si on ne se soucie pas de cette réalité, si on ne fait rien, le péché, lui, ne va pas « rien faire » : il va continuer de progresser dans notre vie et de prendre le pouvoir, si bien que notre délivrance du péché va être de plus en plus difficile et coûteuse. Le pasteur puritain John Owen a dit : « Faites mourir le péché, autrement, c’est le péché qui sera en train de vous faire mourir. »
C’est un peu comme une infection. Si on laisse une infection s’installer, notre état de santé peut vraiment se détériorer, et plus on attend pour s’en occuper, plus la guérison va être difficile et coûteuse et douloureuse. Pensez à l’appendicite, par exemple. Si vous avez mal au ventre, et qu’on vous diagnostique une appendicite, il vaut mieux s’en soucier, et se faire opérer rapidement, sinon l’appendicite risque de se transformer en péritonite, la péritonite en septicémie, la septicémie peut entraîner un choc septique, et le choc septique la mort.
Et plus l’intervention médicale est tardive, plus ça risque d’être lourd, et vous allez devoir rester à l’hôpital plus longtemps, et les soins seront peut-être plus chers, et tout va être plus compliqué, pénible et coûteux.
Et en fait, le peuple d’Israël est en train de faire cet apprentissage dans notre texte. Combattre le mal qui est en nous, ou parmi nous, ce n’est pas une mince affaire ! Et en fait, c’est même complètement au-dessus de nos forces. Alors qu’est-ce qui se passe dans le texte ?
Les Israélites vont faire un truc inédit, jusque-là dans le livre des Juges. Ils vont se présenter devant l’Éternel, ils vont jeûner et prier, et offrir des sacrifices à Dieu dans un lieu particulier, « à Béthel » (v. 26), et pourquoi à Béthel ? Parce que c’est là que se trouve à cette époque « l’arche de l’alliance de Dieu » (v. 27) et le souverain sacrificateur de l’époque, qui se tient comme médiateur entre Dieu et le peuple. C’est là, donc, que se trouve le Tabernacle qui est le lieu de culte de l’Éternel – l’endroit où les sacrifices sont offerts et où Dieu réside de manière symbolique au milieu de son peuple. C’est l’endroit, en fait, qui récapitule toutes les promesses de grâce de Dieu – les promesses de son alliance avec Israël.
Et donc les Israélites se rassemblent là. Sous l’effet de la discipline de Dieu, ils prennent conscience qu’ils sont désarmés, démunis, complètement vulnérables face à la puissance du mal qui s’est installé en Israël. Et ils reviennent à Dieu pour chercher le secours de sa grâce et pour s’appuyer sur les promesses de son alliance.
Comme vous pouvez sûrement le voir, il y a une portée pédagogique extrêmement importante, ici. Depuis le début du livre des Juges, on avait pratiquement oublié que ça existait, le Tabernacle, l’arche de l’alliance, le souverain sacrificateur et la lignée de prêtres issue d’Aaron le frère de Moïse, et ce principe du médiateur qui assure le lien entre Dieu et son peuple, en présentant les sacrifices à Dieu de la part du peuple, et en bénissant le peuple de la part de Dieu. Mais en ayant atteint le fond, les Israélites reviennent à tout ça.
Oui, plus on laisse le mal s’installer en nous, ou parmi nous, plus la discipline de Dieu va être douloureuse. Mais ! Selon les promesses de grâce de Dieu, le pardon et la délivrance sont possibles, à un coût qu’on n’a pas à payer nous-mêmes !
Et c’est tout le sens des sacrifices, justement. Dieu a voulu que les péchés des croyants soient imputés à un sacrifice, pour que le sacrifice supporte la peine de ces péchés à la place des croyants, et pour que les croyants par conséquent soient pardonnés et rétablis dans leur relation avec Dieu sans qu’ils aient à payer eux-mêmes le prix de cette délivrance.
Tout ce qui se passe au Tabernacle (à Béthel dans notre texte), en fait, ça parle d’avance aux Israélites de la venue, un jour, du messie promis par Dieu, qui va s’offrir lui-même en sacrifice, un sacrifice parfait et suffisant pour supporter la peine de tous les péchés de tous les croyants de toute l’histoire. Comment est-ce qu’un tel sacrifice serait possible ? Parce que c’est Dieu lui-même qui va s’offrir en la personne de Jésus-Christ.
