En 1951, un psychologue du nom de Solomon Asch a conduit une expérience stupéfiante. Il a réuni un groupe de jeunes adultes, en leur proposant de participer à un test de vision. Il fait asseoir six des participants à une table. Parmi les six, cinq sont complices avec le psychologue. Celui-ci leur présente des affiches avec un trait de référence d’un côté, et trois traits de longueur différente de l’autre côté. Le psychologue demande ensuite à chaque personne du groupe de désigner le trait qui est de la même longueur que le trait de référence. Facile. Au début, tout se passe bien. Mais ensuite, les complices, de manière unanime, vont parfois désigner exprès le mauvais trait, alors que la bonne réponse est tout-à-fait évidente. L’expérience a montré, en définitive, que 37% des sujets « piégés » suivaient le choix du groupe dans ses mauvaises réponses. Ces sujets, après la fin de l’expérience, ont donné deux raisons pour leur comportement. Face à l’unanimité des cinq autres participants, certains sujets s’étaient persuadés eux-mêmes que leur propre perception était fausse. D’autres savaient qu’ils donnaient une mauvaise réponse, mais ils ne voulaient pas froisser le consensus. On appelle cela le pouvoir du conformisme.
Je vous pose une question : vous arrive-t-il de craindre d’être différent des gens qui vous entourent ? Redoutez-vous leur jugement ? Bien sûr que oui, et rassurez-vous, c’est normal ! C’est pratiquement inscrit dans notre ADN. Malheureusement, c’est aussi pour chacun de nous un sérieux handicap, parce que parfois, le pouvoir du conformisme va nous pousser à douter de ce que nous savons être vrai, et nous pousser à faire de mauvais choix, parfois des choix dévastateurs. Heureusement, ce n’est pas une fatalité. Le texte que nous avons lu va nous parler de ce que j’ai appelé « le Syndrome de Festus », ou la façon dont un être humain peut être prisonnier de la pression de ses pairs. Nous verrons que ce syndrome nous ressemble ; mais le texte non seulement nous parlera du symptôme de ce syndrome, il nous parlera aussi de ce qui le cause et, fort heureusement, il nous dira comment on peut en guérir !
L’auteur rapporte la manière dont Festus lui-même rapporte à Agrippa ce qui s’est passé quelques jours auparavant. Pourquoi l’auteur raconte-t-il une deuxième fois ce qu’il vient de raconter lui-même quelques versets plus haut ? Parce qu’il veut nous faire jouer au jeu des différences ; il veut nous montrer de quelle façon Festus agrémente son compte-rendu et le modifie quelque peu pour soigner son image par rapport aux événements qui se sont déroulés. Comparez par exemple les versets 3 et 15 (et 24), 4-5 et 16, 7 et 18, 9 et 20 (et 25).
Festus veut soigner son image devant Agrippa et Bérénice, et le lendemain, devant tous les notables de la ville. Saviez-vous qu’il existait des éclairages spéciaux pour les rayons de fruits et légumes dans les magasins ? Des éclairages qui font ressortir les couleurs, souvent avec des reflets verdoyants. Pourquoi ? C’est pour faire bonne impression, car un légume qui n’a pas une bonne apparence, c’est un légume invendu, un légume qui n’a pas de raison d’être.
Vous voyez combien l’image ça compte, quand on est un légume. On voit que Festus aussi se soucie de son image, entouré qu’il est des notables de la ville et du roi lui-même, Agrippa. Ce que ces gens pensent de lui, ça compte pour Festus, au point de modifier et d’agrémenter, volontairement ou peut-être involontairement, le récit des événements qui se sont déroulés quelques jours auparavant. Cela n’a pas échappé à Paul et à l’auteur du livre des Actes, qui nous raconte cette histoire pour nous montrer à quoi ça ressemble, quelqu’un qui vit sous la tyrannie de l’impression qu’il donne à ses pairs.
Est-ce que vous reconnaissez le même symptôme dans votre vie ? À quel point l’opinion de vos collègues, de vos voisins, de vos camarades de classe compte-t-elle lorsque vous choisissez vos vêtements le matin ? À quel point leur opinion compte-t-elle dans le choix de la musique que vous écoutez, ou les films et les séries que vous regardez ? Et si leur opinion compte dans ces domaines, à quel point compte-t-elle aussi dans vos convictions politiques, morales ou religieuses ? Je crains que nous tous, que nous soyons croyants ou non, nous avons cette tendance (celle du légume) à trouver notre satisfaction, notre paix, voire notre raison d’être, dans le regard et dans l’opinion d’autrui. Nous souffrons tous du « Syndrome de Festus ». Pourquoi est-ce ainsi ? Regardons le texte.
