Il y a des étoiles lumineuses dans la rue, suspendues aux lampadaires, des étoiles en argent ou en or, accrochées aux branches des sapins, des étoiles en aluminium collées aux vitrines ou aux fenêtres, des étoiles dessinées sur les papiers cadeaux et sur les cartes de vœux et sur les emballages de papillotes. Il y a aussi toutes ces guirlandes lumineuses accrochées aux balcons et aux arbres, qui sont autant de petites étoiles qui se mettent à scintiller un peu partout dès que la nuit commence à tomber. Et comment ignorer cette usine à étoiles que l’on appelle la Star Academy, qui propose un nouveau modèle, tous les ans, autour de Noël. Sans oublier, bien sûr, l’étoile des rois mages, qui domine la crèche et les santons.
Ces mages qui ont dû discerner l’étoile du roi Jésus parmi des milliards d’autres dans le ciel, et qui l’ont suivie depuis l’Orient jusqu’en Palestine et enfin jusqu’à Bethléhem. Combien facile il eût été de se tromper d’étoile, et de finir à l’autre bout du monde plutôt qu’en cet endroit incongru où reposait le Fils de Dieu ! Et dans notre monde, qui brille de toutes sortes d’étoiles d’intensités et de couleurs différentes, ne faut-il pas aussi s’assurer de suivre la bonne étoile pour ne pas s’égarer et se retrouver ailleurs, en cette saison de fêtes, qu’aux pieds du Roi Jésus ?
Bien étrange en effet, l’éclat dont brillent les étoiles du monde à Noël. Noël, ou la célébration de la richesse et le moment pour beaucoup de se frotter les mains : enfants réjouis par les cadeaux en grand nombre, commerçants aux anges devant un chiffre d’affaires record. Noël, ou la célébration du plaisir et le moment pour beaucoup de se lécher les babines devant le foie gras, le saumon fumé, le champagne et les chocolats. Noël enfin, ou la célébration de toutes choses glorieuses et le moment pour les yeux d’être éblouis par la profusion de paillettes et de décorations extravagantes, boules, guirlandes, papiers étincelants, nœuds papillon et autres clochettes en or.
Est-ce de cet éclat que l’étoile du roi des Juifs a brillé pour les mages ? Arrivant à Jérusalem, ces mages-ci ne savent plus où aller et sont obligés de demander leur chemin. Ils ont perdu de vue l’étoile ; logique, puisque Jérusalem ne se trouve pas sur le chemin de Bethléhem lorsque l’on vient de l’Est. Les mages se sont-ils imaginé être plus sages que leur céleste GPS, supposant que leur destination était Jérusalem alors qu’elle était plus au Sud, plus à gauche ? Ont-ils confondu l’étoile du Christ avec une autre, pour se retrouver ainsi au mauvais endroit, perplexes et désorientés ?
Apprenant que le Christ devait naître à Bethléhem, les mages reprennent la route, et ô surprise, voici, l’étoile qu’ils avaient vue en en Orient les précédait. Cette étoile, la bonne étoile, les éloigne de Jérusalem, la grande, pour les mener vers la petite parmi les milliers de Juda ; elle leur fait tourner le dos aux richesses de la capitale et contempler la pauvreté de cette bourgade réputée moindre. La bonne étoile s’arrête au-dessus d’une petite maison modeste (était-ce encore l’étable ?), contrastant avec le confort et le luxe du palais royal de Jérusalem où les mages avaient d’abord pensé trouver le rejeton de David. Le chemin de l’étoile les a menés loin des plaisirs mais près de la privation. Ils entrent. Disparu le puissant roi Hérode, vêtu de sa tunique superbe, orné de sa couronne et de ses pierres précieuses ; ici, c’est un petit enfant, accompagné de sa mère, qui reçoit leurs hommages.