L’apôtre Paul dans le Nouveau Testament, nous dit que :
« Notre grand Dieu et Sauveur, le Christ-Jésus […] s’est donné lui-même pour nous, afin de nous racheter de toute iniquité, et de se faire un peuple qui lui appartienne, purifié par lui et zélé pour les œuvres bonnes. » (Ti 2.13-14)
Le combat contre le mal qui habite en nous est un combat difficile, mais en vertu de la personne et de l’œuvre de Jésus, la victoire a déjà été gagnée. Et si ce matin on est affligé dans notre âme à cause de cette prise de conscience qu’il y a quelque chose en nous qui ne tourne pas rond, et que c’est une infection mortelle, et si Dieu est en train de nous humilier et de nous faire sentir douloureusement les effets de notre péché sur nous-même et sur les autres, eh bien recevons cette discipline de Dieu avec reconnaissance, et tournons nos regards vers Jésus-Christ qui a tout payé pour qu’on ne vive plus dans la servitude du péché, mais pour qu’on progresse – par sa grâce – de victoire en victoire sur le mal.
Mais regardons le dernier point. Dernièrement : un piège redoutable. Ce qu’on va voir pour terminer dans notre texte (v. 29-48), c’est la victoire, justement, des Israélites sur la tribu de Benjamin. Mais c’est une victoire amère. Il y a une forme d’ironie qui doit nous faire réfléchir, et qui est là pour nous mettre en garde, en fait. Dans la vie, on doit vraiment veiller à ce qui se passe en nous, plus qu’à ce qui se passe autour de nous ou chez les autres.
Je trouve que c’est super intéressant, ce qu’on découvre dans le texte. On a le récit assez détaillé, en fait, de la victoire des Israélites sur la tribu de Benjamin. Il y a même certains détails qui nous sont donnés deux fois, comme pour vraiment insister sur ce qui s’est passé.
Et qu’est-ce qui s’est passé ? Eh bien les Israélites ont gagné, finalement, grâce à une stratégie particulière qui a consisté à tendre un piège à l’armée des Benjaminites. Ils les ont attirés en-dehors de la ville, et ensuite des Israélites qui étaient en embuscade ont envahi la ville par derrière, et ils ont mis le feu. Les Benjaminites se sont retrouvés attaqués sur deux fronts, et ils ont complètement perdu la bataille.
Pourquoi est-ce que l’auteur insiste vraiment sur les conditions de cette victoire ? Parce qu’en fait, ça doit nous rappeler quelque chose. Ça doit nous rappeler une autre fois où les Israélites ont employé cette stratégie pour gagner une victoire contre une ville. C’était dans le livre de Josué, lorsque les Israélites avaient commencé à prendre possession de la terre promise, au tout début, et qu’ils avaient essayé de prendre une ville appelée Aï (cf. Jos 8).
La première tentative s’était soldée par un échec douloureux (non pas à cause du nom de la ville…) ; Dieu n’avait pas donné la victoire, parce qu’il y avait un péché en Israël (cf. Jos 7.11-12). Dieu a dit :
« L’interdit est au milieu de toi, Israël, tu ne pourras pas tenir devant tes ennemis, tant que vous n’aurez pas écarté l’interdit du milieu de vous. » (Jos 7.13)
Et donc Israël va faire le nécessaire, et ensuite les Israélites vont gagner la victoire contre la ville d’Aï en employant la même stratégie qu’on a dans notre passage. La différence, bien sûr, c’est que dans notre passage, les habitants de la ville de Guibea sont des Israélites, alors que dans le livre de Josué, les habitants de la ville d’Aï, c’étaient des Cananéens. Donc l’auteur est vraiment en train de nous montrer que le combat d’Israël a changé de terrain. L’adversaire n’est plus à l’extérieur d’Israël, mais à l’intérieur d’Israël. Et les Benjaminites qui représentent à ce moment-là le mal en Israël, se retrouve à endosser le rôle des Cananéens, et à perdre comme les Cananéens, et à être dépossédés de leur ville comme les Cananéens, et même à être pratiquement exterminés et voués à l’interdit comme les Cananéens, puisque l’auteur nous dit que plus de 25 000 hommes de guerre de la tribu de Benjamin sont tués, sur les 26 000 qu’ils étaient au départ. Le texte nous dit aussi que les Benjaminites qui restaient dans les villes sont tués, c’est pratiquement un génocide (v. 48).