L’auteur nous explique le contexte de ces événements. Le roi Agrippa rend visite à Festus, avec Bérénice (ce sont le frère et la sœur de Drusille, la femme du gouverneur précédent, Félix). Festus veut faire bonne impression ; il lui parle donc de la façon dont il fait très bien son travail. Agrippa s’intéresse au cas du prisonnier Paul et il veut l’interroger. Festus se retrouve ainsi le lendemain, entouré du roi et de sa sœur/femme qui sont venus « avec beaucoup d’apparat », ainsi que tous « les tribuns et les gens haut-placés de la ville ». L’auteur dresse le décor pour montrer que Festus est en train de subir une énorme pression de la part de ses pairs, de ces gens puissants dont l’opinion compte tellement pour lui.
Festus va donc se justifier (v. 25-27) devant ses pairs, quitte à embellir son rapport. Pourquoi ? Parce qu’il est prisonnier de la pression de son entourage. Vous avez entendu parler de ce qui est arrivé à Mathieu Bastareaud, un joueur de l’équipe de France de rugby, cette semaine ? Bastareaud a expliqué son œil au beurre noir, un beau matin, en prétendant qu’il s’était fait agresser par des gens dans la rue, à Wellington, alors qu’en fait, il serait rentré ivre à son hôtel, il aurait trébuché, et il serait tombé sur sa table de nuit. Cette histoire drôle, et ce mensonge avéré, ont tourné pratiquement à l’incident diplomatique ! Pourquoi Bastareaud n’a-t-il pas raconté la vérité ? Parce qu’il vit sous une pression monumentale, la pression de son métier, de son entourage, de ses collègues, et des supporters.
Vous voyez ce que ça veut dire, être prisonnier de la pression de son entourage ? Bastareaud s’est retrouvé devant un dilemme : celui de vivre avec la tension du mensonge, ou de vivre avec l’embarras de la vérité. Celui de porter le masque de tout ce que les gens attendaient de lui, ou de tomber le masque quitte à décevoir les gens. Festus est confronté à ce dilemme. Nous aussi nous sommes confrontés à ce dilemme, en permanence.
Cette pression à laquelle nous sommes soumis, c’est la cause de ce mal que j’ai appelé « le Syndrome de Festus ». Nous subissons la pression de nos pairs. Est-ce que vous n’avez pas peur de décevoir vos meilleurs amis ? Est-ce que vous n’avez pas peur de dire à vos collègues, le lundi matin, ce que vous avez fait le dimanche matin ? Qu’est-ce qu’ils vont penser de vous, si vous leur dites que vous vous intéressez à la Bible ? Que vous priez tous les jours ? Que vous croyez que Jésus est vivant ? Et est-ce qu’il vous est difficile d’avouer vos faiblesses ? De reconnaître vos erreurs ? De demander pardon ? Tout cela est difficile, parce que fondamentalement, nous avons peur de perdre la face. Comme Festus, nous sommes prisonniers de la pression, et des attentes, de notre entourage. Mais il y a un remède !
Il y a des indices dans le texte qui nous montrent que le problème de Festus est lié au problème de l’objet de son allégeance. À trois reprises, Festus va employer des termes particuliers pour parler de César (v. 21, 25 et 26). Ces termes sont particuliers parce qu’ils expriment normalement une vénération proprement religieuse ! Ce sont des termes (traduits ici par « empereur » et « souverain ») que l’on emploierait pour parler de Dieu ou à Dieu. On voit bien quel est l’objet de l’allégeance de Festus ; c’est César, et à travers César, toute la hiérarchie, la société et la culture romaines. Festus vit sous la tyrannie de l’impression qu’il donne à ses pairs, il est prisonnier de la pression et des attentes de ses pairs, parce que ses pairs représentent l’objet de son allégeance !
L’auteur nous fait remarquer cela pour que nous nous posions la question de ce qui constitue, pour nous, l’objet suprême de notre allégeance. Dans le texte, l’objet de l’allégeance de Festus a un rival, et ce rival est mentionné, par Festus lui-même, au verset 19, avec tout ce quiconstitue la suprématie de ce rival sur tous les dieux et sur toutes les idoles et sur tous les objets de vénération imaginables : ce rival c’est Jésus. Pourquoi Jésus est-il digne de notre vénération par-dessus tout le reste ? Parce qu’il était mort, et qu’il est revenu à la vie. Le remède pour Festus ? Il doit changer de dieu. Il doit laisser tomber ces dieux impressionnants, certes, intimidants, certes, mais faillibles et éphémères. Il doit laisser tomber ces idoles qui ne font rien pour lui sinon le tyranniser, et il doit recevoir dans sa vie le règne du Dieu bienveillant, le règne de Jésus-Christ qui, loin de le tyranniser, a bien plutôt pris sur lui, à la croix, le poids de tous ses manquements pour lui offrir un pardon libérateur, le soulagement de toutes ses erreurs, de toutes ses faiblesses, et de tous ses péchés.