L’étoile de Noël, l’étoile du Christ, n’a pas brillé, pour les mages, d’un éclat qui s’appelle richesse, plaisir et gloire ; elle brille plutôt de pauvreté, de privation et d’humilité. L’étoile de Noël, qu’ils avaient un temps perdu de vue, ne les a pas menés là où ils avaient, un temps, supposé trouver le roi des Juifs. L’éclat de Noël, c’est celui de la parole de l’apôtre : Le Christ-Jésus, lui dont la condition était celle de Dieu, n’a pas estimé comme une proie à arracher d’être égal avec Dieu, mais il s’est dépouillé lui-même, en prenant la condition d’esclave. Ce n’était pas la douce nuit ce soir-là, ni pour Marie, ni pour Joseph, ni pour Jésus. Les ténèbres n’ont pas accueilli la lumière.
Faut-il donc renoncer aux cadeaux, aux bons repas et aux décorations pour retrouver aujourd’hui l’éclat authentique de Noël ? Faut-il rejeter cette fausse culture de Noël, qui entretient richesse, plaisir et gloire, au profit d’une fête dépouillée, qui reflète mieux l’éclat de la bonne étoile parmi toutes les autres ? Lorsque les mages, ayant quitté Jérusalem, prennent conscience de leur méprise, et trouvent ce petit enfant dans cette petite maison de cette petite bourgade, ils ne repartent pas aussitôt, tout gênés de ce cérémonial semble-t-il inapproprié et des trésors honteusement précieux qu’ils avaient apportés. Mais là, dans l’intimité du lieu, ils expriment à Jésus toute la solennité due au Roi des rois.
Prosternés, adorant le petit enfant, les mages ouvrent leurs trésors. D’abord c’est de l’or, le cadeau digne d’un roi, digne du roi Hérode, mais que Jésus reçoit, car il est écrit que le Christ devait régner en roi et prospérer. Puis c’est de l’encens, le parfum réservé aux prêtres et à leur service dans le Temple, digne des principaux sacrificateurs de Jérusalem, mais que Jésus reçoit également, car il est écrit que le Christ devait être un souverain sacrificateur miséricordieux et fidèle dans le service de Dieu, pour faire l’expiation des péchés du peuple.
Enfin c’est de la myrrhe. Précieuse substance elle aussi, destinée à embaumer les cadavres, digne de ces centaines de bébés massacrés un peu plus tard sur l’ordre de Hérode. Mais la myrrhe revient à Jésus, car il est écrit que le Christ s’est livré lui-même à la mort, et qu’il a été compté parmi les coupables, parce qu’il a porté le péché de beaucoup et qu’il a intercédé pour les coupables.
Malgré le contexte de pauvreté, de privation et d’humilité dans lequel les mages trouvent le roi des Juifs, ceux-ci lui rendent quand même des hommages dignes de toute richesse, de tout plaisir, et de toute gloire, car ces trésors d’apparence disproportionnée annoncent le chemin de sa messianité. La myrrhe parce qu’il doit souffrir et mourir à la croix pour porter les péchés d’une multitude d’hommes. L’encens parce qu’il doit ressusciter pour devenir prêtre auprès de Dieu et intercéder en faveur du peuple. L’or parce qu’il doit s’asseoir à la droite de Dieu le Père et régner sur la création jusqu’à ce que Dieu fasse de ses ennemis son marchepied.
Il ne faut pas se laisser leurrer par les étoiles du monde, mais suivre la bonne étoile, l’Étoile du matin, le Christ-même, qui seul peut donner aux fêtes de Noël leur sens ultime. Alors cadeaux, bons plats et décorations, qui sont des types de richesse, de plaisir et de gloire, annonceront encore le Christ aujourd’hui. Car Noël c’est la promesse, en Christ, d’une richesse céleste : l’espérance du salut, et de toute bénédiction spirituelle. D’un plaisir céleste : celui de s’asseoir au ciel à la table du banquet où, à l’occasion de cette incroyable réunion de famille, les élus savoureront les meilleurs plats en célébrant le nom du Créateur. Enfin, d’une gloire céleste : celle d’entrer un jour dans la présence de Dieu et de se présenter devant lui sans honte, vêtus de robes blanches immaculées, dans un endroit dont l’éclat, dit l’Écriture, est semblable à celui d’une pierre de jaspe transparente comme du cristal.