Finalement, on a bien l’impression qu’il ne reste que six cents hommes (v. 47) qui s’étaient enfuis et qui s’étaient cachés vers le désert. Voilà tout ce qui reste de la tribu de Benjamin, semble-t-il, alors qu’à la sortie du désert, au moment de pénétrer en terre promise, d’après le dénombrement qu’avait réalisé Moïse, il y avait 45 600 hommes dans la tribu de Benjamin (cf. Nb 26.41).
Tout ça pour nous montrer que les méchants qu’il fallait combattre au début de la conquête de la terre promise, c’étaient les Cananéens, mais en réalité, maintenant, les méchants qu’il faut combattre ce sont des Israélites eux-mêmes. Finalement, « l’interdit est au milieu de toi, Israël ! » Et ce qui est intéressant, c’est que les méchants tombent de la même manière : par une embuscade. Les méchants ont concentré leur attention sur l’extérieur, et la ville a été envahie par derrière, et la défaite est venue de l’intérieur.
Et en fait, ce qui est super intéressant, c’est qu’on a une sorte de mise en abyme, dans le texte. Une mise en abyme, c’est quand on a une image qui se représente elle-même, en elle-même. L’image dans l’image. C’est comme le logo du fromage « La Vache qui rit », où on a le portrait d’une vache qui porte des boucles d’oreille sur lesquelles il y a le portrait de la vache qui porte des boucles d’oreille sur lesquelles il y a le portrait de la vache… etc. !
Et dans notre passage, qu’est-ce qu’on a ? Tout le thème de ce passage, et même de tout le livre des Juges, c’est le thème du mal qui n’est pas principalement un danger pour Israël parce qu’il est extérieur à Israël, mais principalement parce qu’il est à l’intérieur d’Israël. Le thème, c’est celui des Israélites qui se concentrent sur l’extérieur au détriment de l’intérieur. C’est celui des Israélites arrogants, prétentieux et insensibles qui n’arrêtent pas d’échouer parce qu’ils se font avoir par ce qu’il y a en eux, et qui n’arrêtent pas d’être confrontés à ce problème – celui de leur véritable adversaire qui est déjà au milieu d’eux.
Et donc on a une mise en abyme assez remarquable dans notre passage, puisque ça commence par le Lévite, au début, qui a vite fait d’accuser les Benjaminites extérieurs à lui, tout en passant sous silence sa lâcheté à lui et en fermant les yeux sur son propre cœur ; et dans la fin de notre passage, on a les Benjaminites méchants qui concentrent leurs efforts sur le combat à l’extérieur de la ville, tout en négligeant l’intérieur ; et ça nous rappelle les Cananéens qui se sont fait avoir de la même manière quand les Israélites ont attaqué la ville d’Aï ; mais justement, les Israélites collectivement n’ont pas retenu la leçon de la défaite initiale à Aï, puisque par la suite, ils ont concentré leur attention sur les ennemis extérieurs à Israël, au lieu de reconnaître que le mal était déjà bien installé au milieu d’eux ; et tout ça, ça nous renvoie à nous-mêmes, collectivement ou individuellement – nous pour qui c’est tellement plus facile de pointer l’extérieur que de regarder honnêtement l’intérieur !
Quelque chose en toi, Église Lyon Gerland, ne tourne pas rond. Quelque chose en toi, Alexandre Sarran, ne tourne pas rond. Oublie ce qui se passe à l’extérieur de la ville, ne te fais pas avoir, ne baisse pas la garde. Pendant que tu mènes le combat contre ceux qui sont dehors, qui est-ce qui veille à ce qui se passe dans ton cœur ? Et pendant que nous, tous ensemble, l’Église Lyon Gerland, on énumère tout ce qui ne va pas dans le monde autour de nous, et qu’on se félicite de n’être quand même pas comme les autres… qui est-ce qui s’inquiète du péché qui est déjà au milieu de nous et qui va mettre le feu à la ville et nous détruire de l’intérieur ? Voilà quel est le piège redoutable auquel on doit faire attention.
Dans la vie, on doit vraiment veiller à ce qui se passe en nous, plus qu’à ce qui se passe autour de nous ou chez les autres.