Un jour je me suis présenté à un entretien d’embauche pour un poste dans une entreprise qui travaille à l’aéroport. C’était une des premières fois que je postulais pour un emploi sur une longue durée. J’avais vraiment besoin d’argent. J’étais assez jeune. Je n’étais pas encore marié, mais je commençais à être de plus en plus indépendant. J’allais avoir un tête-à-tête avec un cadre haut-placé ! Pourtant je me suis présenté calme, tranquille, pas inquiet du tout. Pourquoi, à votre avis ? Parce que le directeur du service pour lequel je me présentais était un ami de la famille, et qu’il m’avait déjà dit que ce serait bon ! La personne en face à beau être imposante, si on est ami avec son patron, ça change tout ! Si on est ami avec le patron, et que le patron a déjà dit que ce serait bon, on est libre d’être soi-même, on n’a plus peur de faire des gaffes, on ne craint pas de se montrer authentique !
Vous savez quoi ? Lorsque l’on se confie en Jésus-Christ, on devient l’ami du patron. L’ami du Patron des patrons ! Ce patron nous connaît mieux que quiconque. C’est terrible ! On ne peut rien lui cacher ; il connaît tous nos défauts et tous les recoins secrets et puants de notre être. Mais c’est un patron compatissant, un patron qui nous aime, et comment ! Jésus nous aime tant qu’il a pris sur lui le poids de nos péchés, pour pouvoir nous pardonner, nous libérer du fardeau de nos défauts et nous dire : « Alex, c’est bon maintenant. Il n’y a plus de problème. Tu peux être toi-même. J’ai pris sur moi tous tes défauts, tous tes péchés. Tu n’as plus besoin de soigner ton image, parce qu’aux yeux de Dieu, tu as une image parfaite, la mienne que je t’ai donnée, et personne ne pourra jamais rien y changer ». Si vous vous confiez en Jésus, vous devenez l’ami du patron suprême, et ce patron est content de vous. Si vous vous confiez en Jésus, Dieu vous déclare juste, et il n’y a plus aucune raison de vivre sous la tyrannie de l’impression que vous donnez à vos pairs, car le Patron des patrons, celui à qui tout le monde devra rendre des comptes, a déjà dit que ce serait bon (cf. Rm 8).
Vous comprenez l’importance de ce que je suis en train de dire ? Nous parlions en introduction de ce fameux pouvoir du conformisme. Cette tendance que nous avons tous à craindre d’être différents de notre entourage. À redouter leur jugement. Ce texte nous a montré en la personne de Festus ce que c’était que ce syndrome, qui se manifeste par un désir de soigner son image devant les autres et la crainte de décevoir, qui s’explique par la pression que nous subissons de la part de nos pairs et des gens dont l’opinion compte pour nous, mais qui se guérit par un changement d’allégeance : plutôt que de vénérer un cercle d’amis, un certain confort, un mode de pensée, un style particulier ou autre chose de tyrannique, nous devons reconnaître en Jésus l’objet suprême de toute vénération, car il est mort à notre place à la croix, mais le troisième jour il est ressuscité, il est monté au ciel, et Dieu a tout mis sous ses pieds. Michaël Jackson, un autre objet de vénération inter-planétaire, lui aussi est mort, mais aujourd’hui, le troisième jour, il est toujours mort. Lui qui voulait tant vaincre la mort, il a été vaincu par elle, et de quelle triste manière. Mais Jésus a vaincu l’ennemi suprême. Il est le Patron des patrons. Il est le Juge des juges. Tout le monde devra lui rendre des comptes. Mais si vous vous confiez en lui, si vous jetez vos armes à ses pieds, il vous accueille auprès de lui, il vous pardonne, il vous couvre de la justice qu’il a acquise pour vous au prix de sa propre vie, et vous devenez libres vis-à-vis de tout ce qui vous tyrannisait jusqu’à présent ! Parce qu’il est au-dessus de toutes choses, que rien n’est au-dessus de lui, et qu’il vous aime d’un amour indéfectible. C’est à cela qu’il faut songer lorsque nous avons peur de perdre la face, et que nous nous sentons prisonniers de la pression, et des attentes, de notre entourage. Regardez le texte de nouveau… qui est prisonnier, dans cette histoire ? Paul ou Festus ? Festus vit sous la tyrannie de ce que son entourage pense de lui. Mais Paul vit dans la conscience d’être l’ami intime du Christ exalté, le Roi des rois, le Seigneur des seigneurs, dont il sent la main droite posée sur son épaule et dont il entend la voix qui lui dit, pour reprendre les paroles de l’introduction à l’Apocalypse : « Sois sans crainte ! Moi je suis le premier et le dernier, le vivant. J’étais mort, et me voici vivant aux siècles des siècles » (Ap 1.17, 18).