Et finalement, ça c’est un peu la leçon de tout ce chapitre, et c’est une des grandes leçons de tout le livre des Juges. Au début, je posais la question : qu’est-ce qui nous dérange le plus, ce matin ? Est-ce que ce qui nous dérange, ce sont des choses extérieures à nous ? Est-ce qu’on a cette tendance à chercher des boucs émissaires pour les difficultés qu’on traverse, que ces difficultés soient petites ou grandes ?
En fait, ce qui devrait nous déranger le plus, c’est nous-même ! Comme je l’ai dit en introduction, ce qui devrait nous préoccuper plus que tout autre chose dans la vie, ce n’est pas le mal qui existe autour de nous, mais c’est le mal qui existe en nous.
Et donc je voudrais rapidement conclure avec trois applications pratiques.
Premièrement, on doit renoncer définitivement au mythe de la communauté chrétienne invulnérable. Il y a des gens qui aimeraient vous faire croire qu’à condition de réunir quelques conditions de vie en communauté optimales, essentiellement basées sur des règles à respecter, eh bien on pourrait créer des communautés où on serait à l’abri du péché. C’est faux. Le péché est attaché à notre cœur. La « loi du péché » est « dans nos membres », dit l’apôtre Paul (Rm 7.23), et on n’en sera jamais débarrassé ici-bas ! On doit être lucide là-dessus. On doit monter la garde sur nous-même, nous méfier de nous-même, et accepter d’être honnête avec nos frères et sœurs concernant notre propre faiblesse. En fait, quand on s’imagine qu’on est à l’abri du péché, c’est à ce moment-là qu’on est le plus en danger ! Et les communautés qui pensent pouvoir se prémunir contre le péché par des moyens externes, sont celles où le péché s’installe de la manière la plus sournoise et cachée, et où le péché prend des formes particulièrement hideuses, et quand ça éclate, c’est particulièrement dégoûtant et destructeur !
Deuxièmement, on doit recevoir avec gratitude et docilité la discipline bienfaisante de notre bon Père céleste. Il est notre tendre Père, et il nous veut du bien. C’est tellement facile pour nous de nous endurcir et de résister à la discipline. On n’aime pas être remis en question. On n’aime pas changer. On n’aime pas reconnaître qu’on est en tort. Et plus on résiste, plus l’acceptation de notre faiblesse devient difficile et douloureuse. Et comme je le disais, en fin de compte, c’est parfois par la souffrance, le dépouillement et l’humiliation que notre tendre Père voudra nous briser et nous ouvrir à ses bons soins. N’attendons pas ce moment-là pour déjà accueillir sa discipline, qui nous vient parfois par le bon conseil et les exhortations de nos frères et sœurs. C’est quand la dernière fois que vous avez accueilli avec reconnaissance et humilité une admonestation (une critique) même maladroite d’un ami dans la foi ?
Enfin, dernièrement, le sentiment de notre indignité et la conscience du mal qui existe en nous, ne doit pas nous conduire au cynisme ou au désespoir, mais bien au contraire, ça doit nous conduire à « Béthel », ça doit nous conduire à l’arche de l’alliance, ça doit nous conduire au souverain sacrificateur qui est notre médiateur auprès de Dieu. Autrement dit, ça doit nous conduire à Jésus-Christ, que le Nouveau Testament appelle notre « grand souverain sacrificateur » (Hé 4.14). En pratique, ça veut dire penser à Jésus, à qui il est et à ce qu’il a fait, chaque jour ! Ça veut dire se rappeler intentionnellement, et perpétuellement – que ce soit dans le culte, dans la prédication, dans les groupes de maison, dans nos temps de prière personnels, dans nos conversations entre nous, à la maison ou en voyage ou au travail – nous rappeler que Jésus a tout payé pour nous délivrer de la condamnation du péché, et pour qu’on soit pour toujours recouvert de sa justice à lui.
Par nature, on est des pécheurs, et le mal a infecté tout notre être. Mais par la foi en Jésus, on est déclaré juste, on est adopté par Dieu, et le mal sera un jour totalement extirpé du milieu de nous, parce qu’on est déjà devenu, pour toujours, des enfants bien-aimés de Dieu. Et ça, c’est vraiment toi !